Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 15 avril 2023

Chili 1976

   Avant de passer derrière la caméra, Manuela Martelli a été actrice, notamment dans Mon Ami Machuca, dont l'action se déroule en 1973, au tout début de la dictature d'Augusto Pinochet.

   Elle a choisi de planter son intrigue trois ans plus tard, alors que le régime est installé, la surveillance de la population bien en place... et la répression aussi discrète qu'efficace.

   Pourtant, le début de l'histoire semble loin de ces préoccupations politiques. On suit une famille de la grande bourgeoisie, l'épouse du médecin chef d'un hôpital de Santiago supervisant les travaux d'embellissement de leur résidence secondaire, sur la côte Pacifique. La maîtresse de maison voudrait que tout soit prêt pour l'anniversaire de l'une de ses petites-filles. Tout cela ne nous est pas dit frontalement, mais suggéré au fur et à mesure des scènes, par petites touches. C'est l'un des grands mérites de ce film que de ne pas sombrer dans un didactisme pesant, tout en étant très engagé.

   L'autre grand atout de cette histoire est la comédienne Aline Küppenheim, présente -je crois- dans toutes les scènes, à travers son personnage de Carmen. L'épouse distinguée a du temps libre, qu'elle consacre à sa maison, ses petits-enfants... et aux nobles causes que lui suggère le prêtre progressiste du coin. Bien que d'apparence assez épanouie, elle n'est pas fondamentalement heureuse : elle a jadis renoncé à ses études de médecine pour devenir mère au foyer et elle suit depuis plusieurs années un traitement contre la dépression. Un jour, le service particulier que lui demande le prêtre va donner un sens à sa vie.

   A la chronique sociale du début (mettant discrètement en scène certaines inégalités de richesse) succède un quasi film d'espionnage, qui fait parfois sourire, mais au cours duquel on sent tout de même progressivement monter la tension. De coups de téléphone discrets en rendez-vous secrets, la bourgeoise prend de plus en plus de risques...

   C'est passionnant. Dans la salle, la ribambelle de vieillard(e)s pipelet(te)s a fermé son clapet dès le début, pour ne le rouvrir qu'au générique de fin. C'est dire.

   A signaler le rôle de la musique d'accompagnement. Elle n'est heureusement pas omniprésente, plutôt savamment dosée... et ce n'est pas une musique d'époque, mais contemporaine, qui se marie bien avec l'intrigue.

   P.S.

cinéma,cinema,film,films,histoire

   La Peugeot 404 que l'on voit l'héroïne conduire était, à l'époque, passée de mode en France... mais sa production continuait dans plusieurs pays étrangers, en particulier en Argentine, d'où devait venir le modèle acheté par le mari de Carmen.

Les Mystères de Barcelone

   Intitulé La Vampira de Barcelona dans sa langue d'origine (le catalan), ce film évoque une affaire criminelle célèbre outre-Pyrénées... mais pas de ce côté-ci. Voilà pourquoi sans doute le distributeur français a choisi un titre qui, aux oreilles des cinéphiles locaux, évoquera soit un film de Raoul Ruiz, soit un roman-feuilleton d'Eugène Sue.

   Ce n'est pourtant pas tant sur le fond que sur la forme que ce long-métrage est remarquable. Peut-être parce que son action se situe au début du XXe siècle, souvent dans les bas-fonds, le réalisateur a choisi de tourner majoritairement en noir et blanc. Le résultat est fort joli... et incite les spectateurs à se montrer attentifs quand on passe à la couleur, ou quand un détail coloré apparaît à l'écran.

   J'ai bien aimé aussi le travail sur la construction de l'image, constituée de plusieurs plans qui peuvent se détacher les uns des autres. (Merci, le numérique !) Ce n'est pas une coquetterie esthétisante. Quand deux personnages d'une scène en sont comme extraits, c'est parce que leur discussion revêt une grande importance. Quand l'arrière-plan change, c'est en liaison avec ce qui se dit et se passe au premier.

   De la même manière, le recours aux ombres chinoises se justifie pleinement. Le cinéaste veut montrer que l'univers officiel dans lequel évoluent les personnages est, pour lui, un théâtre d'ombres et que les déterminants de l'action se trouvent ailleurs.

   C'est précisément à ce niveau que surgissent les problèmes. Je crois avoir rarement (jamais ?) vu une histoire aussi manichéenne. Si l'on excepte la monarchie et le gouvernement catalan (absents de l'intrigue), toutes les "élites" sont corrompues : les juges, les avocats, les policiers, les médecins, les journalistes... sauf un, bien entendu, le héros. En face, les gens modestes sont presque tous présentés comme des victimes. Ce n'est que dans la dernière partie qu'un poil de nuance est introduit, à travers quelques révélations de dernière minute et un petit coup de théâtre.

   A part cela, de mystère il n'y a guère. Dès le début on nous offre en pâture la conclusion officielle de l'enquête, à laquelle la suite du film (un long retour en arrière) nous amène inexorablement. Ce n'est pas vraiment palpitant et c'est de surcroît surligné par une musique d'accompagnement digne d'un mélo télévisuel. C'est dommage, parce qu'il y a avait de la matière et, derrière la caméra, une personne de talent.

16:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films