dimanche, 18 décembre 2011
Carnage
Je n'ai pas vu (ni lu) la pièce de théâtre (de Yasmina Reza) qui a inspiré ce film. C'est d'abord la distribution qui m'a alléché, mais j'ai été rebuté par la bande-annonce en français : honnêtement, ce n'est pas très bien doublé. Par chance, je l'ai aussi vue en version originale sous-titrée : c'est plus saignant. Du coup, j'ai essayé de voir le film en VO.
Nous sommes donc face à deux couples bourgeois, un plutôt de gauche, l'autre sans doute "libéral" au sens français du terme.
A ma gauche donc, la "bobo attitude" incarnée par Jodie Foster, quadragénaire féministe, philanthrope, cultivée... et un peu névrosée. L'actrice excelle à faire ressortir les contradictions du personnage, qui paraît dominer les débats au début, avant de s'effondrer plus tard. (A travers elle, je pense que Roman Polanski règle quelques comptes personnels...)
Son mari est une sorte de gros nounours, content d'avoir une telle compagne, mais qui suffoque un peu sous le harnais. (On semble vouloir nous faire comprendre qu'à travers son mariage, il reproduit son état de dépendance affective vis-à-vis de sa mère.) Il aurait pu être joué par Sydney Pollack. C'est le mari attentionné, pas super fûté mais gentil... tant qu'on ne lui casse pas les pieds.
Face à cette gauche bien-pensante, on nous a placé une droite -supposée- moderne, incarnée par un avocat véreux, rivé à son BlackBerry, et une gestionnaire de biens immobiliers d'apparence très classe. Christopher Waltz a pris visiblement beaucoup de plaisir à jouer cet enfoiré qui s'assume. Derrière le cynisme affiché, on finit par découvrir qu'il a peut-être moins d'oeillères qu'il n'y paraît. Mais c'est quand même une belle enflure !
Son épouse est l'un de ses trophées (visiblement déboulonnée de la première place dans le coeur de son mari par le nouveau smartphone). Kate Winslet (récemment vue dans un tout autre rôle dans Contagion) est gé-niale. Son personnage est construit par contraste avec celui interprété par J. Foster : la sensuelle face à l'intellectuelle, la classieuse face à la rustique (au niveau des vêtements et du maquillage), la dominée face à la dominatrice... même si tout cela évolue au cours de la rencontre, supposée ne pas durer longtemps, mais qui s'éternise un peu.
Les dialogues sont excellents. Cela fourmille de bons mots, de vacheries. J'ai très souvent éclaté de rire. A cela s'ajoute un comique de situation maîtrisé. Cela commence avec la présentation visuelle des personnages : on nous fait bien comprendre au premier coup d'oeil que les deux couples n'ont pas tout à fait les mêmes "valeurs" (même s'ils affichent -au départ- un attachement identique à la "civilisation").
Cela continue avec la séquence du vomi (ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh... j'adore !!!!). Je vous laisse découvrir le lien avec l'oeuvre du peintre Kokoschka. Il y a bien sûr le fil rouge du téléphone portable envahissant, qui vibre toujours fort à propos. (Faites attention au contenu des conversations téléphoniques... un lien finit par s'établir entre celles du portable et celles du fixe.) Il y a aussi le sèche-cheveux (outil qui joue un rôle presque aussi important dans l'histoire) et la bouteille de scotch, qui fait rebondir l'intrigue et libère les dernières pulsions refoulées.
La réalisation n'est guère inventive, mais efficace. De près, Polanski a eu tendance à filmer ses personnages en légère contreplongée, l'un des trois autres se retrouvant à l'arrière-plan. Cela accentue le grotesque des situations. De manière générale, il a construit ses plans de manière à véhiculer au moins deux informations par image. C'est bien fichu et cela renforce le comique des dialogues.
Bref, cela dure 1h20 (scènes d'extérieur introductive et conclusive incluses), c'est à la fois pétillant et graveleux... on passe vraiment un bon moment !
15:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema
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