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samedi, 23 mars 2024

La Jeune fille et les paysans

   Ce long-métrage est l'adaptation d'un roman culte en Pologne, Les Paysans. L'action se déroule au XIXe siècle, en pleine campagne, dans un village où les inégalités sont grandes et où la possession de la terre est est perçue comme la véritable source de richesses.

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   L'héroïne est Jagna (Kamila Urzedowska, formidable), fille de paysans modestes... mais d'une beauté à couper le souffle. Elle approche de l'âge adulte, toujours célibataire... et pas très ardente aux travaux de la ferme. Dans le village, elle a beaucoup de prétendants : le charpentier, le forgeron, le fils du plus gros propriétaire de la région (pourtant déjà marié)... et l'on sent que le délicat fils de l'organiste n'est lui non plus pas insensible à son charme. Jagna sait qu'elle est l'objet de tous les regards. Elle croit qu'elle pourra choisir et donc qu'elle peut se laisser conter fleurette à sa guise. Le problème est que, dans le village, les langues de pute vipère se déchaînent et lui font une réputation de petite traînée. (Signalons que l'ensemble des comédiennes mérite l'éloge. Toutes sont convaincantes, dans la jalousie comme dans la cruauté.)

   L'image est de même texture que dans le précédent film du couple Welchman, La Passion Van Gogh. Les prises de vue réelles ont été passées à la moulinette de la rotoscopie et retravaillées, pour donner un résultat hybride, proche d'un film d'animation. (Quelques aspects du travail réalisé sur les images sont montrés au début du générique de fin.) Par rapport à La Passion, l'impression BD est moins prononcée. On se croirait plus dans des tableaux de Jean-François Millet. C'est donc assez joli à voir, avec quelques effets de mise en scène. J'ajoute que la musique et les chants sont beaux (sauf quand une jeune paysanne fait des vocalises en plein champ).

   L'intrigue est organisée en suivant le rythme des saisons, bien que l'action semble se dérouler sur plusieurs années. On commence avec l'automne, qui nous fait découvrir la vie du village et les questionnements de l'héroïne. Les saisons suivantes nous guident vers un mariage et l'exacerbation des conflits, à la fois au sein du village et entre les paysans et le seigneur du coin. L'été clôt l'histoire, de manière à la fois violente et épiphanique.

   En sous-texte, on sent la volonté de dénoncer une forme de patriarcat. Les pères de famille (âgés) dominent la vie rurale. Au-dessous d'eux se trouvent les hommes jeunes, avides de prendre leur place et n'hésitant pas à se défouler sur les femmes. Parmi celles-ci, les matrones, mariées ou veuves, jouissent d'une certaine influence, surtout si elles sont financièrement à l'abri du besoin. Les femmes les plus jeunes sont des proies, soit pour les veufs âgés, soit pour les fils qui veulent s'installer. Le fait qu'elles disposent d'une dot plus ou moins fournie contribue (ou pas) à les rendre plus précieuses...

   C'est assez captivant. En 1h50, il se passe beaucoup de choses et les comédiens sont vraiment bons. Je suis toutefois un peu dubitatif devant le côté reconstitution. La majorité des habitants du village est visiblement pauvre, mais les auteurs semblent avoir cédé au désir de faire un beau tableau d'époque (peut-être parce qu'ils ont été influencés par des œuvres picturales). Ainsi, un village aussi modeste peut-il permettre à un petit orchestre local de vivre de son art ? Ceci dit, la mise en scène des fêtes ne manque pas de souffle.

   Et puis, il y a cette séquence finale, au cours de laquelle une bande de gilets jaunes d'aigris, de jaloux et de ratés se déchaîne contre un personnage au comportement jugé scandaleux. Rien que pour la dénonciation de cette "émotion populaire", le fil mérite le détour.

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