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lundi, 29 avril 2013

Cloud Atlas

   Pas facile de voir ce film quand on est un pauvre petit cinéphile aveyronnais. Sa durée (2h45), la complexité de son intrigue (héritée du roman qui l'a inspirée : Cartographie des nuages, de David Mitchell) ont rebuté bien des programmateurs. Du coup, il faut être vigilant et saisir l'occasion quand elle se présente, par exemple une séance unique dans un cinéma tarnais.

   L'intrigue entremêle six histoires, qui se déroulent à six époques différentes. Évidemment, elles sont toutes liées. Quelques indices sont disséminés dans le film pour permettre aux spectateurs attentifs de combler les vides. La narration est elle-même découpée : les six histoires ne nous sont pas racontées à la suite l'une de l'autre, dans l'ordre chronologique. Il faut donc s'accrocher un peu... ou, tout simplement, se laisser emporter par le flot romanesque.

   Contrairement à ce que certaines images pourraient laisser croire de prime abord, l'histoire la plus ancienne se passe au milieu du XIXe siècle, entre l'océan Pacifique et la Californie. Le "bien" y est incarné par un jeune homme de bonne famille, révolté par l'esclavage et habité par un amour profond pour sa jeune épouse, qu'il espère retrouver bientôt.

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   Le "mal" est incarné par un médecin cupide, mais aussi un capitaine autoritaire, des marins racistes et un père de famille bouffi de préjugés. J'ai trouvé cet épisode un peu trop appuyé.

   Le journal qu'a rédigé le jeune homme sert de lien avec la deuxième histoire, qui se déroule au Royaume-Uni, dans les années 1930. Le "bien" y est représenté par un apprenti musicien homosexuel, intrigant sur les bords (Ben Whishaw, révélé par Le Parfum, vu récemment dans Skyfall), et par son jeune amant très conventionnel.

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   Le héros affronte l'intolérance sexuelle de l'époque, mais aussi l'ambition égoïste de son nouvel employeur, un compositeur sur le déclin. C'est dans la bibliothèque de celui-ci que l'apprenti musicien trouve la moitié d'un livre de voyage, celui écrit au siècle précédent.

   Une partie des lettres que s'échangent les deux jeunes homosexuels (celles conservées par l'amant conventionnel, qui a vieilli) se retrouvent dans la troisième histoire, sise au début des années 1970. L'autre pont entre les deux histoires (qui sert aussi de fil rouge à l'ensemble) est la symphonie composée par le jeune homosexuel, intitulée Cloud Atlas. Dans cette partie, une ravissante journaliste (Halle Berry, qui n'a jamais aussi bien joué... et qui est plus craquante que jamais) incarne l'engagement civique, face à l'appât du gain et au meurtre.

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   Le style n'est pas sans rappeler la Blaxploitation, voire les films de dénonciation de cette époque (Votez McKay, Les Trois Jours du condor, Les Hommes du président, par exemple). Dans son enquête, elle est successivement épaulée par trois hommes et un garçon. C'est assez trépidant.

   Le livre tiré de son enquête nous mène, une quarantaine d'années plus tard, à un éditeur un peu fantasque, qui va se retrouver prisonnier d'un drôle d'institut.

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   C'est l'épisode le plus burlesque de la série. C'est un peu "Panique à la maison de retraite", avec ces papys et ces mamies en apparence si vulnérables... mais qu'il ne faut pas sous-estimer. Face à eux se dresse une infirmière intraitable, interprétée par Hugo Weaving, qui incarne un "méchant" à chaque époque. Car, en effet, les ex-frères Wachowski ont distribué les rôles de manière que certains acteurs interprètent plusieurs personnages, à des époques différentes (parfois en changeant de sexe). J'ai trouvé un tableau synthétique sur un blog spécialisé :

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   Concernant cette histoire, sachez que l'antagonisme pluriséculaire qui oppose Écossais et Anglais va tirer nos vieillards d'un bien mauvais pas !

   Le livre qui raconte les avanies qu'ils ont subies devient un film, que l'on retrouve dans la cinquième histoire, qui se déroule dans un futur proche, celui d'un monde hyper-technologique et hyper-inégalitaire. Aux commandes, les Wachowski nous livrent une resucée très convaincante de Matrix, sans pseudo-philosophie à la con.

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   Jim Sturgess y incarne un résistant absolu, qui noue une relation très forte avec un clone atypique (l'exquise Donna Bae, vue notamment dans The Host). C'est une nouvelle version du Neo de Matrix, cette fois sous la forme d'un duo. Les réalisateurs ont aussi puisé à d'autres sources que leur propre mythologie. Pêle-mêle, on retrouve notamment un peu du Cinquième élément, de Brazil, de Blade Runner et de V pour Vendetta. C'est vraiment un épisode épatant et je regrette qu'il n'ait pas été exploité jusqu'au bout.

   Les échos de cette époque tumultueuse sont perçus dans la dernière histoire, qui se passe quelque 200 ans plus tard.

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   La Terre est peuplée de trois groupes d'individus, deux sont des sortes d'hommes préhistoriques, parlant une langue dégradée. Le troisième est une élite en voie de dépérissement. L'action conjuguée d'un chef de famille taraudé par un mauvais génie (Tom Hanks, excellent tout au long du film) et d'une femme d'exception (Halle Berry, surprenante) va leur permettre de connaître le fin mot de l'histoire...

   ... enfin presque, parce qu'on ne nous dit pas tout. Même quand l'histoire est terminée, il reste des blancs, que le conteur s'est bien gardé de combler :

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   C'est "l'époque bonus", la septième, preuve que tout n'a pas disparu. Mais où diable se trouve-t-on ?

   Bilan de tout cela ? Un film-testament. Les Wachowski, épaulés par le talentueux Tom Tykwer (réalisateur naguère du Parfum), font l'apologie de l'amour véritable, celui qui unit deux âmes-sœurs, qui peuvent être un homme et une femme, deux hommes, un homme et un clone, un Blanc et une Noire (ou une Asiatique)... Ils y tracent une limite claire entre ce qu'ils perçoivent comme bon (la lutte pour l'égalité des droits, la création artistique, la dénonciation de la corruption, des mauvais traitements...) et ce qu'ils stigmatisent comme mauvais (le racisme, l'homophobie, l'esclavage, la cupidité, l'autoritarisme, la bigoterie...).

   A l'amour et à l'engagement politique s'ajoute la création artistique (au sens large) comme moteurs de l'existence. Écrire, composer, jouer et filmer donnent aussi un sens à la vie. Dit comme cela, ça a l'air pompeux, mais c'est plus subtilement énoncé dans le film. On peut laisser tomber le propos sur la réincarnation et se plonger dans ces images superbes, illustrant une intrigue foisonnante, servie par des acteurs excellents.

20:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

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