samedi, 23 novembre 2024
Gladiatornado
Le fantôme de Russell Crowe / Maximus plane au-dessus de cette (lointaine) suite tournée par Ridley Scott. L'acteur comme le personnage sont physiquement absents du film (pour une raison que celles et ceux qui ont vu Gladiator I connaissent), mais ils sont omniprésents dans l'ambiance et l'intrigue.
On ne met pas longtemps à comprendre qu'Hanno le Nord-Africain, taiseux comme Maximus, doué pour le combat comme Maximus, blessé au bras comme Maximus, ayant perdu sa femme comme Maximus, n'est pas que le remplaçant du héros du premier opus : il est aussi son fils biologique, celui qui a échappé au massacre commandé jadis par l'empereur Commode (qui ne l'était guère, comme me le souffle un collègue de travail espiègle).
Le problème est que Paul Mescal, chargé de succéder à R. Crowe, n'a guère de charisme et peine à exprimer la moindre émotion authentique. Les heures passées sur le banc de muscu ne suffisent pas. C'est, pour moi, clairement une erreur de casting.
Il se fait d'ailleurs voler la vedette par Denzel Washington, dans un rôle qui ne ressemble guère à ceux qu'on l'a vu récemment incarner... et ça fait du bien. L'un des rares intérêts de l'histoire est la narration de l'ascension de cet habile magouilleur, dont on ne sait jamais trop ce qu'il a réellement en tête. Par son action et son ambition, le personnage n'est pas si éloigné de ce que fut le véritable Macrinus, alors que la vie et le comportement des autres personnages historiques de l'intrigue sont la plupart du temps farfelus.
Dans le premier Gladiator, Scott et ses scénaristes avait déjà tordu la vérité historique, pour en faire un levier de tension dramatique. Ainsi, Claudius Pompeianus, qui a sans doute inspiré le personnage de Maximus, était bien un glorieux général romain et il a bien eu un enfant avec Lucilla, fille de Marc-Aurèle... qu'il avait épousée. Il ne fut pas gladiateur.
Dans cette suite abracadabrantesque, Lucilla est toujours en vie vers 200, alors que son frère Commode l'a fait assassiner des années auparavant. On n'est pas plus proche de la vérité historique avec les deux co-empereurs, deux demi-frères, Geta et Caracalla. La première erreur est de présenter le premier aîné du second (alors que c'était l'inverse). La deuxième est de les montrer gouverner en accord, alors que ce ne fut pas le cas.
Et puis il y a cette tendance sous-jacente, à systématiquement présenter les personnages homosexuels ou bisexuels comme des dépravés sans foi ni loi, ennemis du genre humain. Cela contraste vivement avec le camp du Bien, incarné par d'incontestables hétéros, mus par de beaux sentiments. (Je suis étonné que les professionnels de l'indignation sélective, si prompts à dénigrer le moindre supposé travers des hommes blancs, ne se soient pas insurgés contre la vision véhiculée par ce film.) Soit les auteurs (scénariste et réalisateur) sont pétris de préjugés, soit ils ont été trop dépendants de sources douteuses, qui caricaturent cette période de l'Empire romain.
Ceci dit, même si le scénario et la caractérisation des personnages ne sont pas terribles, les scènes d'action, les décors et les effets spéciaux sont réussis. On comprend où sont passés les 250 (300 ?) millions de dollars de la production.
J'ai aimé tout ce qui se passe au niveau du Colisée et des autres enceintes de combat, à la surface comme en sous-sol. Là, il y a du souffle, du rythme... même si, une fois de plus, les invraisemblances gâchent certaines scènes. Ainsi, l'introduction d'un rhinocéros, spectaculaire, n'est pas réaliste. C'est encore pire lors de la séquence de la naumachie. Il y en a bien eu quelques unes organisées au Colisée, mais pas avec des requins (qui auraient été bien en peine de nager dans une aussi faible profondeur d'eau). Les squales sont, comme les singes visibles au début de l'histoire, des créatures numériques, dont les évolution comme le comportement n'ont pas grand chose de naturel.
Je ne voudrais pas avoir l'air de m'acharner, mais je dois signaler une autre énormité, entendue lors de l'introduction de la naumachie. Le présentateur affirme qu'elle commémore la bataille de Salamine (en 480 avant JC), qui aurait vu s'affronter Troyens et Perses. Or, ce sont les Grecs, notamment athéniens, qui ont vaincu les Perses à cette occasion ! Qu'une telle boulette ait pu passer le filtre des vérifications/relectures est la preuve d'une grande négligence.
Bref, c'est techniquement réussi, mais, globalement, c'est du foutage de gueule.
14:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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