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mercredi, 22 octobre 2025

L'Homme qui rétrécit

   Jan Kounen nous livre sa lecture du roman de Richard Matheson, avec Jean Dujardin en vedette (et coproducteur), accompagné de Marie-Josée Croze, d'une gamine éveillée, d'un chat (Toufou), d'un poisson-rouge, mais aussi d'une araignée, de fourmis, d'un moustique...

   On peut analyser ce film de deux manières. La première considère une œuvre fantastique, au cours de laquelle le héros, confronté à un phénomène extraordinaire, est conduit à revoir ses priorités. Initialement plutôt matérialiste, il va, de gré mais surtout de force,  se reconnecter à la nature et trouver un nouveau sens à sa vie, prenant conscience de sa place minuscule dans le cosmos. Les effets spéciaux sont réussis, la montée en tension un peu lente à mon goût, mais, une fois qu'on y  est, c'est assez prenant. Si l'on reste à ce niveau, on est face à un honnête film de genre, un peu dans l'air du temps, mais rien de bien enthousiasmant.

  Sauf que... il m'est rapidement paru évident que l'intrigue était métaphorique. Cet homme qui rétrécit est un homme qu'on dé(cons)truit. Avec cette optique en tête, on comprend mieux la présence des diverses scènes d'exposition. Au début de l'histoire, Paul (Jean Dujardin, impeccable) incarne l'homme blanc hétérosexuel dominant. On nous le montre successivement chef d'entreprise plein d'allant, sportif de bon niveau, époux prenant l'initiative dans le couple (la scène de sexe ayant pour but de suggérer sa puissance), père demi-dieu aux yeux de sa fille adorée, maître dominateur du chat et prédateur magnanime avec l'araignée.

   Sa progressive réduction de taille correspond à sa perte de puissance, d'abord physique : il est de moins en moins grand et costaud. Il ne peut bientôt plus assumer sa fonction de chef d'entreprise. A la maison, c'est désormais son épouse qui mène la danse, quitte à prendre des décisions qui lui déplaisent. Concernant la fille, il y a une inversion des rôles dans le "jeu du monstre". Le chat, de compagnon docile, devient prédateur, tout comme bien sûr l'araignée (avec sans doute une référence à Harry Potter).

   Si l'on tire le fil du raisonnement jusqu'au bout, on arrive à la conclusion que, pour le réalisateur, le bain sociétal dans lequel l'homme contemporain est plongé lui coupe peu à peu les ailes, finissant par le réduire à l'état d'homme préhistorique : Paul/Dujardin se retrouve vêtu d'une tunique approximative (évoquant une peau de bête), part à la chasse, utilise des outils rudimentaires, qu'il a bricolés. A ce moment de l'histoire, plusieurs interprétations sont possibles. Veut-on nous dire qu'à force de déconstruire les mâles, on suscite, en retour de bâton, la réapparition des modèles virilistes ? Ou bien Kounen se contente-t-il de suggérer que l'homme blanc traditionnel est voué à l'extinction ? Le mystère demeure, en partie en raison d'une conclusion elliptique.

   Du coup, j'ai trouvé ce film moins anodin qu'il n'y paraît... et j'ai l'impression que beaucoup de spectateurs sont passés à côté du sous-texte.

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