samedi, 29 décembre 2018
Derniers jours à Shibati
Le Français Hendrick Dusollier a effectué trois séjours en un an dans la mégapole chinoise de Chongqing, une ville située le long du Yangzi Jiang et qui a statut de municipalité spéciale, en Chine. (Elle s'étend sur une superficie équivalente à celle des Emirats arabes unis ou de l'Autriche.)
Chongqing a déjà servi de cadre à l'intrigue de plusieurs films de fiction : Still Life en 2007, People Mountain People Sea en 2013 et Fantasia en 2015. Ici, il s'agit d'un documentaire (bref : il ne dure qu'une heure) consacré à l'un des quartiers du centre-ville ancien, en pleine transformation. Petit à petit, l'habitat traditionnel disparaît, remplacé par des constructions modernes. Les habitants ne sont pas relogés dans les luxueux immeubles construits sur place, mais dans des tours situées en périphérie, à côté d'une zone industrielle, reliée au centre par une ligne de métro.
Le réalisateur s'est attaché à trois personnages : un coiffeur (qui vit avec sa mère), un jeune garçon (qui le guide dans les ruelles) et une grand-mère (qui récupère des déchets). Il les a rencontrés lors de son premier séjour, durant lequel il n'était pas tout le temps accompagné d'un traducteur. Il s'est débrouillé avec son mandarin débutant... et a suffisamment d'autodérision pour avoir inclus dans son montage des passages où les habitants se moquent de lui ! Il est revenu six mois plus tard, puis de nouveau six mois après, accompagné de traducteurs.
Le coiffeur n'a que des hommes dans sa clientèle. Il pratique une coupe traditionnelle, la nuque bien dégagée. C'est l'un des derniers à quitter le quartier, d'abord parce qu'il continue à y avoir des clients, mais aussi (et surtout) parce que, son fils étant engagé dans l'armée, il bénéficie d'une relative bienveillance de la part des autorités locales. Il ne comprend pas trop ce que vient faire ce Français en Chine et demeure persuadé que Roosevelt et Churchill sont d'anciens dirigeants de notre pays !
Le gamin connaît déjà les deux visages de la ville, l'ancien et le nouveau, où sa mère l'interdit pourtant de se rendre. Il est attiré par les paillettes de l'urbanisation moderne, alors que ses parents tirent le diable par la queue. On va d'ailleurs les suivre dans leurs démarches pour obtenir un nouveau logement, tout neuf mais en lointaine banlieue.
La plus attachante des habitantes est sans conteste la grand-mère. On la découvre à la fois récupératrice et logeuse. Elle passe ses journées à récupérer et trier des déchets. Elle en garde une partie dans son taudis. Paradoxalement, cela contribue à enjoliver sa vie. Elle arrondit ses revenus en louant un lit à des personnes de passage, pour 3 à 5 yuans (40 à 60 centimes d'euro) la nuit. Elle n'est pas éblouie par la ville contemporaine. Elle s'y approvisionne en déchets. Elle aussi va être obligée de partir en banlieue, rejoindre son fils dans un appartement exigu. Elle essaie d'y recréer un jardin secret, dans un coin où subsiste de la végétation. Elle était très attachée à la sociabilité de son quartier pauvre, où tout le monde se connaissait, parfois s'entraidait.
Ce sont des tranches de vie, qui rappelleront à certains les transformations subies par la France dans les années 1950-1960. La Chine nouvelle aime le clinquant, est fière de ses progrès technologiques. Le réalisateur semble vouloir montrer qu'à coups de modernisation forcée, Chongqing a perdu son âme...
00:13 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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