lundi, 24 octobre 2022
Le Pharaon, le sauvage et la princesse
Quatre ans après Dilili à Paris (et six après Ivan Tsarevitch et la princesse changeante), Michel Ocelot est de retour sur nos écrans, avec une œuvre bien dans le style de celles qui ont fait sa renommée.
De nos jours, en France, une conteuse est sollicitée par un public composé d'hommes et de femmes d'âges et d'origines très divers. Elle réussit le tour de force de concilier toutes leurs exigences (soyez particulièrement attentifs au début) dans trois contes, aux contextes différents. Tous trois narrent toutefois la naissance d'un amour.
LE PHARAON
Ce premier conte s'inspire de l'histoire bien réelle des pharaons noirs de Koush, l'un d'entre eux ayant même conquis l’Égypte. La fable explique cette conquête par la volonté d'un jeune prince de se rendre digne d'épouser l'élue de son cœur, ce que la mère de celle-ci au départ lui refuse. On baigne donc à la fois dans une ambiance antique et traditionnelle des contes de fées occidentaux. Techniquement, les équipes d'Ocelot se sont appuyées sur les bas-reliefs égyptiens, pour représenter leurs personnages le visage de profil mais le corps de face. Cela convient parfaitement à l'histoire, romanesque en diable. Les enfants seront sans doute aussi attirés par la représentation de certaines des principales divinités égyptiennes.
LE BEAU SAUVAGE
Ce conte d'inspiration médiévale est censé se dérouler au cœur de la France, dans le Massif Central. Les spectateurs attentifs remarqueront la présence de trois fleurs de lys dans l'un des vitraux... et celle de vaches Salers, dans les prés !
Ocelot reprend la technique des ombres chinoises pour évoquer le sort du fils unique d'un grand féodal, celui-ci cruel avec son entourage. Dans un premier temps, l'humanité du fils semble le conduire à sa perte... mais, comme souvent dans les contes, ce qui paraît perdu finit par être regagné, d'une autre manière. Ce n'est pas la plus belle histoire, sur le plan visuel, mais c'est la plus forte, d'un point de vue humaniste.
LA PRINCESSE DES ROSES ET LE PRINCE DES BEIGNETS
Le troisième conte est l'occasion d'un feu d'artifice de couleurs et de lumières. Cette turquerie lorgne du côté des Mille et une nuits... et d'Azur et Asmar, une des précédentes œuvres d'Ocelot (dont l'influence était déjà perceptible dans le deuxième conte).
Un prince nord-africain déchu se retrouve à fabriquer et vendre des beignets à Constantinople, où le sultan peine à trouver un prétendant convenant à sa superbe fille (d'apparence occidentale, soit dit en passant). Vous imaginez sans peine que les deux tourtereaux vont se rencontrer (dans des circonstances rocambolesques) et furieusement se plaire. Leur amour contrarié parviendra-t-il à surmonter les obstacles placés par les adultes sur leur chemin ? Le suspens est insoutenable...
Bref, j'ai beaucoup aimé. C'est d'une grande beauté formelle (sans 3D) et les histoires d'amour sont simples sans être nunuches. Malheureusement, j'étais seul dans la salle pendant la projection...
22:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Simone, le voyage du siècle
Salle archi-comble à Rodez pour cette séance : plus aucun siège n'était inoccupé lorsque le film a commencé. C'est suffisamment rare pour être signalé.
Olivier Dahan s'est visiblement inspiré des Mémoires de Simone Veil pour écrire un scénario kaléidoscopique, le montage faisant alterner quatre périodes chronologiques, sous la forme de retours en arrière.
Ainsi, on va suivre "l'héroïne" dans les années 1940 (la jeunesse à Nice puis la déportation... et le retour en France), au tournant des années 1950-1960 (l'action de la juriste, notamment dans les prisons françaises), dans les années 1970-1990 (l'action gouvernementale et l'engagement européen) et, enfin, la retraite apaisée des années 2000-2010.
Des deux interprètes de Simone Veil, c'est clairement Rebecca Marder (vue dans Une jeune fille qui va bien) qui m'a le plus impressionné. Avec Judith Chemla (qui incarne une de ses sœurs, Milou) et Elodie Bouchez (la mère, Yvonne Jacob), on a droit à un beau trio d'actrices, très convaincantes jusque dans les scènes de déportation.
Je pense d'ailleurs qu'au delà des justifications avancées par le réalisateur Olivier Dahan, c'est la force des scènes de camp qui explique (au moins en partie) le découpage du film. Si celui-ci avait suivi la chronologie, il aurait commencé par les moments les plus forts, seuls les débats autour de la légalisation de l'IVG pouvant, bien plus tard, retrouver un peu de cette intensité. Voilà sans doute pourquoi la période des camps (qui a indubitablement marqué Simone Veil à vie) est présente un peu partout dans le film, à l'occasion de retours en arrière plus ou moins bien introduits. Le cinéaste a tenté à chaque fois de justifier par un événement de la vie de Simone le fait qu'on se replonge dans son passé (plus ou moins lointain). Cela semble parfois un peu trop mécanique, voire artificiel.
Sur le plan historique, le film a le mérite de mettre en scène un aspect méconnu de la Shoah, les Marches de la mort, dernière phase de l'extermination, rarement montrée à l'écran. On pourrait discuter un peu la manière dont l'arrivée à Auschwitz est mise en scène mais, bon, il n'y a là rien de scandaleux. La partie judiciaire est elle aussi plutôt bien foutue. Celle qu'on avait fini par appeler "l'emmerdeuse" y fait merveille. J'ai trouvé l'épisode algérien lui aussi réussi.
J'ai été un peu déçu par la séquence de la bataille pour l'avortement. Elsa Zylberstein se démène dans le rôle (pour lequel elle pris plusieurs kilos). Elle a été grimée de manière à ressembler à son modèle et elle a tenté de s'exprimer à sa manière, mais cela m'a paru très scolaire. Je trouve aussi que la manière ordurière dont la ministre de la Santé a été traitée par une partie de la droite et l'extrême-droite n'est pas assez bien montrée.
Mais le principal défaut du film est la façon appuyée dont certains moments d'émotion sont soulignés. Dès que le piano est lancé, accompagné ensuite par les cordes, on comprend qu'il va falloir pleurer dans les chaumières. J'ai aussi été gêné par une scène, celle de l'opéra (en Allemagne), qui voit la jeune Simone quitter la représentation pour rentrer à son domicile, en pleine crise. J'ai eu un peu l'impression de revoir La Môme...
En dépit de ces réserves, je recommande ce film, pour la leçon de vie qu'il constitue et pour le jeu des actrices.