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dimanche, 28 avril 2024

Back to Black

   Le biopic est un genre cinématographique florissant, en particulier quand il est consacré à un chanteur ou une chanteuse. Voici donc venu le tour d'Amy Winehouse, sous le titre de son album iconique... que j'avais, à l'époque, acheté... à la grande surprise de mon entourage, d'ailleurs ! (Je viens d'en achever la réécoute, pour me remettre dans le bain.)

   Signalons tout de même que ce film-ci n'évoque que les neuf-dix dernières années d'Amy, à partir du moment où elle se lance dans la musique. Ce n'était pas qu'une voix, quand bien même celle-ci était incomparable.

   Restait à trouver la perle rare, une (bonne) comédienne qui ressemblerait un peu à la défunte diva, de préférence avec des qualités vocales. Pari tenu avec Marisa Abela, une quasi-inconnue, qui a fait de la figuration dans le récent Barbie.

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   L'impression de ressemblance a été renforcée par un bon maquillage, de l'entraînement, un coach vocal, un coach comportemental (pour acquérir la gestuelle et la démarche d'Amy)... et un même un coach "dialectal" (pour le parler cockney londonien). Je recommande donc de voir le film en version originale sous-titrée, d'autant que ce que j'ai entendu de la VF ne m'a pas emballé.

   La première fois que j'ai entendu une chanson d'elle, je ne savais pas du tout qui elle était... et j'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'une chanteuse afro-américaine. Je n'étais finalement pas si loin de la réalité, puisque les influences jazz, blues et soul, venues de l'autre rive de l'océan Atlantique, ont été déterminantes dans la formation musicale de la Londonienne.

   Deux autres personnes ont joué un rôle clé dans son existence : son père, chauffeur de taxi et crooner à ses heures perdues (Eddie Marsan, plutôt bien, peut-être trop), et sa grand-mère paternelle, véritable figure tutélaire, excellemment incarnée par Lesley Manville.

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   L'enfance de la future vedette est peu creusée. On comprend qu'elle a beaucoup souffert du divorce de ses parents. Le biopic évite aussi de représenter l'autre membre de la famille proche : le frère aîné.

   En revanche, il nous narre en détail son début de carrière... et la naissance d'un amour fou, toxique, pour le jeune Blake, un beau gosse drogué, avec du bagout, dont Amy s'est entichée, pour le meilleur (des moments de pur bonheur et l'inspiration de certains de ses succès) et le pire (l'alcool, la drogue... et la violence). Sur ce point, je trouve qu'à l'image de ce qu'on a pu voir concernant Freddie Mercury (dans Bohemian Rhapsody), le film atténue le comportement autodestructeur de l'artiste. Concernant Amy, on évite de nous la montrer incapable de chanter, dans ses derniers concerts. (Les sifflets entendus ne visaient pas tant son attachement pour son (ex-)compagnon que son attitude vis-à-vis du public.) Parfois, c'est un peu trop sentimental à mon goût, et un peu aseptisé.

   Sans être très profond, le film permet tout de même de toucher du doigt les causes du succès : une voix peu commune, l'aspect vécu (et universel) des textes de ses chansons, un caractère bien trempé, un accoutrement singulier, des tatouages... et un joli minois. (Si la demoiselle avait pesé trente kilos de plus et avait souffert d'un strabisme, elle n'aurait sans doute pas suscité le même enthousiasme...)

   Les "passages obligés" (alcool, drogue, relation amoureuse en dents de scie, harcèlement par les paparazzi) sont correctement traités, sans plus.

   Il reste le parcours d'une étoile filante, une jeune femme qui avait ce petit quelque chose en plus qui ne s'apprend pas dans les écoles de chant ou de danse, le tout bien rendu par une excellente interprète.

Le Déserteur

   Tourné avant le pogrom du 7 octobre dernier, ce film israélien entre étrangement en résonance avec l'actualité proche-orientale, même si l'intrigue se situe dans le contexte de 2014, celui d'une (autre) intervention militaire de Tsahal dans la bande de Gaza, à une époque où Benyamin Netanyahou était déjà Premier ministre.

   Le premier quart d'heure est emballant. On n'y entend pas le héros parler et les rares dialogues que l'on perçoit peuvent être qualifiés d'atmosphère. Avec les sons du bruitage, ils produisent une ambiance dont on comprend qu'elle met mal à l'aise Shlomi.

   Très vite, la caméra se met à suivre le jeune homme en mouvement. Le réalisateur a notamment recours au travelling (avant, arrière et latéral) pour montrer la fuite du soldat, sans que ses motivations soient claires. Est-ce de la lâcheté, est-ce le résultat d'une réflexion politique ou de l'envie de revoir sa petite amie, pour tenter de la convaincre de ne pas partir pour le Canada ?

   Le premier être vivant auquel Shlomi s'adresse est... le chien de la famille. C'est à ce moment-là que les choses se gâtent, le trait devenant appuyé, accompagné d'invraisemblances.

   Si l'acteur principal, Ido Tako, ne manque pas de charisme, la manière dont il est dirigé (ou dont on le laisse improviser) pose problème. Le premier élément qui m'a gêné est la manière dont on le voit manger. Cela commence avec une écolo-marxiste pastèque, sauvagement éventrée et malaxée. Cela continue au restaurant, où l'on voit le héros se goinfrer maladroitement et s'enfiler plusieurs grands verres d'eau sans que l'on sache pourquoi. Cela revient dans l'appartement de luxe (à Tel Aviv, je crois), autour d'un plat de pâtes dans lequel Shlomi finit par puiser avec ses doigts tout en maniant la télécommande de la télévision et en touchant sa copine (que ça n'a pas l'air de déranger) ! Il est possible qu'à travers ce comportement exacerbé le réalisateur ait voulu montrer l'appétit de vivre du personnage, mais, franchement, c'est mal fichu.

   Un autre aspect de l'intrigue pose plus problème : la présence de touristes français (qu'on présume juifs). Dans un premier temps, ils sont dépeints comme des soutiens imbéciles d'Israël, faciles à pigeonner. On les recroise par la suite. A l'une de ces occasions, là encore, c'est mal mis en scène : le jeune homme en voiture avait la possibilité de s'échapper sans sortir de son véhicule... mais cela aurait empêché le réalisateur de filmer un déshabillage forcé. C'est totalement artificiel. Le pire est que, lorsqu'on entend les touristes lui faire des reproches, l'une des voix s'exclame « avec tout ce qu'on vous donne ! » (sous-entendu : quelle ingratitude alors que la France soutient financièrement votre pays !). C'est factuellement inexact. Cela aurait été plus approprié si les touristes avaient été états-uniens (à ceci près que l'essentiel de l'aide est d'ordre militaire). Concernant la France, c'est plutôt le côté palestinien qui est soutenu financièrement, à travers notamment les engagements de l'UE.

   Ce n'est pas la seule fois où le réalisateur tombe dans la facilité. Lors de la scène de bar, qui montre une brochette d'«Israéliens moyens», au comptoir, sans doute avec un coup dans les carreaux, on sent la volonté de les présenter comme des crétins racistes. C'est le genre de scène que l'on pourrait tourner à peu près n'importe où. La placer ici, dans ce film-là, n'est pas anodin.

   En dépit de ces défauts, je dois reconnaître que l'intérêt remonte dans les vingt dernières minutes. A ce moment-là, le scénario se fait malin. En voulant échapper à l'engagement militaire, Shlomi provoque un mini-drame national : on le croit mort ou pris en otage par le Hamas. Dans un premier temps, le quiproquo provoque des tensions familiales (pas très bien mises en scène, même si le personnage de la mère est bien campé). C'est quand le héros doit faire un choix crucial que cela gagne en qualité, avec notamment une scène inattendue, qui n'est pas ce qu'elle paraît être de prime abord.

   J'ai de surcroît bien aimé la conclusion de l'histoire. Le film n'est pas sans intérêt, faisant preuve parfois d'une réalisation inspirée, mais ce n'est pas toujours maîtrisé, loin de là... et c'est assez orienté.