samedi, 06 juillet 2024
Le Moine et le fusil
Le fusil en question est une vieille pétoire, dont on se demande si elle peut encore fonctionner. Elle suscite l'intérêt d'un lama, qui envoie son protégé la chercher, à pieds, par monts et par vaux. Mais l'arme est aussi convoitée par un étrange duo, composé d'un guide bhoutanais, habitant la capitale, et d'un Américain, qui travaille pour le compte d'un mystérieux correspondant. La situation se complique plus encore quand des policiers mettent leur nez dans cette affaire...
Cette trame seule suffirait à construire une comédie burlesque. Elle acquiert une épaisseur supplémentaire avec l'organisation des premières élections au suffrage universel (l'action se déroule en 2007)... plus exactement l'organisation de deux élections, la première, "blanche", pour entraîner les sujets citoyens, le seconde, réelle, pour désigner des députés qui vont décider de l'orientation du nouveau gouvernement.
Voilà pourquoi des citadins éduqués quittent la capitale pour propager les bonnes pratiques dans les campagnes reculées. Le choc culturel est parfois grand, entre des agents gouvernementaux très occidentalisés et des ruraux qui, par l'intermédiaire d'une télévision collective, découvrent James Bond, une célèbre boisson gazeuse... et le principe du vote à bulletins secrets.
C'est donc souvent cocasse, même si ce n'est pas toujours très bien joué. On sent que les figurants, voire certains des comédiens principaux, ne sont pas des professionnels. Mais, derrière la caméra, se trouve Pawo Choyning Dorji, auquel on doit un précédent film inspirant, L’École du bout du monde (sorti en 2022).
Les paysages de montagnes sont toujours aussi beaux. Les scènes d'intérieur, souvent intimistes, mettent en valeur des "gens de peu" : une mère de famille préoccupée par les lubies de son époux, un retraité respectueux des traditions (et peu âpre au gain)... On a droit à de beaux portraits d'habitants ordinaires.
Notre regard est guidé par les pérégrinations du jeune moine, un costaud, pas très au fait du monde moderne, mais qui cherche à aider son prochain... tout en obéissant aux ordres de son lama.
En fait, les envoyés gouvernementaux font un peu figure de pièces rapportées. Ils ont des idées généreuses, mais sont-elles adaptées au mode de vie de ces ruraux ? L'introduction d'une campagne électorale crée des tensions qui n'existaient pas auparavant dans le village. L'arrivée du touriste américain, pour bien intentionné qu'il soit, pourrait aussi avoir de graves conséquences. Enfin, on ne sait pas trop ce que le lama a en tête. Il a programmé une grande cérémonie pour le jour de la pleine lune, en même temps que la procédure de vote, qui doit se dérouler presque au même endroit. L'homme viscéralement attaché aux traditions n'a-t-il pas un funeste projet en tête ? La réponse du cinéaste est délicieusement malicieuse.
J'ai beaucoup aimé la conclusion de son histoire, finalement très morale (tout en étant joyeuse). Elle nous permet aussi de découvrir quelle était l'intention du paysan occupé pendant presque tout le film à sculpter un petit tronc d'arbre...
15:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Commentaires
Bonjour Henri Golant, rien que pour la conclusion qui m'a échappé, il faudrait que je revois ce film qui m'a beaucoup plu. Bonne fin d'après-midi.
Écrit par : dasola | samedi, 06 juillet 2024
Répondre à ce commentaireJ'ai adoré cette conclusion et tout le chemin biscornu qui y mène.
Je n'ai pas ressenti l'approximation de l'interprétation même si le moine me paraît un peu benêt.
Et... j'ai creuser profond dans ma mémoire, je ne vois pas de quoi tu parles avec le petit tronc d'arbre...
En tout cas, le voyage est dépaysant et magnifique.
Écrit par : Pascale | dimanche, 07 juillet 2024
Répondre à ce commentaireLe tronc d'arbre, une fois sculpté, est, à l'origine, destiné à devenir une sorte d'ex-voto (indice : c'est un symbole de fertilité). Il devient le lot de consolation de l'Américain...
Écrit par : Henri G. | dimanche, 07 juillet 2024
J'ai creusÉ... évidemment.
Écrit par : Pascale | dimanche, 07 juillet 2024
Répondre à ce commentaireAh oui, beau specimen. Merci pour le rappel.
J'ai bien rigolé.
Écrit par : Pascale | dimanche, 07 juillet 2024
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