mercredi, 27 février 2013
5 caméras brisées
Ce documentaire (israélo)palestinien est autobiographique. Son auteur, Emad Burnat, n'est pas cinéaste de formation. Ni journaliste. Il est devenu les deux pour défendre la terre de son village, Bil'in, situé dans l'ouest de la Cisjordanie, pas très loin de Ramallah :
Vous aurez remarqué qu'il est très proche de la frontière avec Israël... dont le tracé suscite maintes polémiques, d'autant plus que les gouvernements israéliens laissent (ou poussent à) s'installer des colons au-delà de cette limite... et qu'ils ont lancé la construction d'un mur englobant des terres appartenant aux villageois palestiniens des environs :
Cela se voit mieux sur une image extraite de GoogleEarth :
En rouge est soulignée la frontière de 1949-1967. En noir est souligné le tracé originel de la "barrière de séparation" (tantôt une clôture, tantôt un mur). Voici ce que cela donne au niveau du village de Bil'in :
Les cinq caméras brisées sont celles d'Emad Burnat. D'une manière ou d'une autre, c'est l'armée israélienne qui est responsable de leur endommagement. Le film raconte les circonstances dans lesquelles ce jeune paysan va devenir l'un des fers-de-lance de la lutte contre la construction de la barrière et la spoliation des terres du village.
Bien que de mauvaise qualité visuelle (c'est de la vidéo bas de gamme), le film est intéressant par ce qu'il veut montrer... mais aussi par ce qu'il laisse à voir, involontairement.
Cela n'apporte rien de nouveau pour qui suit l'actualité du Proche-Orient, mais, pour les ignorants, c'est une bonne description des inconvénients de la présence israélienne pour les Palestiniens de la frontière. Les héros du film ont choisi la lutte non-violente. Dans le groupe se distingue une grande gueule démonstrative, véritable bête de scène, qui ferait presque sourire les soldats de Tsahal. Il y a aussi "el-fil" (l'éléphant), qui sait enthousiasmer les enfants. Et il y a le réalisateur, qui va payer de sa personne... et frôler la mort à plusieurs reprises.
Le ton du commentaire se veut neutre. Mais il est trop monotone à force de vouloir éviter l'indignation.
Sur la forme, on est quand même étonné que l'armée israélienne, dont l'action est parfois plus que contestable, accepte une telle proximité des médias, dans ce village. Dans bien peu de pays du monde des quidams seraient autorisés à filmer d'aussi près des situations aussi tendues.
On s'aperçoit aussi que les personnes mises en valeur (ou qui ont accepté d'être filmées) appartiennent plutôt à la (petite) classe moyenne. Soyez attentifs aux voitures présentes dans le village. L'intérieur de la maison du héros est par ailleurs assez coquet.
Les partis politiques traditionnels sont eux soigneusement tenus à l'écart, même si tous finissent par venir faire leur petit tour dans le village, sans doute en quête de popularité... ou de voix.
On note aussi une différence très grande entre les hommes, omniprésents dans la rue, habillés à l'occidentale (certains gamins palestiniens portent même un T-shirt avec une inscription en hébreu !), et les femmes, le plus souvent confinées à l'intérieur... et toutes voilées.
En dépit de ses maladresses, le film a été nommé aux Oscar 2013, dans la catégorie documentaire. (Il n'a pas été primé.) Sur le site de l'Académie, on peut lire les réponses d'Emad Burnat au questionnaire des nominés. Il a toutefois failli ne pas pouvoir assister à la cérémonie, ayant été retenu à la douane de Los Angeles. (En complément, on peut lire le récit du co-réalisateur israélien.)
P.S.
Si vous avez observé attentivement la dernière illustration, vous avez noté la présence d'un second tracé, en pointillés. Son explication est à chercher dans le film.
23:32 Publié dans Cinéma, Politique étrangère, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
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