vendredi, 19 août 2022
De l'autre côté du ciel
Cette animation japonaise baigne dans une ambiance post-apocalyptique : les habitants d'une cité-État industrielle sont confinés dans un territoire marqué par la verticalité. Le ciel est bouché par d'épaisses fumées. La ville s'arrête au bord d'une mer où vit, selon la rumeur, une redoutable créature, qui aurait dévoré Bruno, un couturier un peu trop curieux, qui racontait qu'au-dessus des nuages se trouvent des étoiles et qu'il existe d'autres mondes, par-delà les mers.
Bruno a pour fils Lubicchi, le jeune héros, qui cumule les difficultés. Orphelin de père, il risque de perdre aussi sa mère, gravement malade. Pour subvenir à leurs besoins, il travaille dans l'équipe de ramoneurs des énormes cheminées qui parsèment la ville. Presque toujours en compagnie d'adultes, le gamin n'a pas vraiment d'amis... jusqu'au jour où il croise un drôle d'individu.
Ce personnage, Poupelle, l'homme-poubelle, est l'une des réussites de ce film. Formé de bric et de broc, il passe au départ pour un déguisement d'Halloween, avant que la population ne constate qu'il s'agit d'un être vivant très particulier, que certains n'hésitent pas à qualifier de monstre. Mais les apparences sont trompeuses...
L'amitié qui se noue entre le gamin et Poupelle est touchante, parfois drôle dans les péripéties qu'ils affrontent. Derrière, on sent le message de tolérance, un de ceux que le film est chargé de véhiculer.
On l'a cependant un peu trop vite raccroché à certaines de nos préoccupations. En dépit de l'omniprésence des fumées obscures, il ne s'agit pas d'une dénonciation de la pollution. Ces fumées, produites par les cheminées contrôlées par la famille régnante, ont pour fonction de masquer la réalité. C'est donc plutôt le repli sur soi, le refus de l'ouverture au monde que pointe le film. On y trouvera aussi le harcèlement entre enfants et la crédulité des adultes, prêts à croire à n'importe quel bobard. L'histoire dénonce l'intolérance dont sont victimes les personnes différentes et la mise en place d'un régime dictatorial, supposé défendre le bien commun.
Sur le plan visuel, c'est brillant, aussi bien dans les scènes hyper colorées que dans celles, plus sombres, qui font intervenir les fumées. Certains plans sont construits avec un souci du détail impressionnant. Je conseille notamment d'observer tout ce qui a trait au corps de Poupelle.
En dépit de ces qualités, j'ai quelques réserves à émettre. La première est la présence de chansons, qui n'apportent rien au film. La seconde est une trop grande insistance sur les difficultés que rencontre le garçon. J'ai préféré quand l'histoire s'emballait, au début dans la séquence de rencontre et à la fin lors de l'expédition en bateau. C'est clairement (sur le fond) une animation plutôt destinée aux enfants, mais réalisée avec un incontestable brio.
P.S.
Je pense que l'intrigue de ce film se comprend différemment au Japon et en Occident. Il est fort possible que la confrérie des ramoneurs, ainsi que le personnage de Poupelle, soient des allusions aux burakumin, une catégorie de population jugée impure.
Enfin, la représentation d'un pouvoir autoritaire, s'appuyant sur une milice (les "inquisiteurs"), est sans doute une référence au retour en force des mouvements nationalistes, en partie à cause de la montée en puissance de la Chine.
13:12 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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