samedi, 05 février 2022
Twist à Bamako
Robert Guédiguian fait escale au Mali (en réalité au Sénégal, où le film a été tourné), en 1962, alors que le pays est indépendant depuis peu. Au pouvoir se trouve Modibo Keita, formé dans des écoles françaises puis devenu marxiste : le nouveau Mali penche davantage du côté de l'URSS que de celui des États-Unis, même si la culture occidentale est omniprésente dans le pays... du moins dans les villes.
Le cinéaste (qui n'a quasiment tourné qu'avec des acteurs noirs, français ou africains) a constitué un joli couple de héros. Lui, Samba (Stéphane Bak, vu l'an dernier dans Tokyo Shaking), est un fils de bourgeois converti au marxisme, adepte fervent de la Révolution. Elle, Lara (Alicia Da Luz Gomes, une révélation), vient d'une famille descendant d'esclaves ruraux et a été mariée de force au petit-fils du chef du village. Tous deux ont de la fougue et du charme. Leur love story fonctionne à merveille, sur fond de musique occidentale : américaine bien sûr, mais aussi française, puisqu'on entend Dick Rivers (à l'époque membre des Chats sauvages), Johnny Hallyday et Claude François, dont les posters ornent les murs du côté de la chambre occupé par le frère de Samba. L'aîné, lui, a accroché les images du président Keita, du communiste vietnamien Hô Chi Minh de Patrice Lumumba... ainsi que "l'affiche rouge", un clin d’œil à l'un des précédents films de Guédiguian, L'Armée du crime.
Sur le plan visuel, la mise en scène intègre des photographies prises sur le vif (dans les dancings) ou dans un atelier, qui font référence au travail de Malick Sidibé (décédé en 2016). Bien qu'étant en noir et blanc, ces photographies donnent une couleur supplémentaire au film, déjà fort chamarré par ailleurs.
Je suis plus partagé sur la partie politique du film. Je trouve intéressant d'avoir choisi de donner une version africaine de l'histoire... ce qui implique que les malheurs des Maliens ne proviennent pas forcément de la France, mais parfois (souvent ?) de leurs compatriotes. Mine de rien, Guédiguian dénonce le patriarcat, le conservatisme religieux, les chefferies traditionnelles... et (même) les vues étriquées des nouveaux dirigeants révolutionnaires. Tout le monde en prend pour son grade, de manière relativement nuancée (concernant les chefferies et les "anciens", présentés certes comme très conservateurs, mais avec un sens du collectif). A la fin, peut-être (selon moi) pour éviter toute accusation de "regard néocolonial", Guédiguian fait dire à l'un des personnages que le Mali n'en serait pas arrivé là s'il n'avait pas été colonisé... une manière un peu facile de faire porter le chapeau aux méchants Européens.
Je note que, contrairement aux séquences consacrées à la vie privée des héros, celles évoquant le combat politique ne sont pas toujours très bien jouées. C'est dommage, parce que le film ne manque pas d'allant, se concluant par une séquence contemporaine, dans laquelle on retrouve l'une des protagonistes, qui a survécu.
17:08 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Commentaires
J'ai adoré ce film sans réserve je crois.
Écrit par : Pascale | samedi, 05 février 2022
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