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samedi, 28 septembre 2013

190 000 euros pour rien ?

   Les médias locaux sont décidément bien respectueux des politiques dominants. Ils ont presque tous transmis la bonne parole, à propos d'un "portrait identitaire" réalisé, pour le compte du Conseil général de l'Aveyron, par la société CoManaging, dont le siège est à Paris. Les voix discordantes ont été très rares. Parmi celles-ci, le directeur du Ruthénois, Bruno Aufrère, s'est permis quelques prudentes critiques dans le numéro paru vendredi 27 septembre (à lire pour une brochette d'articles fort intéressants, notamment ceux consacrés au multiplexe).

   Du côté des politiques, c'est Jean-Dominique Gonzalès qui a sonné la charge. On dira qu'il est dans son rôle d'opposant à Jean-Claude Luche. Mais, en période de vaches maigres, alors que celui-ci ne cesse de déplorer la baisse des revenus départementaux, certains choix peuvent apparaître contestables.

   De quoi est-il question ? Tout d'abord, d'une étude comme il s'en fait de plus en plus depuis une dizaine d'années. C'est à la mode, mais on ne sait pas si c'est vraiment utile. Après tout, les collectivités locales n'emploient-elles pas des personnes compétentes, aptes à travailler dans le domaine du "marketing territorial" ? On peut aussi collecter beaucoup d'informations utiles auprès d'organismes institutionnels, au premier rang desquels l'INSEE.

   Le portrait identitaire réalisé par CoManaging a été facturé 190 000 euros. La somme n'est pas anodine... et, comme par hasard, elle est située juste au-dessous de la barre de 200 000 euros, à partir de laquelle le code des marchés publics impose aux collectivités territoriales de passer par un appel d'offre. Ces marchés sont mentionnés dans le Bulletin Officiel départemental... mais détaillés seulement dans les annexes (pas accessibles sur la Toile) :

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   Alors, le Conseil général de l'Aveyron (à l'image d'autres collectivités territoriales) s'est-il fait pigeonner par des vendeurs de courants d'air, ou bien a-t-il sciemment engagé une dépense excessive et inutile pour redorer son blason aux frais du contribuable ? Il n'est pas facile de répondre.

   En comparant ce que l'on sait du contrat signé par l'exécutif aveyronnais avec ce que le Conseil régional d'Alsace a payé pour le même type de prestation, on serait tenté de penser que Jean-Claude Luche s'est peut-être fait rouler dans la farine. En effet, si la région Alsace a déboursé 350 000 euros (hors taxes), seuls 53 000 ont été affectés à l'élaboration du portrait identitaire... à comparer aux 190 000 euros claqués par les Aveyronnais ! Si la région est un peu plus petite que notre département, elle compte environ sept fois plus d'habitants et son PIB est sans commune mesure. Mais peut-être que les 190 000 euros rémunèrent plus que le simple portrait.

   Cependant, pourquoi ne pas avoir fait appel à un organisme public, le CarifOref Midi-Pyrénées (cofinancé par l'Etat et la région) ? Cela aurait permis de faire quelques économies. De surcroît, cette association avait déjà réalisé un diagnostic territorial de l'Aveyron, en 2009.

   Mais, en 2012, le cabinet CoManaging n'était pas inconnu dans le département. L'année précédente, son directeur, Joël Gayet, avait participé à un colloque qui s'était tenu à Conques. Lors de la table ronde consacrée à la question "Territoire, faut-il en faire une marque ?", il avait pu échanger notamment avec Arnaud Viala, vice-président du Conseil général (à la tête de la commission Economie et Tourisme), présent au titre d'Aveyron expansion.

   La relation entre CoManaging et le Conseil général de l'Aveyron est d'ailleurs plus poussée qu'on ne le pense, puisque les deux sont associés dans la chaire "attractivité et nouveau marketing territorial", lancée en collaboration avec Sciences Po Aix en 2012. En lisant la documentation en ligne, on découvre que le directeur de la chaire n'est autre que Joël Gayet (de CoManaging). L'Aveyron figure parmi la quinzaine de collectivités territoriales associées au projet :

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   D'après le dossier de presse, chaque collectivité s'est engagée pour trois ans, chacune devant contribuer pour 10 000 euros (hors taxes) par an. Avec 15 à 20 adhérents, cela donne un apport compris entre 150 000 et 200 000 euros par an, soit 450 000 à 600 000 au total (pour trois ans). Comme le dossier de presse parle d'un budget annuel de 250 000 euros (750 000 sur trois ans), on en arrive à la conclusion de Sciences Po Aix n'apporte presque rien... voire rien du tout, puisqu'il faut ajouter les contributions des étudiants en master : 5 000 euros chaque !

   Au regard de ce qui a été publié dans les journaux, était-il pertinent pour le Conseil général d'engager de telles dépenses pour recueillir ce qui ressemble à un catalogue de banalités ?

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