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vendredi, 27 décembre 2013

Tel père, tel fils

   Le réalisateur Hirokazu Kore-eda aime travailler la "pâte humaine" et mettre en scène les tourments intérieurs de ses personnages. Il sait aussi filmer les enfants et les insérer dans une intrigue complexe, comme il l'a prouvé jadis avec le superbe Nobody knows.

   Ici, il est question d'un échange de bébés, qui s'est produit six ans auparavant à la maternité. (Ce n'est pas du tout invraisemblable. C'est plutôt la fiction qui rejoint la réalité.) Cela pourrait donner naissance à une comédie graveleuse, mais c'est le mélodrame qu'a choisi le réalisateur. En même temps, il esquisse un portrait des inégalités sociales au Japon.

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   A ma gauche se trouvent les Nonomiya. C'est un couple de la grande bourgeoisie, qui n'a qu'un enfant, Keita, que son père trouve trop calme, pas assez entreprenant et, pour tout dire, pas génial du tout. Lui, le papa, est un jeune et brillant architecte, issu d'une "bonne famille". Son épouse, d'origine plus modeste, a cessé son activité professionnelle pour s'occuper de l'éducation du fils. Ensemble, ils habitent un splendide appartement, à propos duquel plusieurs des protagonistes (notamment la belle-mère et le second papa) n'hésitent pas à dire que "l'on se croirait à l'hôtel" !

   A ma droite se trouvent les Saiki. Le père vivote dans une supérette de quartier, tandis que son épouse travaille dans la restauration rapide. On sent qu'ils tirent un peu le diable par la queue... d'autant plus qu'ils ont non pas un mais trois enfants, plus le grand-père à nourrir. Autant dire qu'à la maison, l'ambiance est beaucoup moins calme !

   On note aussi le contraste dans l'éducation des enfants. Keita suit des cours de piano, va être inscrit dans une école privée très sélective (au prix de quelques mensonges...) et doit prendre son bain tout seul, dans une grande baignoire. Ryusei est plus sportif, plus remuant et passionné de jeux vidéo. Dès son plus jeune âge, il a été habitué aux bains familiaux (collectifs), dans une baignoire étroite.

   Si le choc des cultures nous réserve quelques moments de comédie, le film s'attache plus aux sentiments qu'éprouvent les adultes pour les enfants... et vice versa. Qu'est-ce qui est le plus important ? Le sang, qui fait que le fils finira tôt ou tard par ressembler à ses parents biologiques (et à se détacher des autres) ou les six ans d'éducation et d'amour, qui ont déjà façonné la personnalité des gamins ?

   Les garçons se retrouvent ballottés entre ces deux familles, qui peinent à trouver un accord. L'histoire se concentre davantage sur le couple aisé. L'épouse n'ose dire franchement ce qu'elle éprouve, alors que son mari est finalement très hésitant, subissant encore à son âge les contrecoups de la séparation de ses propres parents.

   C'est très finement mis en scène, sur une musique douce, principalement celle de Bach. Les cinéphiles qui ont l'oreille fine reconnaîtront certains des morceaux qui ont servi d'habillage musical à l'adaptation de Stupeur et tremblements, par Alain Corneau, en 2003. La différence est que dans ce film-ci, ils sont joués au clavecin, alors que dans Tel père, tel fils, ils sont joués au piano.

   Quelques scènes sont particulièrement marquantes, comme le départ des Nonomiya de chez les Saiki, après qu'ils leur ont laissé Keita pour le week-end. Puissante est la séquence autour du concours de piano, drôle et tragique à la fois. Enfin, très émouvant est le moment où l'un des personnages découvre des photographies inconnues, dans la mémoire d'un appareil numérique. Elles font basculer l'intrigue.

   Je me dois de ne pas dissimuler le principal défaut du ce film : sa lenteur. Deux heures, c'est long, surtout quand le réalisateur prend le temps de dérouler toute la pelote des sentiments. On aurait pu pratiquer quelques coupes.

Commentaires

Bonjour
J'apprécie votre commentaire sur ce film, que j'ai vu et beaucoup aimé.
La musique de BACH y est très belle
J'ai eu, dans le générique, le temps de voir "Variations Goldberg". Savez vous quelles sont les autres oeuvres de Bach jouées dans ce film ?
D'avance merci
Henri MARTIN

Écrit par : MARTIN Henri | dimanche, 05 janvier 2014

J'avais moi aussi reconnu les variations Goldberg, déjà présentes dans la bande originale de "Stupeur et tremblements".

Un autre air célèbre figure au générique : un extrait de l'allegro du 21e concerto pour piano de Mozart :

http://www.youtube.com/watch?v=i2uYb6bMKyI

(Il faut écouter 4-5 minutes après le début.)

Ce morceau n'est pas inconnu aux oreilles des Français, puisqu'il a servi de générique à une émission (intelligente) pour enfants, "Mes mains ont la parole" :

http://www.youtube.com/watch?v=xQn5AODi98M

Quant au concerto de Mozart, il est surtout connu pour son andante (la deuxième partie), jadis utilisé par Macha Béranger pour son émission, diffusée naguère très tard, la nuit, sur France Inter.

http://archivesradios.free.fr/macha_beranger.htm

Il me semble que la musique additionnelle soit d'un compositeur japonais, Nishikawa Ikuko. Un CD est sorti au Japon, mais pas en France malheureusement. On peut en écouter des extraits sur des sites nippons :

http://www.cdjapan.co.jp/detailview.html?KEY=SICP-3872

http://www.neowing.co.jp/track_for_cdj.html?KEY=SICP-3872

Écrit par : Henri Golant | dimanche, 05 janvier 2014

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