Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 28 octobre 2015

Cela sent le roussi pour Dominique Reynié

   La parachutage du politologue aveyronnais continue de susciter la polémique... curieusement, principalement dans sa famille politique, l'ex-UMP. Sa désignation comme tête de liste aux prochaines élections régionales n'a toujours pas été encaissée par certains barons gaullistes de Midi-Languedoc, en particulier Jean-Pierre Grand, maire LR de Castelnau-le-Lez, dans l'Hérault. Il  a commencé par émettre des doutes sur l'éligibilité de Dominique Reynié, ce qui a conduit celui-ci à répondre en détail, jouant la transparence.

   Le problème est qu'en dévoilant sa position, le politologue a laissé davantage de prise à la critique, ce dont ne se sont pas privés deux journalistes de France 3 Midi-Pyrénées, qui ont soulevé un beau lièvre, celui de la date réelle de la signature du bail du candidat à Onet-le-Château (dans l'Aveyron).

   Là-dessus, Jean-Pierre Grand a décidé de mettre une deuxième couche, comme on a pu s'en apercevoir dans La Dépêche du Midi de ce mercredi (édition d'Auch) :

Grand LaDépêche 28 10 2015 b.jpg

   Un mystère demeure : comment Jean-Pierre Grand est-il entré en possession d'une lettre de l'avocat de son rival ? Si c'est légalement, cela veut dire qu'il bénéficie de soutiens haut-placés dans le parti de Nicolas Sarkozy. Sinon, il risque des poursuites. C'est d'ailleurs en ce sens qu'a réagi Dominique Reynié, qui vient de déposer plainte contre son rival.

   Mais ce n'est pas encore fini. Toujours cette semaine, on a appris que le politologue vient de se faire lâcher par sa directrice de campagne, qui pourrait même retirer sa candidature de la liste LR-UDI-Modem.

   Derrière tout cela, il y a d'abord une guerre des coqs à droite. La gauche gouvernementale souffrant d'une grande impopularité et Martin Malvy ne se représentant pas, nombre de roitelets LR (ex-UMP) se sont senti pousser des ailes. L'arrivée de Dominique Reynié a fait l'effet d'une douche froide. La surprise s'est transformée en colère quand il s'est agi de composer les listes départementales de candidats. (L'enjeu était bien entendu de désigner les plus compétents ou les plus dévoués à l'intérêt général...) Du côté gaulliste, on a accusé D. Reynié de faire un peu trop de place aux alliés de centre-droit.

   Du coup, certains, comme Jean-Pierre Grand, ont commencé à regarder ailleurs... du côté du maire de Montpellier, par exemple ! Dans cette campagne des régionales, Philippe Saurel aura gagné le surnom de "Recyclator", pour sa capacité à intégrer les aigris et has been de droite et de gauche partisans d'une autre approche politique. En Aveyron, il s'est adjoint les services de Régis Cailhol, conseiller régional socialiste sortant, mais pas reconduit sur la nouvelle liste PS-PRG. En Ariège, les "Citoyens du Midi" seront menés par l'ancien maire (socialiste) de Prayols et dans les Hautes-Pyrénées, c'est l'ancien maire UMP de Lourdes (de 2000 à 2014) qui tiendra la barre pour le compte de P. Saurel. (On pourrait continuer ainsi encore longtemps...)

   Du côté de certains membres de LR, on table visiblement sur une contreperformance de Dominique Reynié au soir du premier tour pour changer la tête de liste de droite pour le second. D'autres, comme Jean-Pierre Grand, pensent peut-être que le maire de Montpellier, soutenu par une partie de la droite, serait le meilleur candidat pour battre la liste conduite par le PS. Quant à Philippe Saurel, il se rêve sans doute en plus petit dénominateur commun à la gauche et à la droite républicaines pour battre une liste FN qui arriverait en tête au premier tour.

vendredi, 26 août 2011

La "Lettre aux Français" de Martine Aubry

   C'est en lisant mon "quotidien de référence" que j'en ai appris l'existence. Je suis allé la télécharger sur le site de Martine Aubry, et je l'ai lue, en entier. Voici ce qu'elle m'inspire.

   C'est d'abord une démarche qui s'inspire de l'action de François Mitterrand. En avril 1988, le président de la République sortant avait lancé la campagne pour sa réélection par une Lettre à tous les Français. Elle débutait par la formule suivante : "Je souhaite, par cette lettre, vous parler de la France." Celle de Martine Aubry porte en exergue la formule (mise entre guillemets) "Je veux vous parler de la France". La référence est donc explicite, même si la citation est approximative.

   A présent, passons au contenu. Le constat de départ (qui va servir de fil rouge au texte) est que, sous Nicolas Sarkozy (et peut-être déjà aussi sous le quinquennat de Jacques Chirac), la France a connu le déclin... qu'évidemment la candidate s'engage à combattre efficacement : "notre pays n'est pas voué au déclin". Elle se situe dans une perspective clairement de gauche : elle ne sera pas une candidate centriste... même si, on va le voir, cela mériterait nuances.

   Première surprise : très tôt, elle parle de l'agriculture. Est-ce lié à l'actualité au moment où le texte a été rédigé ? Toujours est-il que ce n'est pas habituel de la part d'une socialiste. Plus classiquement, elle dénonce l'aspect néolibéral de la mondialisation (ce que l'on appellerait le "laissez faire, laissez passer") et la casse des services publics. Suit un éloge de la France métissée et le rejet de la politique migratoire du gouvernement. Juste après figure la défense de la laïcité. Ouf ! (On pourrait ergoter sur la seule référence à la loi de 1905, alors que c'est dès les années 1880 -notamment dans l'éducation- qu'une politique laïque a été mise en oeuvre en France.)

   Après ce morceau de bravoure viennent des considérations internationales, placées sous la patronage de papa Delors. On pourra sourire à l'attaque contre Nicolas Sarkozy "ignorant les révolutions arabes". Si le gouvernement a bien été désarçonné par la chute de Ben Ali et de Moubarak, on peut porter à son crédit l'engagement contre Kadhafi (après bien des compromissions, ceci dit... et peut-être à cause d'elles, finalement...). Qu'auraient fait les socialistes dans la même situation ? Rappelons que nombre de dictateurs (déchus ou pas) ont été / sont membres de l'Internationale socialiste et que c'est bien tard que Martine Aubry a proposé d'y mettre bon ordre.

   Plus marquant est l'engagement de la socialiste de retirer les troupes françaises d'Afghanistan "avant la fin 2012". Cela pourrait faire l'objet d'un débat animé avec l'actuel président.

   Suivent des considérations écologistes, entre lutte contre le changement climatique et préservation de l'environnement.

   La majeure partie de ce passage international est logiquement consacrée à l'Union européenne. Martine Aubry y fait des propositions intéressantes... que, même élue, elle ne pourrait mettre en pratique sans l'accord de ses partenaires européens. Et, si jamais les proches d'Angela Merkel lisent ce texte, ils pourraient s'offusquer que, dans le cadre du couple franco-allemand, la socialiste française ne cite que le SPD, c'est-à-dire l'opposition au gouvernement de Berlin... Au final, il m'a tout de même semblé retrouver des idées défendues naguère par Jean-Pierre Chevènement (sur un premier cercle de pays plus soudés au sein de l'Union, notamment).

   Une nouvelle rafale (nan, pas l'avion !) anti-gouvernementale est lancée à propos du budget et de la fiscalité. Martine Aubry rappelle avec justesse qu'elle a exercé des fonctions dans le cadre d'équipes qui ont plutôt fait preuve de bonnes qualités gestionnaires. C'est l'un des non-dits de la politique française : il arrive que la gauche gère mieux que la droite. Dans ce domaine, les personnes comptent parfois plus que les a priori idéologiques. Le 12 août dernier, Le Monde pouvait ainsi, à l'aide d'un graphique, montrer que, depuis 1980, ce sont des exécutifs de droite qui ont le plus creusé la dette :

politique,actualité,socialiste,2012,aubry

   Quand on y réfléchit, c'est assez logique. Pour augmenter les ressources de l'Etat, la gauche a tendance à augmenter les impôts les plus redistributifs (l'I.R., la CSG), ce qui, dans un budget, permet d'équilibrer les comptes, à condition que les dépenses ne dérapent pas. A droite, on choisit en général de taxer la consommation et de recourir à l'emprunt, tout en baissant l'impôt sur le revenu. Les méchantes langues diront que c'est pour favoriser les plus riches, qui, tout en payant moins d'impôts directs, souscrivent aux emprunts qui leur font de surcroît gagner de l'argent !

   Des socialistes (si jamais ils reviennent au pouvoir, ce qui n'est pas gagné), j'attends qu'enfin ils taxent les revenus du capital autant (voire plus...) que ceux du travail. Martine Aubry s'y engage. Le PS a-t-il réellement la volonté de le faire ?

   Les paragraphes suivants contiennent deux informations importantes pour ceux qui ont pris la peine de lire. La première est que la réforme des retraites du gouvernement Fillon ne sera pas annulée par les socialistes. Voici ce qui est proposé : "le rétablissement du droit à prendre sa retraite à 60 ans, et à taux plein pour ceux qui ont commencé à travailler tôt ou exercé des emplois pénibles, avec un financement des régimes de retraite élargi aux revenus du capital et faisant contribuer les banques". On envisage d'atténuer les aspects les plus inégalitaires de la réforme, mais on a bien pris conscience que le vieillissement de la population française ne permet pas de revenir à la situation antérieure... si l'on veut garder un système par répartition. (Fort heureusement, les péripéties boursières de ces dernières années ont fait disparaître -provisoirement ?- toute référence à des "fonds de pension à la française".)

   L'histoire des fonds de pension nous ramène au gouvernment Jospin (et au -peu- regretté DSK)... tout comme la seconde information du passage : le retour des emplois-jeunes. Bon, d'accord, ça ne s'appelle pas comme cela, mais ces 300 000 "emplois d'avenir" ont comme un goût de déjà vu. J'en ai connus, qui se sont servis de cette opportunité pour ensuite rebondir et décrocher un boulot fixe. Mais peut-on généraliser ? Difficile de se prononcer sereinement, faute d'une étude exhaustive sur le devenir des emplois jeunes de l'époque Jospin. (Du dossier -parcellaire- de la DARES, on peut conclure que le dispositif a contribué à fortement réduire le chômage des jeunes... en les insérant dans le secteur public ou para-public, en majorité.) Les libéraux se rassureront (comme ils pourront) en se disant que c'est toujours mieux que la création d'emplois de fonctionnaires... sauf que c'est envisagé par Martine Aubry : dans l'enseignement, la justice... et la police.

   La maire de Lille annonce une (énième) grande réforme de l'éducation. On verra. Je vois quand même d'un oeil positif la volonté affichée de renforcer la maîtrise des fondamentaux dans le primaire (objectif qui serait aussi celui des derniers gouvernements UMP). Le problème est qu'en vingt ans, le niveau semble avoir fortement baissé en primaire, d'après une note d'information du ministère de l'Education nationale. Y a du boulot !

   Le positionnement de l'éventuelle candidate socialiste quant aux problèmes de sécurité est aussi intéressant. Outre le recrutement de policiers et gendarmes, elle annonce une politique qui, si elle puise un peu dans l'héritage jospinien (la "police des quartiers" envisagée n'est pas sans rappeler feue la police de proximité, tant décriée par la droite... qui a fini par s'en inspirer), semble s'éloigner de l'angélisme habituel de la gauche... qui a peut-être coûté cher à l'ancien Premier ministre le 21 avril 2002.

   En fin de texte, c'est le retour des considérations générales. La volonté d'organiser de grands débats de société est louable, mais le travail d'un gouvernement est d'abord d'agir, de trancher. A trop discuter on ne fait plus grand chose. L'actuel président incarne ce volontarisme de l'action (pas forcément pour le meilleur). Les socialistes, même s'ils sont en désaccord sur les mesures de fond, devraient s'inspirer de la méthode.

   Une des dernières mesures proposées a attiré mon attention. Dans le cadre d'une "République exemplaire" (ça ne vous rappelle rien ?), Martine Aubry annonce (si elle est élue) la fin du cumul des mandats pour les députés et les sénateurs. J'applaudis des deux mains, mais j'attends de voir ! Tant au niveau de l'exemplarité du comportement des politiques qu'au niveau des cumuls divers et variés, l'histoire montre que les socialistes, radicaux et communistes ne sont pas forcément plus exemplaires que leurs rivaux du centre-droit et de droite... Le plus difficile sera de faire voter une loi, par les députés et les sénateurs.

   Finalement, cette primaire socialiste pourrait être intéressante !