vendredi, 05 septembre 2025
Fils de
Pour son premier long-métrage, Carlos Abascal Peiro s'est voulu ambitieux, entremêlant une tumultueuse relation père-fils à la description scabreuse des arcanes de la vie politique française, en y ajoutant une histoire d'amour à rebondissements.
Grosso modo, pendant une heure, cela fonctionne, pour deux raisons : le ton de comédie farcesque assumé (les répliques ciselées accompagnant quelques situations... embarrassantes) et le talent des acteurs, plutôt ceux incarnant les seconds rôles. J'ai ainsi beaucoup aimé Karin Viard en conseillère de l'ombre (personnage qui pourrait résulter de la fusion de plusieurs personnes réelles, une ancienne secrétaire générale adjointe de l’Élysée, une ancienne ministre d'Emmanuel Macron et une conseillère en com' naguère très en cour). Chez les messieurs, c'est incontestablement Alex Lutz qui tire le mieux son épingle du jeu, en (potentiel) ministre de l'Intérieur intrigant et sans scrupule. (Sa coupe de cheveux et son style m'ont rappelé Frédéric Lefebvre jeune, alors sarkozyste, depuis converti au macronisme.)
D'autres personnages annexes sont bien campés, comme celui de l'ancienne policière un brin déjantée (Émilie Gavois-Kahn), ou encore celui du vieux routard de la politique, magouilleur au possible (Vincent Grass, dont la voix paraîtra plus familière que le visage aux amateurs de séries américaines doublées). De ce marécage nauséabond émerge le personnage de la journaliste, bien interprété par Sawsan Abès.
A travers le duo amoureux que celle-ci forme avec l'apprenti-politique, il y a clairement une référence au couple Salamé-Glucksmann. Un autre personnage est une allusion à une vedette de notre vie politique : Isabelle Barrère, directrice du FMI pressentie pour devenir Première ministre, est un décalque évident de Christine Lagarde.
Plus difficile est de repérer le modèle de Lionel Perrin (François Cluzet), le père du héros. En tant que socialiste breton (assez âgé), avec un passé gauchiste, ayant exercé des fonctions politiques, sans réussir à devenir Premier ministre, il fait bigrement penser à Jean-Yves Le Drian (le physique mis à part). Mais il est sans doute le résultat d'un mélange plus élaboré.
Quoi qu'il en soit, la relation père-fils n'est pas le point fort de ce film. Quand les choses dérapent entre les deux (au moment de l'entretien télévisé puis de la scène de parking souterrain), cela sonne faux, sans être drôle, la scène du coffre étant franchement ridicule. C'est aussi le moment où la satire joyeuse cède le pas à une forme de prêchi-prêcha guère convaincant. La romance journalistico-politique prend elle aussi un tour plus convenu.
Je me disais que le réalisateur n'allait pas parvenir à conclure correctement son histoire lorsque deux petits coups de théâtre sont survenus. Ce n'est finalement pas si mal que cela, avec de bons moments de rigolade dans la première partie.
Commentaires
Bonsoir Henri Golant, personnellement, je n'ai pas rigolé du tout. Malgré le rythme trépidant, je me suis beaucoup ennuyée. Désolé. Bonne soirée.
Écrit par : dasola | samedi, 06 septembre 2025
Répondre à ce commentaireJe n'ai pas ri malgré quelques répliques. C'est ennuyeux et tous ces personnages caricaturaux finissent par être lassants.
J'ai trouvé finalement assez beauf et pas reluisant pour l'image de la politique qui n'en avait vraiment pas besoin.
Alex Lutz et la petite Sawsan Abès sont les seuls à tirer leur épingle du jeu je trouve.
Nathalie Richard clone de Christine Lagarde : ok.
Par contre le petit couple de jeunots en Salamé Gluksmann... faut creuser. Ils sont beaucoup plus jeunes.
J'ai lu que Cluzet serait un clone de Mélenchon... et là je suis encore moins d'accord. Il vocifère moins.
Et la scène du coffre (répétée deux fois je crois), quelle ânerie ! Comment un acteur peut accepter ça ?
Écrit par : Pascale | samedi, 06 septembre 2025
Répondre à ce commentaireMême si le film est une farce, je trouve que certains personnages ne sont pas si caricaturaux que cela :
- un jeune politique prometteur qui voudrait que sa compagne journaliste fasse passer sa carrière à elle après la sienne à lui,
- une brochette d'ambitieux prêts à tuer père et mère pour devenir Premier ministre,
- des coucheries à droite à gauche,
- des comptes à Singapour ou en Suisse (salut Jérôme Cahuzac !)
...
La manière de représenter ces "importants" est caricaturale (et, pour moi, parfois jouissive), mais le fond n'est pas exagéré.
Cela m'a fait du bien de voir une satire qui s'attaque à des puissants (politiques, médiatiques), qui de surcroît sont souvent des donneurs de leçon.
Concernant l'aspect "film à clef", je pense que le scénario a, le plus souvent, privilégié le mélange de personnages réels, même si certains portraits semblent ressemblants. Le couple politique-journaliste est effectivement plus jeune que celui auquel je fais référence, mais c'est peut-être un moyen d'éviter d'éventuelles poursuites. Il me semble aussi avoir lu que le réalisateur avait écrit son histoire il y a quelques années de cela, la situant plutôt au début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
Quant à l'hypothèse Jean-Luc Mélenchon (comme modèle du personnage incarné par François Cluzet), elle me paraît hautement improbable. Je crois que la possibilité que Méluche devienne Premier ministre n'a jamais été sérieusement envisagée et sa situation familiale (père d'une fille unique, avec laquelle il s'est apparemment toujours très bien entendu) n'a rien à voir avec celle de Lionel Perrin.
Écrit par : Henri G. | samedi, 06 septembre 2025
Je suis d'accord pour Melanchon. Rien à voir avec ce personnage.
Pour le reste, ça ressemble vraiment à un chamboule tout en règle. Le tous pourris est pour moi bas de plafond et n'invite pas à la réflexion.
Et des gags comme les œufs micro ondes, le coffre (deux fois chacun tellement le réal doit trouver cela drôle j'imagine...), Karin Viard qui jouit sur un résultat et j'ai oublié... ne m'amusent pas.
Je préfère revoir L'exercice de l'état.
Seul Alex Lutz m'a fait sourire avec son micro biote
Écrit par : Pascale | dimanche, 07 septembre 2025
Répondre à ce commentaireJ'ai lu et entendu à plusieurs reprises que ce film défendrait l'idée du "tous pourris". Je ne suis pas d'accord. Certes, au moins trois personnes ont des casseroles, mais les autres sont plutôt des manœuvriers que des corrompus. C'est surtout cette conclusion-là que j'ai tirée du film : non pas que les politiques comme les journalistes seraient massivement malhonnêtes, mais plutôt qu'ils sont adeptes des coups bas.
Parmi les scènes que j'ai particulièrement aimées, il y a bien sûr toutes celles où apparaît le personnage incarné par Axel Lutz, mais aussi celles avec l'ex-policière "borderline", ainsi que la séquence initiale, qui se déroule dans le passé.
"L'Exercice de l’État" était un bel hommage aux serviteurs de l'intérêt général (avec un formidable Michel Blanc). Il me semble que depuis, les temps ont un peu changé, notamment à cause du rôle joué par les chaînes d'information et les réseaux sociaux.
Écrit par : Henri G. | mercredi, 10 septembre 2025
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