lundi, 02 mai 2011
Moi, Michel G, milliardaire, maître du monde
Sous la forme d'un documentaire (à l'image bien léchée), cette fiction nous propose le film qui ne se fera sans doute jamais, celui de la vie d'un "grand patron" dynamique, filmée au quotidien par un réalisateur de gauche sans concession.
Ce chef d'entreprise, remarquablement interprété par François-Xavier Demaison (déjà remarqué pour sa performance dans C'est l'histoire d'un mec), a des airs de Bernard Tapie (pour le côté vulgaire et sans état d'âme) et de Jean-Marie Messier (avec une pincée de Vincent Bolloré) : l'acteur a réussi à prendre certains de leurs tics d'expression, notamment lors de la séquence de l'entrevue du journal télévisé. Demaison fait croire à son personnage, le défend par sa manière de jouer : ce n'est pas un portrait exclusivement à charge, même si l'on sort de là avec une bien piètre opinion des "patrons voyous".
Le réalisateur a aussi donné leur chance aux autres personnages "négatifs", les grands fauves du petit monde politico-économique français. On peut même s'amuser à essayer de mettre des noms sur les visages : Guy Bedos campe sans doute un mélange de l'ancien PDG de la Générale des Eaux, Guy Dejouany, et de Claude Bébéar, ex-PDG d'AXA. L'inévitable Alain Minc se cache derrière l'un des acteurs etc.
J'ai bien aimé le personnage de l'épouse sans complexe du héros. Le portrait qui est fait d'elle est très acide mais, là encore, l'actrice (Laurence Arne, efficace) a eu la possibilité de lui donner un peu d'épaisseur.
Face à cette brochette de requins on trouve le documentariste "engagé", Joseph Klein, alias sans doute Pierre Carles. C'est notamment perceptible dans les séquences où le cinéaste est filmé au téléphone, une marque de fabrique du style Pierre Carles. Le début du film est particulièrement évocateur : Klein réussit finalement à obtenir l'accord de Ganiant-Demaison (eh oui, le héros s'appelle Ganiant !), ce à quoi Pierre Carles n'est pas arrivé avec Tapie dans Fin de concession.
On ne nous cache pas le risque de connivence, d'autant plus que l'homme au centre du documentaire joue sur la proximité, la familiarité et s'appuie sur ses supposées failles (il a un petit côté Sarkozy finalement). Le réalisateur se paie même le luxe de faire parfois passer son documentariste redresseur de torts pour un petit goujat.
Mais c'est d'abord et surtout une comédie. Et on rigole ! L'humour réside dans les dialogues, ciselés, et dans le comique de situation. Le patron est souvent mis devant ses contradictions, entre ce qu'il dit et ce qu'il fait. Il proclame aussi sans honte quelques énormités (qui ont choqué une partie du public -sans doute de gauche - de la salle où je me trouvais), avec un cynisme fort réjouissant. Enfin, il y a les animations, limite infographies, dont le réalisateur émaille les séquences. Certaines transforment quasiment le "héros" en personnage de manga (genre Le Collège fou fou fou... enfin, pas tout à fait quand même). Une est particulièrement réussie, qui voit s'afficher à l'écran les liens qui unissent plus ou moins secrètement les invités d'une réunion mondaine où l'on vient causer pognon.
Cerise sur le gâteau : le scénario fait oeuvre de pédagogie sur les arcanes du gouvernement d'actionnaires.
C'est peut-être le meilleur film français sorti récemment et il ne bénéficie hélas pas de la diffusion qu'il mérite...
22:04 Publié dans Cinéma, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma, politique
Les commentaires sont fermés.