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dimanche, 30 août 2020

La Bombe

   Ce roman graphique est l'événement éditorial de ces derniers mois. En noir et blanc, sur environ 450 pages, il raconte une histoire foudroyante, de la naissance de la Terre aux lendemains d'Hiroshima.

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   Cet énorme travail a été accompli par un trio masculin : Alcante et Louis-Frédéric Bollée au scénario, Denis Rodier au dessin. En fin d'ouvrage, tous trois reviennent sur leur travail.

   L'histoire nous est racontée de manière originale, puisque le narrateur est... l'uranium.  Cependant, celui-ci ne s'exprime directement qu'à de rares occasions. La plupart du temps, on suit l'intrigue comme si on la devait à un narrateur omniscient. Notons toutefois que le noir et blanc convient particulièrement aux séquences durant lesquelles l'uranium prend la parole.

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   Cette histoire se veut totale, c'est-à-dire de tous les temps et de tous les lieux. Les lecteurs reçoivent ainsi une sorte de cours (illustré) sur les débuts de la radioactivité. On en suit (à grands traits) l'évolution dans plusieurs pays : Allemagne, Italie, France, Royaume-Uni et États-Unis. D'autres pays interviennent dans l'intrigue, l'URSS, le Japon, le Congo belge et la Norvège. Mais c'est principalement aux États-Unis que l'action se déroule.

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   C'est à l'université de Chicago (numéro 1 sur la carte ci-dessus) qu'a été réalisée la première réaction en chaîne, par une équipe internationale. Pour mettre au point la bombe atomique, deux usines ont été construites. Dans l'État de Washington, à Hanford (numéro 2), on a produit du plutonium (utilisé dans l'essai "Trinity" et pour la bombe de Nagasaki). Dans le Tennessee, à Oak Ridge (numéro 3), on a produit de l'uranium enrichi (utilisé pour la bombe d'Hiroshima). C'est finalement dans le Nouveau-Mexique, à Los Alamos (numéro 4), que le programme a trouvé son aboutissement.

   Le roman graphique réussit à rendre compréhensibles des procédures parfois complexes. C'est même est assez drôle quand il est question des relations entre les scientifiques et les militaires, entre les scientifiques et les politiques, voire entre les scientifiques eux-mêmes. L'accent est mis sur le rôle d'un militaire (le générale Groves, un vrai pitbull) et de trois scientifiques, Enrico Fermi, Julius Oppenheimer et le méconnu (mais décisif) Leo Szilard.

   C'est riche en anecdotes, comme celle de la piste de ski aménagée par les scientifiques en plein Nouveau-Mexique ou encore leurs exigences au niveau de la vie quotidienne... jusqu'à la mention des milliers de préservatifs que l'administration du site a dû se procurer... et l'existence de bébés clandestins, dont le lieu de naissance devait à tout pris rester secret !

   Je retiens aussi l'histoire de l'USS Indianapolis, un navire de guerre américain rescapé des attaques de kamikazes. C'est lui qui a livré les composants des deux bombes atomiques à la base de Tinian (dans les îles Mariannes). Quelques jours plus tard, il a été coulé par un sous-marin japonais, laissant des centaines de soldats au cœur du Pacifique, sans eau douce... mais avec les requins.

   C'est aussi un roman d'aventures, avec notamment l'expédition en Norvège (contre l'usine de Vemork), particulièrement haletante. La manière dont Américains, Britanniques et résistants norvégiens ont torpillé le programme nucléaire allemand mériterait à elle seule un album.

   Les aspects peu reluisants ne sont pas passés sous silence, des expériences sur animaux à celles (peu connues) sur des humains, au départ sur des ouvriers, puis sur des personnes atteintes d'une maladie incurable. D'autre part, même si la population japonaise est présentée globalement comme victime d'un crime horrible (à Hiroshima), la nature du régime militaire nippon est clairement montrée.

   Je crois que c'est dans la représentation du bombardement d'Hiroshima et de ses conséquences que le dessin atteint des sommets.

   C'est une œuvre magistrale, superbe sur le plan graphique, une belle synthèse historique à glisser dans sa bibliothèque.

   P.S.

   De larges extraits sont lisibles sur le site des éditions Glénat.

   P.S. II

   A celles et ceux qui ignoreraient son existence, je conseille la lecture d'un manga culte, Gen d'Hiroshima, de Keiji Nakazawa, rescapé de la bombe.

lundi, 24 août 2020

Le Journal de Clara

   C'est le titre d'un roman graphique (en noir et blanc), signé Pauline Cherici (pour les dessins) et Clément Xavier (au scénario). C'est l'adaptation des mémoires (authentiques, mais jamais publiés jusqu'à il y a peu) de Clara (Claretta) Petacci, la dernière compagne de Benito Mussolini, le dictateur italien.

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   A la lecture de l'ouvrage, on comprend très vite pourquoi la famille de la jeune femme, celle de Mussolini (et les admirateurs de celui-ci) ne se sont pas précipités pour publier le journal. Il y est principalement question de la vie privée du dictateur... et c'est très "cul". Mussolini était un coureur de jupons. Bien que marié, il a veillé à ce que son épouse ne vienne pas s'installer à Rome quand il a été nommé à la tête du gouvernement italien. Il a ainsi pu continuer à mener une vie de célibataire... convoité.

   Les 400 pages sont en partie remplies de certaines des relations qu'entretenait Mussolini avec ses diverses maîtresses (d'un soir, d'un mois ou de quelques années). Comme il n'a rencontré Clara Petacci qu'en 1932, celles qui ont joué un rôle de mentor durant les années 1910-1920 (en particulier Magherita Sarfatti) n'apparaissent pas.

   Qu'est-ce qui pouvait bien attirer toutes ces femmes chez Mussolini ? Son charisme sans doute. La fascination qu'il a exercée sur les foules. Son énergie aussi... couplée à ses "aptitudes physiques". (Dame Nature aurait été généreuse au niveau de l'entrecuisse...)

   C'est une des limites de l'ouvrage : le manque de recul vis-à-vis du sujet. La dévotion de Petacci pour le Duce transparaît fréquemment, au point que certains détails ont été oubliés, comme la répugnance du dictateur à se laver et se raser tous les jours et sa tendance à l'embonpoint, évacuée de l'image qui représente un homme encore très athlétique à plus de 50 ans.

   Au niveau politique, on a droit à l'arrière-cour de l'action gouvernementale, avec ses intrigues. Certains lecteurs découvriront peut-être le rôle important de personnages comme le maréchal Badoglio et le comte Ciano (époux d'Edda, fille de Benito).

   C'est particulièrement bon dans le traitement de l'aventure coloniale en Éthiopie, avec ses horreurs. C'est nettement moins convaincant quand il est question de politique européenne, le pire étant atteint dans la représentation des relations avec Hitler (lui-même mal dessiné).

   Graphiquement, c'est globalement bien fichu quand l'action se déroule à l'intérieur d'un bâtiment, ou à l'extérieur, à proximité de celui-ci. J'ai trouvé le dessin moins abouti quand il se concentrait uniquement sur des humains. L'auteure a quand même su jouer des contrastes pour représenter les sentiments éprouvés par certains personnages, Clara Petacci en particulier.

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   À la trame du journal sont ajoutés deux autres types de document : des images de propagande de l'époque et des croquis prétendûment réalisés par l'héroïne (en réalité par une parente de la dessinatrice). Cela diversifie agréablement l'ensemble.

   Au final, cela donne un livre plaisant à lire, assez cru, mais pas toujours suffisamment distancié vis-à-vis de son sujet.

samedi, 02 novembre 2019

Le Roman des Goscinny

   La récente sortie de La Fille de Vercingétorix (par le duo Conrad-Ferri) est une invitation à se replonger dans les aventures plus anciennes d'Astérix et Obélix, en particulier celles scénarisées par René Goscinny (1926-1977), auquel un roman graphique a été consacré. Il est paru cet été. Je viens d'en achever la lecture.

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   La couverture annonce parfaitement le contenu du livre. On y voit, de profil, René Goscinny et sa fille Anne, qui ne s'est jamais remise complètement de la mort précoce de son père, qu'elle a de surcroît assez peu connu : elle avait neuf ans quand il est décédé.

   Elle en a d'ailleurs beaucoup voulu au cardiologue qui avait fait pratiquer un test d'effort sur son père, au coeur fragile. Cela permet de comprendre les rares séquences dessinées sur fond rose, qui montrent une Anne Goscinny plus jeune, avide de vengeance.

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   Mais la majorité de cette bande dessinée nous est présentée soit sur fond jaune, soit sur fond bleu. Les chapitres dessinés sur fond jaune montrent l'oeuvre en construction, notamment les discussions entre Anne Goscinny et l'auteure Catel, à laquelle on doit, entre autres, une biographie en images d'Olympe de Gouges. L'artiste est face à un dilemme : soit elle continue à privilégier les projets concernant les femmes, soit elle se lance dans ce travail sur René Goscinny qui, quoiqu'homme, a bercé sa jeunesse et inspiré son travail. Elle a fini par dire oui à la fille du scénariste et a eu accès aux archives familiales.

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   Cela lui a permis de construire les séquences sur fond bleu, dans lesquelles on voit René Goscinny s'exprimer à la première personne et raconter l'histoire de sa vie.

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   Ceux qui l'ignoreraient apprendront que la famille de Goscinny est composée majoritairement de juifs ayant fui l'Europe de l'Est antisémite. Les parents de René n'ont d'ailleurs échappé au génocide que parce que, dans l'Entre-deux-guerres, ils sont partis s'installer en Argentine, un pays alors riche en opportunités, en particulier pour un ingénieur comme Stanislas (le père).

   Très tôt, le jeune René se révèle un boute-en-train, plutôt bon élève. Mais il est assez vite atteint par le virus du cinéma (notamment Laurel et Hardy) puis de la bande-dessinée. Il se fait la main en reproduisant des planches déjà publiées ou en caricaturant des personnages célèbres.

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   Ce n'est pas l'un des moindres intérêts de ce livre que d'y trouver des reproductions de documents authentiques, la plupart de la main de Goscinny. Ce n'était pas un dessinateur maladroit, l'un de là.

   Après le décès de son père, c'est aux Etats-Unis que René tente de percer dans son hobby. Fort heureusement pour nous, il n'a pas réussi. Mais il a côtoyé les fondateurs de Mad. A la fois dessinateur et scénariste à ses débuts (et même souvent homme à tout faire), René va petit à petit se spécialiser dans l'écriture de scenarii, où son imagination fertile et son humour ravageur vont faire merveille.

   Le succès n'est venu qu'en Europe, une fois qu'il s'est associé à plusieurs dessinateurs très talentueux, comme Sempé, Morris et Uderzo. Le livre ne nous raconte que les tout débuts, à savoir la rencontre entre Goscinny et tel ou tel acteur de l'histoire de la bande-dessinée francophone (souvent belge, rappelons-le), ainsi que les premières productions.

   Pour qui s'intéresse un tant soit peu à l'histoire en général et celle de la bande dessinée "française" en particulier, c'est un ouvrage indispensable.