jeudi, 23 février 2023
Natural Light
Inspiré d'un roman et de journaux écrits par des soldats de l'époque, ce film hongrois a pour cadre l'invasion de l'URSS par l'armée allemande et ses alliés, durant la Seconde Guerre mondiale. L'action se déroule en 1943, donc à un moment où le conflit est en train de basculer.
Durant 1h40, on ne verra toutefois ni uniforme de la Wehrmacht, ni uniforme de l'Armée rouge. A l'écran ne sont présents que des militaires hongrois et des civils ukrainiens... certains d'entre eux soutenant la résistance soviétique (ce sont des partisans).
La "lumière naturelle" évoquée par le titre (aussi bien en magyar qu'en anglais... du coup, pourquoi ne pas l'avoir traduit en français ?) est à double sens. Pour les spectateurs, c'est d'abord, de manière évidente, une référence à la manière dont le film a été tourné, en utilisant la lumière du soleil et, parfois, l'éclairage rudimentaire présent dans les habitations. Cela donne une ambiance austère et naturaliste à la plupart des scènes. Le résultat témoigne d'un réel tour de force, le réalisateur (Dénes Nagy) s'appuyant sur cette contrainte pour tourner ses scènes.
Tantôt c'est caméra à l'épaule qu'il suit le défilé de soldats, plus ou moins perdus dans ces forêts humides d'Europe de l'Est, qui semblent recéler nombre de pièges. Tantôt la caméra est posée dans la rue, ou à l'intérieur d'un bâtiment, dévoilant furtivement tel ou tel élément, le hors-champ jouant un rôle non négligeable dans la construction des plans.
Le non-dit est aussi très présent. Il est utilisé pour faire comprendre à quel point la situation des civils est précaire, coincés qu'ils sont entre les exactions des occupants et la crainte de représailles de la part des partisans s'ils se montrent trop accommodants avec les Hongrois, quand bien même certains d'entre eux se comporteraient de manière correcte.
C'est je pense l'autre sens de cette "lumière naturelle", ce fond humaniste qui tenaille le héros, Semetka, un type taiseux et obéissant devenu sous-officier. Par sa rectitude, il a gagné le respect de ses hommes. Par sa docilité, il a gagné la confiance de ses supérieurs. En clair, quoi qu'il pense, il ne la ramène pas... mais cela ne l'empêche pas, de temps à autre, de faire preuve d'indulgence et d'avoir, vis--vis des civils, le petit geste qui ne changera pas le cours de la guerre, mais rendra leur quotidien un peu moins exécrable.
Ainsi, il ne dénonce pas la petite combine d'une habitante, une jeune femme régulièrement violée par ses supérieurs... mais il ne consomme pas son port-de-vin, ayant peut-être un doute sur le rôle que joue le jeune homme qu'elle nourrit secrètement. Il fait aussi en sorte d'améliorer la situation des habitants rassemblés dans la grange, contre lesquels il n'envisage aucune mesure de rétorsion. Enfin, envoyé en patrouille hors du village, il fait semblant de ne pas voir une habitante en fuite, cachée dans ce qui semble être une tourbière, dans une scène saisissante, sans dialogue, au cours de laquelle on se demande longtemps si la jeune femme est morte et si le soldat hongrois l'a bien vue.
C'est hélas un film qui ne rencontre pas son public, alors que c'est pour moi l'un des meilleurs que j'ai vus en ce début d'année 2023.
16:39 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
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