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mercredi, 09 mai 2018

Everybody knows

   "Tout le monde (le) sait"... mais quoi ? Un secret de famille, qu'un spectateur doté de quelques neurones aura éventé au bout d'une dizaine de minutes. Le réalisateur Asghar Farhadi (auquel on doit notamment Une Séparation) a eu l'obligeance de lâcher très tôt un indice, au cours d'une scène qui fait intervenir une chiure d'oiseau. Soyez attentifs à ce que l'un des personnages principaux dit à l'autre...

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   L'intrigue repose sur trois caractères très marqués. Penelope Cruz est Laura, la fille cadette d'un agriculteur quasi-grabataire (et alcoolique), qui revient au pays (dans le sud de l'Espagne) pour assister au mariage de la benjamine. Force est de constater qu'à 44 balais, "Pene" est encore gaulée comme une déesse, les jeunettes de vingt ans peinant à rivaliser avec elle. Je regrette toutefois que le potentiel de l'actrice soit sous-utilisé par Farhadi.  Il la confine dans un rôle de belle pleureuse, alors qu'elle a prouvé par le passé qu'elle dispose d'une palette de jeu assez étendue.

   Du coup, c'est Javier Bardem qui attire la lumière... de manière paradoxale. Il incarne Paco, l'ex de Laura, le fils de l'ancien commis de son père, qui, à la force du poignet, s'est élevé socialement, au point de susciter quelques jalousies.

   Ricardo Darin (remarqué dans Les Nouveaux Sauvages et Dans ses yeux) interprète l'époux argentin de Laura, un type doux, compréhensif... et bigot. C'est peu de dire que le personnage est terne et monolithique. J'ai eu de la peine pour l'acteur, que j'ai connu autrement plus brillant.

   Fort heureusement, le scénario comme la réalisation sont de bon niveau. Farhadi a construit une intrigue complexe comme il les aime, avec ses ramifications familiales et sociales. Au niveau de la mise en scène, tout n'est pas réussi, mais il faut reconnaître que c'est quand même globalement très inspiré.

   L'histoire commence d'ailleurs par de fort jolis plans, au cœur du clocher du village. Elle se poursuit malheureusement par une enfilade de moments très convenus, que ce soit dans la voiture ou à l'arrivée des "Argentins" à l'hôtel familial. En dépit de la faiblesse de ces scènes, je pense qu'elles sont indispensables à l'intrigue. Farhadi en a besoin pour placer les pièces sur son échiquier, avant de les faire bouger.

   La séquence du mariage est incontestablement l'un des sommets du film. C'est aussi l'un des rares moments où percent l'humour et le bonheur. Dès qu'une disparition survient, on tombe hélas dans un mélo peu subtil. En même temps monte une incroyable tension. C'est évidemment lié à l'incertitude qui règne quant au sort de la personne enlevée. Mais c'est aussi un polar, qui invite les spectateurs à tenter de deviner qui est derrière ce qui ressemble à une machination. Le passé refait progressivement surface... et le monde actuel (avec ses problèmes sociaux) se fait douloureusement sentir. Franchement c'est mené avec brio et, même si la fin n'est pas emballante, le film tient globalement ses promesses.

 

ATTENTION !

LA SUITE RÉVÈLE

DES ÉLÉMENTS CLÉS

DE L'INTRIGUE !

 

   Le film est aussi une réflexion sur la paternité et le sens de l'existence. Au départ, on est tenté de penser que Paco a réussi dans la vie. Lui le fils d'un commis de ferme est devenu le gérant d'une florissante exploitation viticole. Il est respecté (et craint) à son travail. Il a épousé Béa, une femme ravissante, indépendante et intelligente. Mais l'enlèvement d'Irène lui fait comprendre qu'il lui manque quelque chose. C'est d'abord la paternité qu'il n'a pas pu exercer, Béa ne voulant pas d'enfant. C'est ensuite son amour d'enfance, Laura, qui lui a préféré un homme terne mais, à l'époque, beaucoup plus riche que lui. C'est enfin l'hostilité de la majorité des membres de la famille de Laura, qui ne lui pardonnent pas d'avoir réussi socialement, peut-être à leur détriment. De surcroît, on comprend à demi-mots que Paco est en train de développer une maladie grave. Cela peut expliquer son geste pour faire libérer sa fille. Le pire est que cela ressoude le couple Laura-Alejandro. A la fin, il a tout perdu, sauf l'honneur... et, peut-être, la reconnaissance de celle qui ne sait pas encore qu'il est son père biologique.

   Tout cet arrière-plan révèle aussi ce qui me semble être la mentalité patriarcale du réalisateur (déjà perceptible, me semble-t-il, dans Une Séparation). De manière générale, les personnages féminins sont dépeints comme émotifs et passifs, alors que leurs homologues masculins rationalisent et agissent davantage. (Au contraire, dans la vraie vie, combien de fois me suis-je retrouvé face à des hommes qui perdent leurs moyens face aux difficultés, alors que tant de femmes ont les "couilles" de les surmonter...) Paco est présenté comme victime des femmes, la belle Laura qui l'a quitté, l'a privé de sa fille et va contribuer à le ruiner, la caractérielle Béa qui a refusé d'avoir un enfant (et va le quitter à son tour) et enfin la comploteuse nièce de Laura qui est mouillée dans l'enlèvement.

23:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Commentaires

J'ai adoré ce film. Même les scènes de bonheur sont empreintes de tension. C'est fort.
Paco s'est élevé à la force du poignet.. il a plutôt fait une affaire juteuse qu'on lui reproche bien d'ailleurs...
Le personnage de Paco est extraordinaire je trouve.
J'ai compris rapidement ce qu' Everybody knows mais je ne vois pas le rapport avec la chiure de pigeon. Enfin, j'ai oublié la réplique.
Rien n'est convenu dans ce film.
Et cette fin...sans fin.
Clap clap clap clap..

Écrit par : Pascale | jeudi, 10 mai 2018

Javier Bardem quel acteur !

Écrit par : Pascale | jeudi, 10 mai 2018

Lorsque Paco (Bardem) voit arriver Laura (Cruz), celle-ci tient une enfant dans ses bras. C'est sa petite-nièce, mais Paco croit que c'est sa fille. Dans mon souvenir, Laura le regarde bizarrement et déclare que celle-ci n'est pas d'Alejandro (son mari, censé être le père de ses deux enfants)... une blague évidemment (puisqu'elle n'en est pas la mère non plus), mais je n'ai pas pu m'ôter de l'esprit que ce dialogue n'a pas été placé là par hasard.

Si Paco a bénéficié d'un "prix d'ami" de la part de Laura, le début nous le montre comme un type qui bosse dur. Plus loin dans le film, lors d'une réunion familiale, Bea répond à ceux qui accusent Paco d'avoir fait une très bonne affaire qu'à eux deux ils ont mis 6 (ou 7) ans à transformer leurs terres en une exploitation rentable.

D'accord pour Javier Bardem. Le film ne mérite pas la Palme d'or, mais un prix d'interprétation masculine ne serait pas volé.

Écrit par : Henri Golant | vendredi, 11 mai 2018

Ah oui ok. La scène de la petite dans les bras où tout le monde fait une drôle de trombine... on peut effectivement supposer quelle n'aurait que des enfants qui ne sont pas de son mari...

Oui il bosse fort avec son masque et ils ont mis du temps à redresser la barre mais sans son achat juteux il serait encore saisonnier :-)

Pas une palme on est daccord mais un joli prix pour Javier qui porte la misère du monde...

Écrit par : Pascale | samedi, 12 mai 2018

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