samedi, 31 mai 2025
La Venue de l'avenir
Le dernier film de Cédric Klapisch commence (et se termine) au musée de l'Orangerie, mais dans des circonstances très différentes. La séquence inaugurale nous présente un shooting, au cours duquel on croise l'un des protagonistes de cette improbable histoire familiale, Seb le photographe, incarné par Abraham Wapler (qui a des airs de François Civil).
Cette séquence fait intervenir des personnages assez antipathiques, pour lesquels le musée semble avoir été privatisé. Leur suffisance transparaît dans la manière dont ils considèrent l’œuvre du peintre impressionniste, qui sert de "fond d'écran" aux évolutions du mannequin. De manière très gentille, Klapisch met en scène la superficialité de ce petit monde, ainsi que la fragilité de la relation qui lie le photographe au mannequin. Le projet du cinéaste est une sorte de retour aux sources, dans tous les sens du terme.
Ce retour s'effectue par l'entremise d'un héritage, celui d'une maison délabrée de la campagne normande, dont une notaire a fini par retrouver tous les ayants droit, au nombre de... quarante. Ils descendent des trois enfants de la personne qui l'habita jadis, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Quatre d'entre eux (dont le jeune photographe) sont désignés pour explorer la demeure, avant qu'elle ne soit vendue (avec le terrain) pour permettre l'agrandissement d'une zone commerciale.
Autant la découverte du passé des occupants de la maison est passionnante, autant l'intrigue contemporaine, très "politiquement correcte", est peu palpitante. Chacun des quatre héritiers est un cliché ambulant : le vieux prof de français qui corrige ses copies dans le train, la cadre commerciale scotchée à son ordinateur portable, le photographe de mode rivé à son smartphone et aux réseaux sociaux... le pire étant atteint avec l'apiculteur altermondialiste, incarné, ô surprise, par Vincent Macaigne (qui fait du Macaigne... une fois de plus).
Cette trame contemporaine alterne avec des plongées dans le Paris de 1895. Là, cela devient intéressant, puisqu'on se demande comment certains objets découverts dans la maison normande (des photographies, un tableau) ont pu arriver là, et dans quelles circonstances.
Au début, l'esthétique du Paris de la Belle époque est un peu agaçante, chaque personnage semblant sortir de chez la costumière, avec des habits impeccables, quelle que soit la catégorie de population. Cela s'arrange par la suite.
Je fais partie des spectateurs qui aiment les reconstitutions historiques. Je suis donc client de cette vision d'un Paris en bord de campagne, sans tags ni déchets divers jonchant les trottoirs (qui d'ailleurs, la plupart du temps, n'existaient pas). La plongée dans l'univers des peintres et des photographes mérite vraiment le détour, même si certains aspects sont un peu schématiques ou convenus. (Par exemple, la mère comme la fille, à vingt ans d'intervalle, ont le cœur qui balance entre un peintre et un photographe).
En 1895, la jeune Normande Adèle est partie à Paris à la recherche de ses parents, qu'elle n'a jamais connus. Sur cette quête familiale, Klapisch et son scénariste Santiago Amigorena greffent un roman d'apprentissage, une histoire d'amour et... une intrigue artistique.
Les deux trames (celle du XXIe siècle et celle du XIXe) s'intercalent assez élégamment... et finissent par se croiser, au cours d'une séquence au départ totalement improbable... mais qui tient la route. Je ne dirai pas dans quelles circonstances, mais les héritiers finissent par se retrouver immergés dans le Paris des années 1870. C'est franchement cocasse.
Je trouve d'ailleurs que, globalement, l'humour sauve le film (qui, sinon, serait très plan-plan, trop gentillet). Klapisch a régulièrement inséré de petites touches qui pointent les ridicules de ses personnages (sans les dénigrer) ou de certaines situations. Cela donne de la saveur à cette histoire rocambolesque, qui, à défaut d'emballer, se suit sans déplaisir.
PS
A celles et ceux que l'ennui gagnerait, durant la projection, je recommande un petit jeu, celui de l'identification de tous les invités prestigieux qui font une apparition dans le film.
Celles et ceux qui sont mieux introduits dans le petit monde du Septième Art hexagnal s'amuseront à reconnaître les "fils et fille de" dont la distribution est parsemée... Cela nous vaut d'ailleurs une scène (ratée) à double sens, celle du grand restaurant parisien, au cours de laquelle l'héroïne Adèle (interprétée par Suzanne Lindon, fille de Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon) croise la route de Sarah Bernhardt, que la mère biologique de la comédienne vient d'incarner à l'écran.
Quelle belle et grande famille que celle du cinéma français !
10:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire, peinture, arts
Commentaires
Je te trouve un peu sévère même si globalement tu t'es laissé gagner par la "gentillesse".
Elle m'a gagné peu à peu également jusqu'à finalement me transporter dès lors que j'ai accepté que tout était trop beau pour être vrai. Du vrai cinéma donc.
Je trouve le quatuor de cousins plutôt bien campés avec leurs "stigmates" et surtout qu'ils évoluent bien. Les personnages évoluent peu dans les films je trouve. Même Suzanne fait un choix auquel je ne m'attendais pas. Je me demandais d'ailleurs lorsqu'elle était à Paris : mais qui a habité cette maison jusqu'en 44 ?
On ne connaît pas le sort du projet immobilier.
Suzanne fille de Lindon/Kiberlain.
Julia : fille de Charlotte de Turkheim.
Abraham : fils de Valérie Benguigui.
Paul : fils d'Irène Jacob et Jérôme Kircher.
Cela fait beaucoup de filles et fils de... Klapisch s'est presque excusé, disant que c'était pur hasard.
Selon moi Suzanne doit encore faire ses preuves et Paul... aussi mauvais de film en film.
Quant à Abraham... il est à suivre de près le garçon !
Écrit par : Pascale | samedi, 31 mai 2025
Répondre à ce commentaireSi Adèle a vingt ans en 1895, il y a de fortes chances que la maison ait été abandonnée à sa mort, donc en 1944, à près de 80 ans. Ce serait cohérent avec la dispersion des trois branches familiales (l'une s'étendant jusqu'en Afrique du Nord).
Concernant le carré d'as de cousins, je trouve les évolutions prévisibles : le prof de français est évidemment salué lors de son départ à la retraite, à l'occasion duquel il revoit enfin ses filles ; la commerciale devient moins pète-sec ; le photographe trouve le véritable amour (celle-là, on la sent venir à des kilomètres de pommiers)... et l'apiculteur a peut-être convaincu les cohéritiers de garder la propriété.
Quant à Suzanne Lindon, même si elle ne fait pas d'étincelle, elle campe plutôt bien, au début de l'histoire, une ingénue de la campagne qui découvre la capitale. Je pense que beaucoup de provinciaux pourront se reconnaître dans ce profil, même si les temps ont changé.
Écrit par : Henri G. | samedi, 31 mai 2025
Je voulais dire que je ne m'attendais pas à (SPOILER) ce qu'elle retourne en Normandie après Paris donc je me demandais qui avait occupé la maison... mais oui j'ai bien compris que c'était elle, avec son chéri abandonné avec qui elle a assuré la descendance.
Leur évolution est prévisible mais plaisante. Beaucoup de personnages n'évoluent pas dans les films.
Le visage de Suzanne est intemporel et convient bien au personnage mais je ne la trouve pas très expressive.
Écrit par : Pascale | dimanche, 01 juin 2025
Répondre à ce commentaireÉcrire un commentaire