Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 28 avril 2014

Dancing in Jaffa

   C'est un documentaire que j'ai beaucoup hésité à aller voir. Evidemment, le sujet (les enfants dans conflit israélo-palestinien) est casse-gueule. Mais, surtout, j'avais redouté le truc plein de bons sentiments, qui éviterait les points de friction.

   ... Eh bien j'avais tort ! C'est d'abord une histoire originale (et vraie), celle de Pierre Dulaine, un danseur de salon (plusieurs fois primé au niveau international), qui s'est lancé dans un projet un peu fou : faire danser ensemble des enfants israéliens et palestiniens (en fait des Arabes israéliens, descendants des Palestiniens qui n'ont pas fui après la guerre de 1948-1949).

   Située au sud de Tel-Aviv, Jaffa est une ville multiculturelle, judéo-islamo-chrétienne (que l'on a déjà vue en toile de fond de l'intrigue du film Ajami). L'un des intérêts du film est d'ailleurs d'interroger les identités. Certains enfants (ici comme ailleurs) ne font pas de différence entre "arabe" et "musulman", alors qu'une partie des Palestiniens sont chrétiens. De plus, à l'écran, on peut constater combien les enfants israéliens juifs sont physiquement différents les uns des autres, certains ressemblant plus aux petits Palestiniens.

   Le grand mérite du documentaire est de ne pas masquer les difficultés rencontrées. La première a été de faire danser des enfants musulmans entre eux (filles et garçons). Aux préventions des parents (les mères étant les plus présentes à l'écran) se sont ajoutés les préjugés de certains enfants. Les voir rechigner à toucher leur partenaire est à la fois comique et stupéfiant. Notons que le projet a concerné des écoles juives, musulmanes et mixtes.

cinéma,cinema,film

   La seconde difficulté a été d'inculquer les bases de la danse à un jeune public, pas du tout familier de cet univers. La passion et l'humour de Pierre Delaine lui ont été très utiles... ainsi que sa maîtrise de l'arabe, puisque, derrière ce personnage classieux s'exprimant dans un anglais châtié se cache le rejeton d'un couple mixte, le père étant irlandais et la mère palestinienne, de Jaffa (avant la conquête israélienne). On voit les gamins étonnés devant une ancienne vidéo de leur professeur, en pleine action avec une autre danseuse professionnelle... qui n'était pas sa femme ! (Sur la Toile, on peut trouver une autre de ses prestations.)

   L'étape suivante était de faire danser Israéliens et Palestiniens. Je pense que le film ne restitue pas tout le parcours du combattant, mais on réalise à quel point ce fut sans doute difficile. Si l'on considère l'ensemble du projet, très peu de garçons furent volontaires au début. La rencontre avec les enfants juifs provoqua de nouveaux départs, alors que le projet semblait prendre forme. L'engouement est venu, si bien qu'il a fallu procéder à une sélection des danseurs, dans la perspective d'un concours, qui opposerait, non pas Israéliens et Palestiniens, mais duos d'écoles, chaque couple étant mixte.

cinéma,cinema,film

   On comprend que la désignation des concurrents n'a pas obéi qu'à de stricts critères sportifs. On a choisi des profils et, parfois, on a fait oeuvre sociale, retenant les enfants dont la danse favorisait l'épanouissement. J'ai aussi été sensible au fait que la réalisatrice n'ait pas privilégié les gamins au physique le plus avenant. Les grassouillets, les mal fagotés, les disgracieux ont autant (voire plus) bénéficié de son attention que les autres.

   C'est le moment de souligner que le film met l'accent sur trois enfants, une juive d'origine européenne ou nord-américaine, un musulman en situation précaire et une gamine, orpheline de père, dont la mère est une convertie. L'évolution de cette dernière élève est particulièrement saisissante. Le film nous la montre passer du statut de quasi-racaille à celui de danseuse épanouie, moins complexée par son corps et (en apparence) moins perturbée par l'absence de son père.

   Le résultat du concours a pour nous finalement peu d'importance. C'est la démarche qui est à saluer. Mais on comprend qu'ici comme ailleurs, des parents ont placé des espoirs démesurés dans cette modeste compétition. Ce n'est pas le sujet principal du film, mais c'est l'un des éléments qui nous rapprochent de cette région du monde, où les enfants ne sont pas si différents des nôtres.

Les commentaires sont fermés.