samedi, 28 septembre 2013
Jobs
Ce biopic, bien que durant plus de deux heures, n'évoque pas toute l'existence de Steve Jobs. Il démarre au début des années 1970, quand le jeune homme se décide à lâcher ses études. Il s'arrête lorsque l'homme, dans la force de l'âge, reprend le contrôle de l'entreprise qu'il a fondée.
Ce n'est ni un film apologétique, ni un pamphlet. Les aspects déplaisants de la personnalité du héros ne sont pas cachés : il s'est souvent comporté comme un mufle avec les femmes, malmenait ses employés... et n'avait pas la reconnaissance du ventre. Dès le début, il n'a pas hésité à arnaquer son pote Steve Wozniak, le vrai génie de l'informatique. Jobs est plus un concepteur, un chef d'équipe et un communicant.
L'un des intérêts du film est la première partie californienne, dans les années 1970. L'amour y est assez libre, on consomme des substances hallucinogènes... et on écoute de la bonne musique. (C'est l'occasion de signaler la qualité de la bande son, très entraînante.) Jobs est un jeune homme plutôt introverti, qui ne se lave pas régulièrement et se déplace pieds nus. L'histoire rend hommage aux geeks qui vont bricoler les premiers ordinateurs personnels.
Le fond est ambigu. On nous présente Jobs comme un franc-tireur, mais il est finalement bien dans le système. L'appât du gain le motive. Il n'est pas fidèle en affaires si ce n'est pas dans son intérêt... et il finit par maîtriser les mécanismes du capitalisme boursier, dont il fut dans un premier temps la victime.
La réalisation n'est pas mauvaise. On peut relever quelques idées de mise en scène (la caméra qui suit Jobs, avec sa démarche caractéristique, le coup des reflets informatiques dans les yeux...), mais c'est globalement assez conventionnel. Sur un tel sujet, j'aurais aimé qu'on nous donne une vision plus cinématographique de l'expansion de la micro-informatique.
Notons que les acteurs sont bons, au premier rang desquels Ashton Kutcher (dont la carrière ne témoigne pourtant pas d'une grande clairvoyance dans le choix de ses rôles). Il a tenté d'imiter la démarche du Jobs adulte et les angles de son visage ne sont pas sans rappeler ceux du personnage qu'il interprète. Il campe une sorte de gourou naissant, tendu vers l'accomplissement professionnel, seul but qu'il assigne à sa vie.
Le problème vient en partie des dialogues. C'est un film verbeux, qui verse un peu trop dans le psychologisme. Du coup, certains moments clés de la carrière de Jobs sont à peine évoqués. Les ellipses sont nombreuses. On a ainsi du mal à comprendre pourquoi l'Apple III et le Macintosh n'ont pas rencontré le succès escompté. La rivalité avec Microsoft est à peine abordée. (Cela aurait sans doute obligé les scénaristes à évoquer l'accord secret finalement conclu avec le groupe de Bill Gates.)
On a aussi du mal à saisir comment celui qui, jeune homme, rejetait violemment la paternité (quitte à larguer sans ménagement la copine enceinte), se retrouve des années plus tard père de famille installé (avec notamment la première fille, qu'il avait refusé de reconnaître). De même, le film peine aussi à montrer comment celui qui a perdu le contrôle d'Apple puis la gestion d'une équipe a pu se constituer une belle fortune. Le fonctionnement de l'économie boursière n'est bien décrit, alors que les luttes au sein du conseil d'administration occupent une place démesurée. Enfin, l'aventure de l'entreprise NeXT n'est qu'effleurée, alors qu'elle a permis à Jobs de rebondir, même si ce ne fut pas sans mal. (Le début du reportage auquel mène le lien précédent a directement inspiré la scène de jardinage, située dans la dernière partie du film.)
Bref, ce n'est pas un mauvais film, mais c'est un peu décevant.
01:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
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