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samedi, 16 mars 2013

Gruiiiik !

   C'est l'une des polémiques qui agitent l'Aveyron depuis la fin de l'année 2012 : l'extension programmée d'une porcherie située dans l'ouest du département, sur le territoire de la commune de Causse-et-Diège (en rouge sur la carte) :

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   En dépit d'une opposition importante, des risques encourus sur le plan environnemental (et touristique), la préfète de l'Aveyron vient d'autoriser ladite extension, suivant en cela le récent avis du CODERST (Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Technologiques) aveyronnais.

   Cette affaire nous amène à nous interroger à plusieurs niveaux : sur le type d'élevage pratiqué, sur les rejets de nitrates, sur le rôle des pouvoirs publics et enfin sur le positionnement de l'entreprise Nutergia.

   Commençons par le type d'élevage. Le GAEC de Cassan compte, avant l'extension, un peu moins de 1200 bêtes. (Il en passe beaucoup plus durant une année mais, en moyenne, c'est l'effectif que doit compter l'exploitation.) Le premier projet prévoyait de faire passer ce nombre à près de 3 000. Il devrait finalement se limiter à 1956 bêtes. Le nombre paraît important au profane. La revue professionnelle GraphAgri (dans son édition 2012) va nous permettre de resituer cette exploitation dans le contexte français :

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   L'exploitation porcine se situe dans le "haut du panier" : les 21 % comptant le plus de têtes, cumulant 79 % du cheptel porcin français. Et encore... si le projet initial avait abouti, elle aurait rejoint le club des "2 000 et plus", 9 % des exploitations qui regroupent à elles seules... la moitié du cheptel porcin national. Je pense d'ailleurs que c'est dans cette catégorie qu'il faudra malgré tout classer l'exploitation aveyronnaise agrandie : ponctuellement, il est certain que les 1956 têtes vont devenir 2 000 voire 2 100. Qui va venir perdre des heures à compter l'ensemble ? Ce projet n'est donc pas l'illustration de la défense de la petite ou moyenne agriculture familiale. Il constitue un renforcement des structures dominantes.

   Passons à présent aux rejets de nitrates. C'est la grande crainte des riverains, pour leur santé... et pour la préservation d'un important site touristique local : la grotte de Foissac. (La commune est coloriée en vert sur la première carte.) Ceci dit, à l'heure actuelle, la qualité des eaux aveyronnaises ferait bien des envieux du côté de la Bretagne (où l'élevage porcin industriel est particulièrement développé) :

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    L'écrasante majorité du territoire connaît des taux de nitrates inférieurs à 50 mg/l. On peut considérer toutefois que, dans les zones où ce taux est compris entre 25 et 40 mg, localement, des situations problématiques peuvent se poser. (Rappelons que, pour les nourrissons, il est recommandé d'utiliser une eau contenant moins de 10 mg/l.) C'est le cas de la zone que j'ai entourée en marron, accompagnée d'un point d'interrogation. Il s'agit de la commune de Salles-Courbatiès, qui voisine Causse-et-Diège (mise en évidence par des pointillés rouges). La pollution aux nitrates (ponctuelle) dont cette commune semble être victime ne doit pas toucher ses voisines situées au nord-ouest : elle est sans doute (en partie) emportée par les cours d'eau qui se dirigent au nord, vers le Lot.

   Mais la grotte de Foissac (située ci-dessous dans la zone cerclée de vert) pourrait être menacée par les épandages supplémentaires de lisier, prévus sur des centaines d'hectares autour du GAEC de Causse-et-Diège, situé au lieu-dit Cassanus :

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   Il faut dire que, si l'élevage une fois étendu est censé n'héberger qu'environ 2 000 bêtes, c'est un total de 8 000 qu'il est prévu de faire défiler sur l'exploitation en une année ! Pluies, crues et infiltrations contribuent à mêler le nitrate aux eaux souterraines, qui s'en retrouvent acidifées. A la suite du gestionnaire de la grotte, Sébastien du Fayet de La Tour, la revue Sciences et Avenir et le site hominidés.com (parmi d'autres) ont émis de vives inquiétudes quant au devenir des peintures rupestres (récemment découvertes) et des squelettes vieux de milliers d'années. Le nouveau plan d'épandage (plus restreint) et l'augmentation du nombre de têtes moins importante que prévu suffiront-ils à préserver le site ? A suivre...

   Dans cette affaire, quel a été le rôle des pouvoirs publics ? Il est difficile de le dire avec exactitude. Le Conseil général a été d'une discrétion de violette. Traditionnellement, la majorité départementale est très proche de la direction de la FDSEA. Mais il semble que, sur ce sujet, le bloc se soit fissuré. On a même pu lire, dans Centre Presse (mercredi 13 mars), une tribune de Jean Milesi hostile au projet d'agrandissement : "Pourquoi j'ai voté contre le projet d'extension de la porcherie de Causse et Diège".

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  Il est possible qu'une action discrète ait été engagée, pour inciter l'exploitant à "réduire la voilure", pour faire passer son projet.

   De son côté, la préfecture a été attentiste puis suiviste. Il faut dire que la préfète ne connaît pas grand chose à ce type de dossier. Chartiste de formation, ambassadrice avant d'arriver dans l'Aveyron, elle doit sans doute s'en remettre aux fonctionnaires spécialisés... voire aux bons conseils de politiques qu'elle croise fréquemment. Au vu de la composition du CODERST, représentants de la Préfecture et de la majorité départementale peuvent facilement verrouiller un dossier. La nouvelle de l'approbation du projet d'extension n'était donc pas une surprise... sauf peut-être pour le rédacteur en chef du Villefranchois (Michel Heuillet), qui, dans l'édition du 28 février, s'était un peu trop avancé :

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   Il nous reste à aborder le rôle de l'entreprise Nutergia, dont le laboratoire se trouve à Capdenac-Gare (coloriée en bleu sur la première carte du billet). Le directeur, Antoine Lagarde, prévoyait de s'implanter sur la commune voisine... Causse-et-Diège. A terme, il déclarait envisager la création d'une trentaine d'emplois dans le département. Le projet d'extension de la porcherie avait tout pour lui déplaire, puisque son laboratoire communique sur son respect de l'environnement :

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   Furieux, il a même menacé un temps de délocaliser son activité... avant d'adopter une tactique plus offensive : il a proposé d'aider l'éleveur porcin à convertir son exploitation à l'agriculture biologique ! Ces coups de théâtre appellent plusieurs remarques. Tout d'abord, il est sidérant que les protestations d'un entrepreneur dynamique, créateur d'emplois, n'aient visiblement pas été considérées par les autorités locales. C'est dire aussi la puissance du lobby qui soutenait l'extension de la porcherie industrielle. Quant au projet de conversion au bio, je ne sais pas s'il tenait vraiment la route. Et puis, pouvait-on ainsi forcer la main à une famille d'exploitants ?

   Cette histoire ne me semble pas terminée pour autant. La décision de la préfecture est peut-être attaquable devant un tribunal administratif. Les opposants au projet d'extension auront-ils les moyens juridiques et financiers de continuer leur action ?

Commentaires

Je répare deux oublis notables.

Je me dois d'abord de signaler qu'une journaliste du "Monde", Catherine Vincent, a récemment consacré un billet à l'affaire aveyronnaise, sur son blog :

http://animaux.blog.lemonde.fr/2013/03/04/porcherie-pollution-et-grotte-prehistorique/comment-page-1/#comments

Des opposants au projet d'extension de la porcherie ont ouvert un blog :

http://caussedurable.blogspot.fr/

Écrit par : Henri Golant | mardi, 19 mars 2013

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