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samedi, 22 mai 2021

Une Vie secrète

   Sorti en France fin octobre 2020, ce film espagnol figurait sur ma liste d'envies quand les salles de cinéma furent de nouveau fermées. Le distributeur a eu l'excellente idée de lui donner une seconde chance. Si l'intrigue en elle-même est fictionnelle, elle a été construite à partir de fragments de la vraie vie de ceux qu'on a surnommé "les taupes".

   Il ne s'agit pas d'espions de la Guerre froide, mais de républicains antifranquistes qui, pour échapper à la mort, se sont terrés pendant des dizaines d'années, parfois dans une pièce secrète aménagée au domicile familial.

   Le film est porté par ses deux acteurs principaux, Belén Cuesta (inconnue au bataillon, mais excellente) et Antonio de la Torre, formidable comédien (de Volver à Compañeros, en passant par Balada triste, La Isla minima, Que Dios nos perdone et El Reino).

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   On se prend les premières séquences (trépidantes) en pleine gueule. L'action se déroule en 1936, dans le Sud de l'Espagne. Des franquistes viennent régler leur compte aux "rouges" du village. On ne peut qu'être en empathie avec le couple de héros, qui fait tout pour que l'époux échappe à cette rafle qui s'accompagne d'exécutions sommaires. (Il y a toutefois un peu trop de caméra à l'épaule.)

   La période passée ensuite dans la première cachette met en place un dispositif de semi huis-clos. Seul le héros (par les yeux duquel on perçoit une partie de l'action) le subit, cloîtré dans le trou aménagé sous l'escalier intérieur de la maison. De son côté, l'épouse se doit au contraire de laisser sa porte ouverte et de frayer avec les villageois, dont certains les ont dénoncés à la Guardia Civil. Petit à petit, on apprend d'ailleurs que plusieurs républicains espagnols du coin ont des choses à se reprocher. C'est peut-être le cas du héros.

   Aussi intéressant le film soit-il, je me demandais comment il pourrait tenir les 2h25 annoncées. C'est lié au changement de cachette. La précarité de sa situation (et les pressions que subit son épouse Rosa) incite Higinio à se réfugier ailleurs, chez son père, qui a le temps de lui aménager une pièce secrète.

   La suite est pleine de paradoxes. Le cloîtré, qui, au départ, ne supportait pas sa réclusion volontaire, finit par prendre goût à son petit cocon, le monde extérieur étant perçu comme uniquement menaçant. Mais, psychologiquement, c'est quand même dur. Higinio perd parfois le contact avec la réalité.

   De son côté, Rosa acquiert de l'autonomie. Unique secours de son époux après la mort du père, elle devient de plus en plus indépendante. D'exécutrice des volontés de son mari, elle devient actrice de leur vie clandestine, proposant des modifications... qui ne plaisent pas toujours à son conjoint. Celui-ci passe du statut d'homme d'action (élu local marqué à gauche) à celui de fugitif apeuré, assistant couturier de son épouse.

   C'est donc plus qu'un film historique. Il y est question du couple, de féminité, de paternité, de vengeance... et de modernité : le ménage passe du poste à galène au transistor et à la télévision... qui fascine le reclus. L'ancien révolutionnaire voit l'Espagne de Franco évoluer, goûter aux prémices de la société de consommation... et, surtout, jouir de la bienveillance des États-Unis. Loin de vouloir renverser Franco après la Seconde Guerre mondiale, Oncle Sam s'est appuyé sur ce bastion de l'anticommunisme dans sa stratégie d'endiguement durant la Guerre froide.

   Concernant le style de la réalisation, j'ai du mal à formuler un avis... puisque trois façons de faire sont entremêlées. Globalement, j'aime les phases de réclusion, moins les moments d'intimité du couple (surtout dès qu'il y a l'enfant). J'ai été marqué par l'hyperréalisme de certaines scènes, tout en déplorant les facilités : les héros font trop de bruit dans la première partie de l'histoire (leur stratagème aurait dû être découvert bien plus tôt), la coïncidence entre la tentative de viol et l'incendie du matelas est énorme (mais nécessaire du point de vue scénaristique, si l'on pense aux conséquences à long terme) ; enfin, l'intrusion de l'ennemi personnel de Higinio (arrêté juste à temps) est un peu "too much".

   Ces réserves exprimées, le film n'en constitue pas moins une œuvre marquante, portée par des interprètes très convaincants.

Commentaires

J'ai trouvé ce film passionnant.
En te lisant j'ai les mêmes réserves : l'enfant, le feu, le just in time mais ça ne gâche pas l'ensemble.
Les acteurs sont exceptionnels.

Écrit par : Pascale | lundi, 24 mai 2021

Bonsoir Henri Golant, c'est un film que je suis contente d'avoir vu car il n'est pratiquement plus projeté et c'est bien dommage. Bonne soirée.

Écrit par : dasola | jeudi, 03 juin 2021

Les commentaires sont fermés.