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dimanche, 25 février 2024

Le Molière imaginaire

   Le titre fait évidemment allusion à l'une des comédies de Jean-Baptiste Poquelin (Le Malade imaginaire). Il dit l'essentiel sur le projet d'Olivier Py : évoquer certes la figure de Molière, mais un Molière pas tout à fait fidèle à la réalité, un Molière qui aurait un petit quelque chose d'Olivier Py.

   Mais commençons par la prouesse technique : tourner cela en plan-séquence. (On nous dit un seul, mais je pense qu'à trois reprises au moins, on nous a peut-être servi un fondu enchaîné : lorsque la caméra plonge dans les plis d'une robe noire, quand un drap/voile de la même teinte recouvre brièvement l'objectif et, à la fin, lorsqu'on sort du théâtre.) J'apprécie le tour de force, aussi bien de la part du metteur en scène que de la part des techniciens et des acteurs. C'est de la belle ouvrage, éclairée à la bougie, ce qui, outre l'aspect véridique, crée une ambiance particulière.

   Hélas, Py n'en fait pas grand chose. On comprend qu'il a voulu créer un film à la manière d'une pièce de théâtre classique, avec (presque) unité d'action de temps et de lieu. On perçoit très nettement le découpage en scènes (de durée inégale, avec un nombre de personnages variables... comme au théâtre), moins la division en actes.

   J'ai trouvé le début intéressant. On suit les mouvements de caméra, on s'intéresse à des éléments du décor et l'on apprécie (plus ou moins) les numéros d'acteurs. Laurent Lafitte est une fois de plus très bon (surtout au début et à la fin), notamment quand il déclame à plusieurs reprises, avec différentes intonations, la même tirade. En revanche, la mise en scène de l'attirance qu'aurait éprouvée le dramaturge pour l'acteur Michel Baron est maladroite, le pire étant atteint lors d'une scène de bain, vraiment ridicule.

   En fait, Molière sert de paravent à Olivier Py. Il ne s'est pas attribué le rôle-titre, qu'il a préféré confier à un excellent acteur (qui, de surcroît, ressemblerait physiquement à Poquelin). Mais il est présent dans le film, sous les traits du marquis de Roffignac, qui cherche lui aussi à s'attirer les faveurs du comédien Michel Baron. Or, celui-ci est interprété par... Bertrand de Roffignac, qui a coscénarisé le film avec Py... (Je crois que, pour les gens du milieu, l'allusion est transparente.) Quoi qu'il en soit, je constate que le réalisateur aime à placer devant sa caméra des jeunes hommes nus, au torse impeccable. (Une mienne connaissance, bien plus cultivée que moi, m'affirme que c'est une pratique courante dans le théâtre subventionné.)

   Bref, au bout d'un moment, on décroche. L'histoire n'est pas passionnante (alors qu'elle devrait l'être, puisque l’Église essaie de récupérer l'âme de Molière à l'article de la mort). Certains numéros d'acteurs tombent à plat (comme celui des trois commères, avec Dominique Frot en roue libre et Catherine Lachens qui se demande qui a bien pu écrire les âneries qu'on lui fait débiter)... et j'ai fini  par me lasser de la virtuosité du plan-séquence.

23:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Une Vie

   Il ne s'agit pas d'une nouvelle adaptation du roman de Guy de Maupassant. (Stéphane Brizé s'y est attelé il y a sept-huit ans.) Plus que d'une seule vie, il est question de celle de près de 700 personnes, des enfants sauvés de la déportation, en 1938-1939, par un employé de banque londonien, Nicholas Winton, épaulé par des bénévoles britanniques et tchécoslovaques.

  L'histoire nous est contée sous deux formes : des scènes anciennes (londoniennes et praguoises), tournées dans des tons bleutés ou gris, et des scènes "contemporaines", évoquant les années 1987-1988, où dominent le jaune, l'orange, le marron. C'est le code visuel utilisé pour distinguer les deux époques.

   Le montage alterne les scènes "récentes" et anciennes. C'est, je pense, le bon choix, plutôt que de procéder de manière strictement chronologique. C'est donc en alternance qu'on va suivre, d'un côté le paisible retraité qui fait le tri dans ses papiers, jusqu'à tomber sur une mystérieuse sacoche, de l'autre côté de jeunes adultes britanniques et tchécoslovaques qui tentent de donner un avenir à des enfants en majorité juifs.

   Anthony Hopkins apporte son charisme tranquille au Nicholas Winton âgé, tandis que Johnny Flynn est une bonne surprise en version jeune du banquier. Celui-ci apparaît étonnamment idéaliste, tout comme la plupart des bénévoles qui s'investissent dans le sauvetage. Les scènes anciennes donnent un aperçu du travail de fourmi qu'il a fallu fournir à l'époque pour identifier, informer, convaincre les familles de ces enfants, beaucoup vivant dans une misère crasse. Mais le plus dur fut peut-être d'obtenir les autorisations des fonctionnaires britanniques et d'organiser les transports (en train). La mère du banquier (interprétée par la toujours formidable Helena Bonham Carter) a joué un rôle décisif. Du côté tchécoslovaque, ce sont plutôt les gamines qui m'ont touché, une assez joyeuse malgré la situation (et malgré son sourire édenté), une autre fan de ski et de natation (comme Winton) et une troisième mutique, agrippée à un bébé qui n'est pas le sien.

   Paradoxalement, c'est plus par les scènes des années 1980 que j'ai été ému. Elles sont moins appuyées que celles se déroulant à la veille de la Seconde Guerre mondiale et Hopkins y impose par sa seule présence une louable délicatesse.

   J'ai beaucoup aimé cet éloge d'un héros ordinaire, discret, humble, loin de notre monde tapageur et superficiel.