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vendredi, 13 août 2021

Rouge

   À la lecture de ce titre, les "vieux" cinéphiles auront tendance à penser à un film de Krzysztof Kieslowski datant de plus de vingt ans. Il n'en est rien, puisque le long-métrage auquel est consacré ce billet vient juste de sortir, même s'il fait partie de la promotion (maudite) de Cannes 2020 (le festival qui n'a pas eu lieu). La majorité de la sélection a débarqué dans nos salles ces derniers mois. Rétrospectivement, on se rend compte d'ailleurs que c'était une promotion de qualité, puisqu'elle comptait des œuvres comme Teddy, Des Hommes, Les Deux Alfred, Nadia, Butterfly et L'Oubli que nous serons.

   Rouge bénéficie d'une bonne critique presse, qui le compare souvent à Dark Waters. On est donc tenté de penser qu'il s'agit d'un "film-dossier", d'autant qu'il s'appuie sur un scandale bien réel, celui des "boues rouges de Gardanne". Mais, plus qu'un pamphlet sociétal, Rouge est d'abord selon moi un film psychologique, qui s'apparente au drame familial.

   L'intrigue tourne autour de deux personnages principaux, Slimane, ouvrier-syndicaliste (sans doute CGT) de l'usine d'aluminium Arkalu (un décalque d'Alteo) et Nour, sa fille, infirmière qui vient de quitter l'hôpital pour intégrer l'entreprise où son père travaille depuis près de trente ans. Dans cette boîte, elle va avoir pour collègues les amis de la famille, mais aussi son futur beau-frère.

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   Outre l'ambiance de travail, le réalisateur (Farid Bentoumi) réussit à mettre en scène le conflit d'allégeance qui tenaille Nour (Zita Hanrot, formidable) : soit elle reste la fille à son père (Sami Bouajila, tout aussi excellent) et elle renie une partie de sa vocation d'infirmière, soit elle demeure fidèle à son engagement professionnel (sauver des vies) et, dans ce cas, elle entre en conflit avec ceux qu'elle aime.

   Le résultat, qui pourrait être platement manichéen, est d'une remarquable subtilité. Même le personnage du patron de l'usine (interprété par Olivier Gourmet, une fois de plus impeccable) a droit à une vision nuancée. On découvre un monde ouvrier divisé, d'abord entre titulaires et intérimaires, ensuite entre "Français de souche" racistes (ou pas), Français d'origine immigrée et étrangers. Qu'est-ce qui maintient l'unité ? L'envie de garder son boulot.

   Les seconds rôles sont au poil et contribuent à nuancer le tableau, de la journaliste écolo (Céline Sallette) à la sœur de Nour (Alka Balbir), en passant par les anciens ouvriers basculés au service restauration, les cadres de la boîte, le député du coin et des militants écologistes plus ou moins regardants sur les  méthodes.

   Dans le même temps, Slimane prépare le mariage de sa fille aînée. J'ajoute qu'à l'usine tout le monde redoute la venue d'une inspection, dont l'avis est indispensable pour obtenir le droit de rejeter à nouveau des déchets en mer. Dans le dernier tiers de l'histoire, l'ambiance de thriller prend le dessus... et c'est prenant.

   Je conseille de se jeter sans délai sur ce film, parce qu'il risque de disparaître rapidement de nos écrans. Ce n'est pas le genre d'histoire que les Français ont envie de voir au cinéma en ce moment. C'est pourtant l'un des plus beaux films sortis ces dernières semaines.

   P.S.

   L'avenir de l'usine Alteo (la vraie) n'est toujours pas assuré. Des améliorations ont été apportées au processus de fabrication d'aluminium, mais l'entreprise est en difficulté, en quête de repreneur.

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