dimanche, 18 août 2024
City of Darkness
Cette "cité de l'obscurité" (au sens littéral comme au sens figuré) est un quartier de la mégapole hongkongaise. Celle-ci a la forme d'un petit archipel, la péninsule de Kowloon se trouvant sur la partie continentale, au sud de Shenzhen.
On y trouvait (jusqu'aux années 1990) un gigantesque bidonville, étalé (en hauteur) sur une quinzaine d'étages. Le contrôle de cette "citadelle" (et des trafics qui y prospéraient, en toute impunité) fut l'objet de la rivalité entre deux bandes, l'une finissant par triompher de l'autre, des années auparavant. Dans le même temps, un autre gang a mis la main sur le reste de la ville chinoise.
Deux trames historiques s'entremêlent donc dans ce film. A l'arrière-plan se trouve l'époque de lutte pour le contrôle de la citadelle, dans les années 1950. La majorité de l'action se déroule toutefois à la fin des années 1980, à une époque où l'on comprend que la présence britannique va tôt ou tard prendre fin. L'autonomie dont jouit la citadelle est du coup menacée.
Celle-ci est un véritable personnage de l'histoire, pas uniquement un (vertigineux) décor. C'est à la fois un labyrinthe (pour qui n'en connaît pas la géographie), un lieu de vie, de mort, de chaleur humaine... et une verrue urbaine, marquée par le manque de lumière naturelle et une grande insalubrité.
Soi Cheang (auquel on doit aussi le surestimé Limbo) réussit à rendre crédible sa reconstitution du quartier détruit. Il en tire très bien parti dans la construction de son film.
Mais ce n'est pas forcément cet aspect qui va marquer les spectateurs. A l'écran, on est surtout frappé par la virtuosité des scènes de combat, que ce soient les anciennes (se déroulant trente ans auparavant) ou les nouvelles (celles des années 1980). Des jeunes voyous aux chefs de triade, ça castagne sec. On résout ses problèmes à coups de poings, de pieds... éventuellement de couteaux. Ce n'est qu'à l'ultime fin que l'on voit débarquer des armes à feu, entre les mains de personnages montrés comme foncièrement déloyaux.
Dans ce monde en apparence sans foi ni loi, il existe pourtant des règles, dont va profiter un jeune réfugié (sans doute venu de Chine communiste). Il s'embrouille d'abord avec la triade de "Mr Big", avant d'atterrir dans la citadelle, "sécurisée" par les troupes de "Cyclone"... qui, étonnamment, va prendre le jeune homme sous son aile.
Pour celui qu'on surnomme dans un premier temps "crâne d’œuf", l'existence au sein du bidonville représente une renaissance. Il y recouvre ses forces, trouve du travail, réussissant à mettre de l'argent de côté... et se fait même des amis, le patron des voyous incarnant une figure paternelle de substitution. Tous ces aspects sont bien mis en scène, tout comme la description de la vie quotidienne des habitants de la citadelle, majoritairement commerçants et artisans (avec leurs employés, plus ou moins bien traités). Cela donne au film une épaisseur sociale inattendue.
Le passé finit par ressurgir et les bastons reprennent, encore plus sanglantes qu'au début. Certes, c'est remarquablement chorégraphié, filmé, monté... mais, au bout d'un moment, on tombe dans l'exagération, la vraisemblance ayant visiblement sombré dans les égouts de la cité. C'est un peu le retour de l'effet Chevaliers du Zodiaque, manga dans lequel, à de fréquentes reprises, les héros frôlaient la mort, se vidaient de leur sang, avant de finalement administrer une raclée au super-méchant qui semblait invincible auparavant.
Ceci dit, dans ce film-ci, les défauts sont nettement moins présents que dans Limbo. C'est plus rigoureux, plus riche aussi sur le plan scénaristique... et toujours splendide sur le plan visuel.
15:46 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Commentaires
J'ai vraiment aimé et été éblouie par les bastons chorégraphiées.
Par contre je ne comprends pas quand tu parles de scénario étoffé. Le sous texte social est vraiment anecdotique. Pour moi tout est concentré sur la forme, virtuose.
Et cette citadelle est une curiosité, une véritable forteresse. Et j'ai lu que les habitants y vivaient tranquillement malgré les conditions.de danger et d'insalubrité. Et cette absence de lumière !!!
Écrit par : Pascale | jeudi, 22 août 2024
Répondre à ce commentaireConcernant le scénario, j'aurais peut-être dû écrire qu'il était mieux maîtrisé (que celui de "Limbo"). J'ai bien aimé cette histoire associant d'un côté une ascension, de l'autre une vengeance issue du lointain passé, avec assez de rebondissements pour retenir l'attention sans toutefois "prendre la tête" des spectateurs.
Écrit par : Henri G. | vendredi, 23 août 2024
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