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samedi, 26 octobre 2013

Heimat 1 et 2

   Au départ, Heimat fut une série télévisée d'Edgar Reitz, qui connut un grand succès en R.F.A. puis dans l'Allemagne réunifiée. Par le biais de la fiction (et d'un village imaginaire), elle relatait le siècle tumultueux que la population allemande avait vécu, de 1919 aux années 1980, puis 1990, enfin 2000.

   Le film en deux parties qui vient de sortir en France en constitue une sorte de prologue, situé au début des années 1840. A cette époque, l'Allemagne n'existe pas en tant qu'Etat. Le sentiment national est lui bien vivant, mais la "patrie" (traduction imparfaite du mot "Heimat") est plus le petit pays qui sert d'horizon aux ruraux qui se tuent quotidiennement à la tâche.

   L'action se déroule dans la part occidentale du royaume de Prusse, en Rhénanie (aujourd'hui partagée entre deux Länder, la Rhénanie-Palatinat et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie), dans une région appelée Hunsrück (dont l'étendue correspond à la moitié de celle de l'Aveyron) :

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   La première partie est sous-titrée "Chronique d'un rêve". Pour les Aveyronnais, il faut imaginer l'Allemagne profonde cent ans avant Farrebique, dans un pays qui n'a pas connu la Révolution française (certains privilèges n'ont pas été abolis), même si, la guerre aidant, les troupes françaises ont laissé des traces dans la région. (Trente ans après, une femme a encore en sa possession le savon d'un officier tricolore !)

   C'est un magnifique noir et blanc, d'où émerge de temps à autre un détail coloré, comme une pièce d'or, un morceau de verre déformant, un drapeau ou les pétales d'une fleur :

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   Mais, alors que Georges Rouquier, au-delà "des travaux et des jours", avait voulu montrer la communion des hommes et de la nature, Edgar Reitz fait plutôt oeuvre d'historien, reconstituant la vie au village dans ce qu'elle avait de pénible et de joyeux, de routinier et de changeant. L'Ouest de la future Allemagne est sur le point de s'ouvrir à la modernité.

   Le noble du coin, auquel on doit respect, n'est pas présenté au départ comme un mauvais bougre. Il sait même se montrer généreux à l'occasion. On découvre la vie simple et globalement difficile de ces ruraux qui n'ont rien d'exceptionnel, à première vue.

   Tout le monde est un peu paysan, même ceux qui ont une activité principale autre, comme le forgeron, père du héros. Celui-ci, Jakob, est le fils indigne. Alors que l'aîné s'est illustré dans l'armée et, une fois de retour, se dévoue à l'entreprise familiale, le cadet est le plus souvent le nez dans les bouquins, au désespoir de son père. Le jeune homme s'est vite rendu compte qu'il parvenait à apprendre vite beaucoup de choses, grâce à ses lectures. Il dévore notamment les récits de voyageurs... et apprend petit à petit à déchiffrer des langues étrangères. Les confrontations avec son père constituent souvent des moments de comédie.

   Mais il y a aussi cet amour naissant pour Henriette, une ravissante blonde, dont la réserve naturelle cache un tempérament fougueux. Elle et sa meilleure amie brune sont l'objet de l'attention des deux fils du forgeron. Une soirée festive va sceller le sort d'au moins un couple, mais pas dans le sens auquel les spectateurs se seraient attendus.

   Pour Jakob, la déception amoureuse et la répression des revendications républicaines des révolutionnaires allemands vont être des déclencheurs.

   La seconde partie du film est sous-titrée "L'Exode". Plus longue, elle donne à voir les causes multiples du mouvement d'émigration qui a frappé les territoires germaniques au XIXe siècle. On a plus souvent entendu parler de l'installation en Amérique du Nord. Ces personnages-ci ambitionnent de partir au Brésil. Cela nous vaut une séquence pittoresque, au cours de laquelle des Portugais viennent faire de la retape pour l'empire sud-américain.

   Auparavant, on aura vu le village traverser les pires épreuves, de l'hiver glacial à l'épidémie, en passant par la prison royale, pour quelques-uns des héros. De retour, Jakob comprend qu'il aura du mal à s'intégrer à nouveau à la communauté. Un mariage est célébré. Dans le même temps, le frère aîné est tenté par la modernité : il met au point une machine à vapeur. Mais, dans le village, beaucoup songent à partir.

   L'histoire alterne moments de joie et de douleur. La mort et la maladie frappent, sans parler même des déconvenues sentimentales. Incidemment, on perçoit aussi les tensions religieuses, entre catholiques et protestants, qui ne cohabitent pas dans le village, mais peuvent se croiser dans la contrée. La seule soeur survivante de Jakob (les parents ont perdu six enfants en bas âge) a été reniée parce qu'elle a épousé un "papiste" (un gars de la Moselle par dessus le marché !). La situation évolue dans cette partie du film.

   L'une des dernières séquences montre le départ de l'expédition. Elle doit rejoindre d'autres convois issus eux aussi de Rhénanie, direction la mer du Nord puis, au terme de plusieurs étapes, le Brésil. On ne les voit désormais plus à l'écran, mais, grâce à des lettres, on finit par savoir ce qu'ils sont devenus.

   Sur presque quatre heures, cela constitue une fresque impressionnante, d'une grande qualité plastique, très bien jouée. La grande histoire se marie parfaitement avec la petite, celle du quotidien de ces gens ordinaires auxquels on finit par beaucoup s'attacher.

23:59 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film

Commentaires

Comme vous, j'ai beaucoup aimé cette saga, puisque de fait c'en est une. Rarement un cinéaste n'aura ausculté si justement, si profondément les racines de son propre peuple. On attend encore l'artiste français capable de le faire.

Écrit par : leunamme | vendredi, 01 novembre 2013

Les commentaires sont fermés.