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jeudi, 17 septembre 2020

Bal des faux-culs à Béthune

   Lorsqu'hier mercredi l'entreprise Bridgestone a annoncé la prochaine fermeture de l'usine de production de pneus de Béthune (dans le Pas-de-Calais), nous avons eu droit à un splendide concert d'indignations, de l'extrême-gauche à l'extrême-droite, en passant par le gouvernement libéral dirigé par Jean Castex. Quelle belle bande d'hypocrites !

   Certes, d'un côté, il y a une puissante firme transnationale japonaise, qui contrôle l'américain Firestone depuis la fin des années 1980 et le français Speedy depuis 2016. Ce groupe est le plus gros vendeur de pneumatiques au monde, devant Michelin, Goodyear et Continental :

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   Cependant, la filiale française a vu sa situation se dégrader, ces dernières années, dès avant la crise provoquée par la pandémie de covid-19 :

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   A mon avis, il ne faut pas accorder trop de crédit au redressement du chiffre d'affaires en 2017-2018. Je pense que c'est lié au rachat de Speedy. Il faut plutôt s'inquiéter du creusement des pertes et ce, alors que le marché automobile français ne se portait pas si mal avant la période de confinement de 2020.

   Au niveau des pneumatiques, c'est dès 2019 que la situation s'était dégradée, tendance confirmée et même accentuée en 2020. Au conjoncturel (les conséquences de la pandémie) s'ajouteraient des causes structurelles, à la fois mondiales et locales.

   Au niveau international, le principal changement survenu ces dernières années est l'arrivée massive des pneus chinois en Europe (et Amérique du Nord). Entendons-nous bien : il  y a pneu chinois et pneu chinois. Le "pays du milieu" est peut-être devenu le premier pays de fabrication des pneus, certains de conception chinoise, d'autres de conception européenne, nord-américaine voire est-asiatique. (Ainsi, Michelin possède deux sites de production et un site de recherche & développement en Chine.)

   Récemment, ce sont les pneus de conception et de fabrication chinoises qui ont cassé les prix (ils sont de 30 à 50 % moins chers). Ils couvrent une large gamme de modèles et portent des noms de marque qui n'évoquent pas leur pays d'origine : Antares, Atlas, Goodride, Fortuna, Rockstone... Ils se vendent souvent sur la Toile, qui prend de plus en plus de place dans le marché du pneu (entre 10% et 20 % du total, selon les sources). Problème concernant ces produits bon marché : si, dans l'ensemble, ils sont d'une qualité acceptable en conduite sur sol sec, ils se révèlent souvent dangereux par temps humide ou en cas de freinage d'urgence. Sur ce point, les tests pratiqués par des équipes aussi diverses que celles de la RTBF, de L'Argus et d'Auto Plus convergent.

   Cela nous ramène aux indignations vertueuses du début. Ce n'est pas aux dirigeants de Bridgestone que devraient s'en prendre nos chers politiciens de tout bord... mais aux consommateurs français qui, depuis plusieurs années, torpillent sciemment la filière pneumatique nationale.

   S'ajoute à cela le contexte local. L'usine de Béthune serait la moins productive des sites européens dépendant de Bridgestone. Il aurait fallu la moderniser. Le Conseil régional des Hauts-de-France aurait contacté l'entreprise dans cette optique, en 2019. Bridgestone aurait décliné... signe qu'à l'époque, la décision de fermer l'usine était déjà prise ? Peut-être. Quoi qu'il en soit, c'est une autre coïncidence qui m'a frappé : quelques mois avant de repousser l'offre du Conseil régional, Bridgestone avait proposé aux salariés de s'engager dans une procédure de modernisation... proposition qui fut largement rejetée par le personnel. Dans ce contexte, au vu de la concurrence internationale, on comprend que la direction n'ait pas considéré l'offre du Conseil régional avec beaucoup d'intérêt. Et puis, Xavier Bertrand pense tellement à la présidentielle, le matin en se rasant, qu'il n'est pas exclu que la démarche engagée par la collectivité qu'il préside n'ait eu d'autre but que de ménager sa possible candidature, en 2022.

   P.S.

   A lire, en complément, l'analyse (teintée d'humour) d'un professeur d'économie.

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