vendredi, 31 janvier 2014
Le Vent se lève
Pour le public cinéphile français, ce titre évoque un film de Ken Loach consacré à la guerre d'indépendance irlandaise. C'était une traduction approximative du titre d'origine. Ici, le Japonais Miyazaki fait explicitement référence à la fin d'un poème de Paul Valéry.
De manière générale, l'ambiance culturelle de l'histoire est assez cosmopolite, puisque le héros japonais (qui va mettre au point le chasseur Zéro de sinistre mémoire en Asie du Sud-Est et en Océanie) admire un inventeur italien, alors que les industriels japonais de l'Entre-deux-guerres cherchent à imiter les succès allemands. Cela nous vaut plusieurs séquences en Allemagne, avant et après la prise de pouvoir par Hitler. Sans que ce soit trop explicite, on sent tout de même que le héros est inquiet de la montée de l'intolérance et de la violence.
C'est le paradoxe de cette histoire : un jeune ingénieur talentueux et pacifiste va contribuer à faire de l'armée japonaise (ici la marine) l'une des plus efficaces machines de guerre de l'époque.
A cette trame se superposent deux fils conducteurs : la passion pour la technologie et l'amour naissant entre le héros et la fragile Naoko. A l'image d'autres auteurs de mangas japonais, Miyazaki tient en très haute estime les concepteurs et les inventeurs. Dans ce film, le héros est présenté comme un artiste dans son genre. Le dessin est au service de ce projet. On retrouve la "patte" Miyazaki dans la fluidité des mouvements et le souci du détail. La virtuosité est plus rare. Elle est perceptible dans la mise en scène du travail de l'ingénieur, en particulier lorsqu'on nous le montre en train de dessiner. Je n'avais jamais vu auparavant une animation capable de rendre aussi bien compte des mouvements du bras et de la main.
Par contre, l'histoire d'amour m'a beaucoup moins accroché. Elle est trop mélancolique à mon goût. On sent un peu trop souvent le poids de la fatalité. Cela n'empêche pas certaines scènes d'être enjouées, mais cette apologie des petits riens du quotidien amoureux manque de relief. (J'en profite pour préciser que ce n'est absolument pas un film pour les petits. Dans la salle où je l'ai vu, des parents inconscients - ou égoïstes - avaient emmené des marmots de 5-6 ans... qui ont vite décroché. Ceux âgés d'une dizaine d'années sont restés attentifs.)
Pour moi, ce n'est pas le meilleur Miyazaki. Il lui manque le souffle de Nausicaä, de Princesse Mononoké, du Voyage de Chihiro, qui sont d'authentiques chefs-d’œuvre. Mais cela se laisse regarder sans déplaisir.
P.S.
Je pense que Miyazaki est conscient d'avoir réalisé un film qui n'est pas à la hauteur de ses plus grandes réussites. Il le dit même indirectement dans Le Vent se lève, par l'intermédiaire de Gianni Caproni (l'ingénieur italien). Le mentor du héros affirme à celui-ci qu'il faut pleinement tirer profit de sa période la plus créative, censée durer dix ans. Je pense qu'à travers l'ingénieur, Miyazaki parle de lui en tant qu'auteur de films d'animation. (Ce serait la période 1992-2001, qui a vu la création de Porco Rosso, Princesse Mononoké et Le Voyage de Chihiro... On pourrait prolonger jusqu'à 2004 et la sortie du Château ambulant.)
19:10 Publié dans Cinéma, Histoire, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
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