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mardi, 05 mars 2013

Les Chevaux de Dieu

   Ce film de fiction ambitionne de mettre en scène les éléments qui expliquent que de jeunes Marocains, pour la plupart inconnus des services de police, aient participé aux attentats de Casablanca du 16 mai 2003.

   L'histoire s'attache au destin d'une demi-douzaine de garçons du bidonville de Sidi Moumen (8 des 14 kamikazes en sont issus), dont une partie seulement va verser dans le terrorisme. Le début du film, maladroit, m'a fait un peu peur. Les images des gamins fans de football, prêts à en venir aux mains... ou à détaler dare-dare, sont proches du cliché. Mais le réalisateur fait preuve d'une incontestable maîtrise derrière la caméra, avec de très beaux plans du bidonville à la clé.

   Petit à petit, la psychologie des personnages est creusée, les situations deviennent plus complexes... et le film passionnant. Il faut souligner l'interprétation remarquable des acteurs principaux, qui incarnent les garçons devenus de jeunes adultes.

   Abdelilah Rachid est celui dont la palette de jeu est la plus variée. Seul véritable délinquant de la bande au début de l'histoire, son personnage (Hamid) est le premier du groupe à se convertir à l'islam radical, sans doute en prison. (Voilà qui rappellera des choses à nos amis toulousains.)

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   Comme à d'autres "jeunes en recherche", la religion donne un cadre, pas forcément négatif au départ. Mais ses "maîtres" ont un projet politique en tête. J'ajoute que, dans la troisième partie du film, ce personne recommence à évoluer, dans un sens que je ne révèlerai pas ici. Sachez que l'acteur rend vraisemblables les trois facettes.

   L'autre personnage "solaire" est son petit frère, interprété par Abdelhakim Rachid.

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   Dans le quartier, Tarek est surnommé Yachine, en raison de son poste de gardien de but, au football, où il n'est d'ailleurs pas maladroit. Il idolâtre le Soviétique, seul de sa catégorie à avoir décroché le ballon d'or. Là encore, l'évolution du jeune homme (moins abrupte que pour son frère) est restituée par l'acteur avec subtilité.

   Le "troisième homme" de l'histoire est Nabil, le meilleur ami de Tarek-Yachine. Il ne semble pas connaître son père et sa mère a très mauvaise réputation dans le quartier. On finit par comprendre qu'elle monnaye ses "services". Le fils subit la réprobation attachée à sa mère (qui est protégée par le chef de la police)... et son côté efféminé, ainsi que l'amitié extraordinairement forte qui le lie à Tarek, lui valent moqueries et avanies.

   Dans le groupe évoluent aussi notamment Fouad, grand-frère (très) protecteur de Ghislaine (dont Tarek est amoureux) et un drôle de lascar, qui ne pense qu'à s'amuser (et qui va résister à l'influence des "Frères").

   Ces jeunes ne sont pas bien encadrés par les adultes du bidonville. Le père des deux héros semble frappé d'Alzheimer (et le frère aîné est un peu dérangé... mais pas bête sur le fond). La mère est dépassée par les événements et ne voit pas ce que la nouvelle orientation religieuse de ses gamins peut avoir de menaçant. Les autres parents sont plutôt absents.

   Ils laissent donc la place aux propagandistes islamistes, qui en imposent par leur constance, leur charisme... voire leur maîtrise des arts martiaux. (On n'attrape les mouches avec du vinaigre !) On sent aussi que le chef du groupuscule est fin psychologue : il comprend vite quel est le profil de chaque gamin et comment il peut les utiliser.

   Mais le réalisateur n'oublie pas la vie quotidienne du bidonville, dans ce qu'elle a de plus sordide. Les gamins sont d'abord des victimes des caïds locaux et de la police, à moitié corrompue et pas franchement respectueuse des droits de l'homme. (Le chef local est surnommé "Pitbull", c'est dire.) Entre eux, enfants comme adolescents sont parfois sans pitié. (Cela va de la bagarre au viol... et le meurtre n'est pas loin.) Hors cadre familial, la solidarité est l'exception. Chacun essaie de se sortir de la misère (qui n'est pas totale, dans ce bidonville un peu aménagé), au besoin en passant sur les autres.

   On pourrait regretter que le film ne dénonce pas suffisamment l'influence pernicieuse d'une conception extrémiste de la religion. On aurait aussi pu souhaiter que soit posée la question de la démocratie au Maroc... mais cela aurait peut-être empêché le film de se faire. Il a le grand mérite d'exister et il témoigne d'une certaine habileté.

   P.S.

   Les cinéphiles français auront l'impression de se retrouver devant une version cousine, d'outre-Méditerranée, de l'excellent long-métrage de Philippe Faucon La Désintégration. On peut aussi être frappé par la ressemblance avec le film palestinien Paradise now.

14:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

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