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mercredi, 19 juin 2024

Heroico

   Au Mexique, le pouvoir s'appuie fortement sur l'armée pour lutter contre la délinquance en général, les cartels de la drogue en particulier. Les polices semblant soit trop sensibles à la corruption, soit trop vulnérables face aux organisations criminelles, l'institution militaire a vu son rôle s'accroître, au point d'être soupçonnée de constituer désormais un État dans l’État, avec ses dérives.

   Voilà pourquoi le cinéaste David Zonana s'est penché sur la formation des recrues (surnommées "poulains"), dans un complexe militaire coupé du reste du pays. On suit les premiers pas de plusieurs jeunes hommes, souvent d'origine modeste, l'un d'entre eux issu d'une famille indigène : certains dialogues (intra-familiaux, mais aussi entre un officier et l'une de ces recrues) ne sont pas en espagnol (peut-être en nahuatl, encore parlé par plusieurs millions de personnes).

   Pour beaucoup de ces recrues, l'admission dans l'armée représente une promotion sociale, une source de prestige (associé au port de l'uniforme), de respect... et un moyen d'améliorer le quotidien de leur famille : dès la période de formation, ils bénéficient d'une solde et de la mutuelle de l'armée. L'un des personnages en profite pour faire soigner correctement le diabète de sa mère.

   La contrepartie est de supporter la période extrêmement dure de formation : la vie en dortoir, l'entraînement physique, l'autoritarisme des supérieurs hiérarchiques... et les humiliations, imposées par certains sous-officiers, eux-mêmes passés par là auparavant. Un groupe se montre particulièrement cruel... et semble s'affranchir des règles en vigueur en dehors de la caserne. Poids du regard des autres, harcèlement et même sadisme sont au programme.

   C'est suffisamment bien mis en scène pour rappeler, par certains moments, la première partie de Full Metal Jacket (de Kubrick). C'est dire si c'est prenant. Mais il y a autre chose dans ce film. Aux scènes quasi documentaires s'ajoutent d'autres, fantasmagoriques. Je me demande si, dans une certaine mesure, le style pictural n'est pas sous l'influence de ce qu'on a appelé, notamment en littérature, le réalisme magique.

  Au départ, Luis Nuñez (le héros) est un agneau, mais un agneau tenace. Il est pris sous son aile par l'un des sous-officiers, pour des raisons que l'on met longtemps à comprendre (une partie est explicitée, l'autre demeure implicite... mais la scène de piscine, placée vers la fin, ne laisse guère de doute).

   Le titre, Heroico (« Héroïque »), est à double sens. D'un côté, il s'agit peut-être d'une antiphrase. L'héroïsme républicain, dont les apprentis soldats sont censés devenir les défenseurs, est une valeur affichée, mais bafouée par certains cadres de cette armée (où l'on a tendance à cacher sous le tapis la poussière gênante). D'un autre côté, le véritable héroïsme est celui dont Luis va devoir faire preuve, pour se sortir d'une situation difficile, avec dignité. Son personnage est confronté à plusieurs choix cornéliens.

   On se demande comment le cinéaste va conclure son histoire... et il le fait de fort belle manière. Je recommande vivement ce film coup de poing, 1h30 de tension sur un fond politique et social.

12:30 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

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