vendredi, 26 janvier 2018
Les Heures sombres
Décidément, ces dernières années, nos amis anglo-saxons ne cessent de se passionner pour les deux dirigeants britanniques qui ont joué un rôle majeur au début des années 1940, à savoir Winston Churchill et George VI. Celui-ci tint le premier rôle dans Le Discours d'un roi, quand celui-là fut à l'affiche de Churchill. Même si Gary Oldman et Ben Mendelsohn ne font pas oublier ceux qui les ont précédés, ils "assurent" très correctement.
Le premier problème est l'impression de déjà-vu qui se dégage de nombreuses scènes. Que ce soit le Churchill intime, sa relation avec sa secrétaire ou le bégaiement de George VI, à de nombreuses occasions, ce ne sont pas les images de ce film qui s'imposent à l'esprit, mais celles d'autres oeuvres.
Pourtant, je dois reconnaître qu'il y a des efforts de mise en scène. Du (presque) Premier ministre allumant son cigare dans le noir au ballet des doigts de sa secrétaire répondant aux ébauches de discours du même, on est agréablement surpris, et à plusieurs reprises, par certains effets. J'ai aussi en mémoire le moment où la porte de l'une des salles du bunker souterrain se referme sur Churchill, ne laissant voir que son visage dans la petite lucarne, comme s'il était prisonnier.
Ce film a au moins le mérite d'apprendre au public non spécialiste (et de rappeler à ceux qui l'auraient oublié) que le courant pacifiste (celui de l'apaisement) fut très influent au Royaume-Uni et que même Churchill douta parfois de la marche à suivre. Cependant, c'est mis en en scène de manière excessivement mélodramatique : le personnage de Churchill, presque seul contre tous est plongé dans le doute, à un point où il semble prêt de basculer, avant de repartir à la conquête de l'opinion. De la même manière, on ne comprend pas bien comment le roi a changé d'avis, ni comment Churchill a retourné une partie de la Chambre des Communes.
Cela ressemble trop souvent à une enluminure, avec des longueurs et, paradoxalement, des raccourcis historiques malvenus. (La vision des Français est caricaturale et je laisse les spectateurs de Dunkerque juger de l'évocation de l'opération Dynamo...). C'est de surcroît trop complaisant vis-à-vis de l'élite aristocratique britannique. Et que dire de ces acteurs qui prennent la pose ! La caméra s'attarde trop souvent de manière emphatique. Ah, pour sûr, on a remarqué qu'untel a soudainement levé le sourcil ou que tel autre a fermé les yeux quand il a senti venue sa défaite politique. Quant à la séquence dans le métro, si elle commence de manière tonique, elle s'enlise assez vite dans une sorte de politiquement correct meringué.
Bref, en dépit de quelques qualités perceptibles à l'écran, c'est une déception.
21:53 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Commentaires
J'ai aimé cette alternance de doute et de "j'te rentre dedans".
Je trouve les personnages qui changent d'avis particulièrement intelligents et intéressants.
Les rencontres avec le roi je les trouve superbes et justement si on ne connaissait le bégaiement du roi, il est à peine perceptible.
L'opération dynamo n'est pas au coeur du film (Joe Wright a laissé le boulot à Nolan :-)) mais bien évoquée.
La scène du métro a bien fonctionné sur moi... j'étais debout la main sur le coeur et l"autre sur mon mouchoir.
Écrit par : Pascale | samedi, 27 janvier 2018
Pour moi, le problème ne vient pas du fait que des personnages changent d'avis (bien au contraire !) mais de la manière dont c'est montré. Rien ne permet de comprendre le revirement du roi et l'on résume l'attitude de la masse silencieuse des députés conservateurs (à la Chambre des Communes) à l'agitation d'un mouchoir (celui de Chamberlain). C'est ridicule.
Ceci dit, je reconnais que les acteurs sauvent le film. Les face-à-face Churchill-George VI ne manquent pas d'intérêt.
Quant à l'opération Dynamo, elle est très mal présentée. A l'écran, on ne voit que des bateaux civils et il n'est question que d'eux dans les propos de Churchill, alors que le sauvetage de Dunkerque résulte de la combinaison de l'action des militaires et des civils.
Les scénaristes ont aussi "oublié" de mentionner l'arrêt de la progression des chars allemands... et la défense acharnée des troupes françaises, qui se sont fait hacher menu pour permettre le rembarquement des Britanniques (et aussi de plusieurs dizaines de milliers de Français, sur ordre de Churchill). Il n'est question que du sacrifice des troupes de Calais... en négligeant de préciser qu'il y avait au moins autant de Français que de Britanniques à défendre la cité !
Si, aujourd'hui, en France, un film donnait d'un événement ou d'un personnage historique majeur une vision aussi tronquée et nationaliste, il serait descendu en flèche !
Quant à la séquence du métro... ouh la la. Je ne vais pas m'acharner.
Écrit par : Henri Golant | samedi, 27 janvier 2018
Les commentaires sont fermés.