samedi, 29 janvier 2022
Marché noir
Intitulé Koshtârgâh ("L'Abattoir") à l'origine, The Slaughterhouse à l'international, ce polar iranien croise deux intrigues en apparence distinctes, mais qui vont finir par se rejoindre.
L'histoire débute par la découverte de trois cadavres dans l'une des chambres froides d'un abattoir de Téhéran. Le propriétaire semble furieux et demande au gardien de "régler le problème". Celui-ci, qui se sent responsable (sans qu'on sache très bien pourquoi au début), demande à Amir, son fils aîné, de l'épauler. Celui-ci, tout juste revenu de France (d'où il a été expulsé), voudrait désormais éviter les embrouilles, mais il se voit mal laisser son père dans la panade.
Ce début est bien mystérieux, les principaux personnages ayant tous quelque chose à cacher. Si l'interprétation est globalement bonne, j'ai toutefois été un peu agacé par celui qui incarne le père : il en fait trop. Il faut dire que la caractérisation est à la louche : l'homme âgé, veuf, obèse, est autoritaire avec les siens mais servile vis-à-vis du patron de l'abattoir (qui lui a fourni un logement).
En parallèle, on découvre petit à petit l'importance prise par le trafic de devises (des euros et des dollars). Elles sont très recherchées dans le pays, en particulier par tous ceux qui veulent faire du commerce international, surtout s'il est illégal. C'est aussi un objet de spéculation : vendre puis refourguer des dollars permet, si l'on est malin et qu'on réussit à se procurer une grande quantité d'espèces, de faire de jolies culbutes. Pour anticiper les fluctuations du billet vert, certains Iraniens suivent avec attention les remous de la politique internationale, même s'ils n'en comprennent pas tous les ressorts. Je signale aussi une séquence nocturne, impressionnante, construite autour d'un marché de devises (illégal) à ciel ouvert, dans un quartier peu fréquenté de la capitale iranienne. On y voit de vieux messieurs côtoyer le frisson de la spéculation, quitte à frôler l'arrêt cardiaque. On se croirait à la corbeille d'une bourse occidentale, il y a quarante-cinquante ans !
Amir finit par trouver du travail auprès du propriétaire de l'abattoir, qui est mêlé au trafic de devises... ainsi qu'au commerce de bétail. La mort (accidentelle ?) des trois hommes du début pourrait ne plus être qu'un souvenir, mais voilà qu'un petit bout de femme en tchador vient semer la pagaille. Il s'agit d'Asra, la fille de la plus âgée des trois victimes (et cousine des deux autres). C'est une Iranienne arabophone, à l'image d'une communauté qui vit dans l'ouest du pays et profite de la proximité de la frontière irakienne pour se livrer à de menus trafics. Par son intermédiaire, on finit par comprendre quel est le lien avec la folie du dollar.
J'ai été pris par ce polar social, une nouvelle réussite iranienne après Un Héros et surtout La Loi de Téhéran. Si l'occasion se présente, courez voir ce film !
18:56 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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