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samedi, 14 septembre 2013

La polychromie du tympan de Conques

   Tel était le thème de la conférence qui s'est tenue vendredi 13 septembre au Centre européen de Conques. Dans sa présentation, le maître de cérémonie, Pierre Lançon, a rappelé combien cette saison est riche pour le site hôte, déjà sujet de plusieurs interventions. De mon côté, j'ai particulièrement apprécié celle de Virginie Czerniak (en juin dernier), sur le noir au Moyen Age.

   Le conférencier, Hervé Langlois, est un restaurateur de peintures murales et de bois polychromes. Il dirige l'atelier qui porte son nom, à Gaillac. On a notamment beaucoup parlé de lui lors de la réhabilitation de fresques de la cathédrale Sainte-Cécile d'Albi.

   La soirée a débuté par une introduction de Louis Causse, architecte des Bâtiments de France. Il a proposé une lecture de textes évoquant (ou non) le caractère polychrome du tympan de l'église abbatiale de Conques. L'un des plus anciens écrits cités parle d'une "barre rouge" et d'un personnage sur le point de se faire décapiter. Au XIXe siècle, c'est Prosper Mérimée (de passage en 1837), qui a remarqué "des couleurs nettes, sur une couche plus ancienne de même couleur". Cependant, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, plusieurs textes décrivant (au moins en partie) le tympan ne parlent pas de traces de peinture ni d'une quelconque colorisation.

   Dans les années 1930, on décida d'un nettoyage. En 1939-1940, il fut procédé à un moulage du tympan. Les couleurs auraient été ravivées par l'agent mouillant utilisé pour réaliser le moulage. L'aspect polychrome n'en fut que plus visible. Plus tard, une campagne de photographies fut organisée, dans l'optique de la publication de deux ouvrages, Les Tympans romans et Le Rouergue roman. Louis Balsan et Jean Dieuzaide prirent les photographies.

   En 2005, on remarqua l'apparition de taches noirâtres en certains endroits du tympan. On décida de faire appel aux services d'Hervé Langlois, qui effectua des prélèvements en plusieurs endroits. A ce point de son intervention, Louis Causse céda la parole à l'invité du jour.

   Hervé Langlois commença par un bref mais utile rappel historique, qui complétait les informations fournies précédemment. J'ai ainsi appris (ou j'avais oublié) qu'un incendie avait frappé l'église, en 1568. Mais il n'est pas à l'origine de l'apparition des tâches noires. (Pas plus que Pierre Soulages, d'ailleurs...)

   Les observations de Prosper Mérimée se révélèrent justes : plusieurs couches de peinture sont détectables, quelle que soit la partie du tympan que l'on sonde. Si j'ai bien compris, à la couche originelle (sans doute du XIIe siècle) ont succédé plusieurs "repeints", datés des XVe, XVIIe et XIXe siècles. Ils seraient difficiles à distinguer de prime abord à cause de la couche de poussière qui s'est régulièrement incrustée dans les parties sculptées, mais aussi parce que les "repeints" sont de la même couleur que l'original.

   Aujourd'hui, un oeil attentif peut en distinguer une partie, par exemple sur cette photographie :

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   D'après Hervé Langlois, on ne voit plus les dorures que de très près. Du cuivre aurait été utilisé pour la peinture. Sinon, on a beaucoup recouru au blanc de plomb, que ce soit pour la préparation des couches au XIIe siècle comme pour les repeints. Or, en s'altérant, le plomb prend une teinte noirâtre. Voilà un mystère expliqué. (On a parfois redouté que la dégradation soit l'oeuvre de micro-organismes. Ceux-ci se sont plutôt attaqués aux liants, qui auraient complètement disparu.)

   Le plus souvent, les peintres ont utilisé un fond ocre-jaune en sous-couche. Le bleu domine du côté du ciel, le rouge du côté de l'enfer. Mais, dans le détail, c'est un peu plus complexe. Des photographies prises en gros plan montrent, au niveau du fond des arcades comme des colonnes, une alternance des couleurs (bleu et rouge principalement). Le Christ en majesté apparaît bien bleu... mais il aurait été rouge à l'origine ! Le bleu se retrouve aussi au niveau des drapés et des plis des vêtements.

   Ce sont les ailes des anges qui semblent avoir été ouvragées avec le plus de raffinement. Les photographies de détail montrent un enchevêtrement de teintes particulièrement réussi. Le diable, lui, aurait été peint en gris, ce qui est conforme à la tradition. Quelques carnations (roses) sont visibles lorsque de la chair apparaît, au détour d'un visage... ou d'une cuisse. (Ah, les coquins !)

   Malheureusement, aucun prélèvement n'a été effectué au niveau des yeux, où des incrustations sont visibles. On ne sait donc pas avec quoi ils étaient remplis, ni si certaines orbites n'ont pas été comblées par l'action d'animaux divers et variés...

   En guise de synthèse, Hervé Langlois a projeté la photographie d'un dessin du tympan, tel qu'il devait être avec ses couleurs d'origine. Le résultat est saisissant... encore plus d'ailleurs sur la diapositive que sur la feuille d'origine (apposée au pied de l'estrade). J'ai eu l'impression de me retrouver en face d'une image de manga !

   Il n'est d'ailleurs pas impossible que d'ici quelques années le public puisse voir le tympan dans sa forme d'origine. Au cours de la séance des questions (à laquelle assistait un membre du conseil municipal de Conques), Pierre Lançon a évoqué un projet (dont le financement n'est pas bouclé) : une projection numérique, qui permettrait d'observer la sculpture virtuellement colorée, depuis le parvis de l'église. En voilà une idée qu'elle est bonne !

   Après la conférence, Louis Causse s'est mué en Père Noël et a distribué des cadeaux dans les rangées de spectateurs. Je rassure les bonnes âmes : pour ce faire, il ne s'est affublé ni d'un manteau rouge ni d'une barbe blanche ! Voici ce en quoi consistait le cadeau : une brochure éditée par la DRAC (direction régionale des affaires culturelles) de Midi-Pyrénées (qui dépend du ministère de la Culture), pour célébrer le centenaire de la loi de 1913 sur la préservation des monuments historiques.

   Piqué par la curiosité, j'en ai pris un exemplaire, que j'ai lu. Bien que Toulouse et la Haute-Garonne y occupent une grande place, on sent que les auteurs ont essayé d'équilibrer aussi bien l'iconographie que le texte, tous les départements étant présents, à plusieurs titres.

   Qu'en est-il de l'Aveyron ? On peut considérer qu'il figure en bonne place et ce dès la couverture :

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   C'est une construction tarno-rouergate, le viaduc du Viaur, qui a été placée en bas de page. La suivante propose des photographies de huit sites emblématiques de la région, parmi lesquels trois sont aveyronnais : le dolmen de Tiergues, à Saint-Affrique, l'abbaye de Conques (une vue ancienne)  et, pour la seconde fois (mais pas la dernière), le viaduc du Viaur :

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   Sur cette lancée, on n'est qu'à moitié surpris de constater que le premier monument qui illustre le corps du texte est l'abbaye de Conques :

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   Page 9, c'est au tour du pont Vieux d'Espalion d'apparaître :

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   Pages 18-19, nous sommes gâtés, puisqu'il est question des monuments mégalithiques. On retrouve donc le dolmen de Tiergues :

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   ... suivi de celui de Peyrelebade (à Salles-la-Source), superbe :

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   Plus loin, il est question des églises. On découvre l'ancienne cathédrale de Vabre-l'Abbaye :

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   L'église de Villefranche-de-Rouergue est visible, elle, au détour d'une photographie de la place Notre-Dame (page 34) :

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   Moins connue (je pense) est la ferme des Brouzes, à Saint-Georges-de-Luzençon :

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   Dans le Sud Aveyron, il est de nouveau question de Saint-Affrique (c'est à se demander si Alain Fauconnier n'a pas rédigé une partie de la brochure !), à travers son pont Vieux :

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   Il est suivi de l'inévitable viaduc du Viaur :

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   Le patrimoine industriel n'est donc pas oublié. Il est logique qu'y figure Decazeville, à travers le chevalement du puits central :

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   Dans la même commune, il est aussi possible d'admirer le Chemin de croix de Gustave Moreau... qui, jusqu'au mois de novembre, est exposé au musée Denys Puech de Rodez :

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   Voilà ce qu'il en est de la quintessence du patrimoine aveyronnais, selon la DRAC de Midi-Pyrénées. Et là vous me dites : "Mais où est la cathédrale de Rodez ?" Je vous réponds : nulle part. En fait, si, quelque part, page 63 :

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   C'est le seul endroit où, en 80 pages, il est question de l'une des plus belles églises du monde de France. Aucune illustration ne lui est consacrée, ni dans la partie qui évoque les églises, ni dans celle qui traite spécifiquement de l'Aveyron. Et pourtant, dans un passage de la brochure, il est question de ces nombreuses églises qui ont été classées monuments historiques en 1862. Mais jamais il n'est fait référence à celle de Rodez. A la place de celle-ci, on mentionne la collégiale d'Ibos (dans les Hautes-Pyrénées) et les cathédrales Saint-Etienne de Toulouse et Cahors.

   Au lieu de se crêper le chignon avec Bruno Bérardi, le maire de Rodez, qui a récemment déclaré dans le mensuel gratuit A l'oeil être "personnellement ami" avec certains ministres du gouvernement Ayrault, devrait plutôt signaler cette aberration aux services de Mme Filippetti.