mardi, 25 juillet 2023
Oppenheimer
Il y a trois ans, en pleine pandémie de covid, Christopher Nolan et ses producteurs avaient fait le choix de sortir Tenet en salles. Le risque avait été (relativement) payant puisqu'avec un peu plus de 2,3 millions d'entrées, le film avait fini en tête du box-office français de l'année (certes un peu sinistré).
Tout cela pour dire que les œuvres de Nolan, aussi cérébrales soient-elles (parfois), sont faites pour être vues dans une salle obscure. Oppenheimer ne fait pas exception à la règle. C'est d'ailleurs l'une des grandes réussites du cinéaste que d'être parvenu à rendre passionnante une épopée au cœur de laquelle se trouvent les sciences physiques... et d'en avoir fait un polar de trois heures, qui tient amplement ses promesses. Bon d'accord, l'enjeu politique (la rivalité avec les nazis, eux aussi lancés dans la course à l'arme atomique) n'est pas sans pimenter l'intrigue. L'ambiance de pré-Guerre froide (les alliés bolcheviks étant déjà perçus comme les adversaires de demain) ajoute une touche d'espionnage pas déplaisante du tout.
Deux catégories de scènes nous sont proposées. C'est paradoxalement en noir et blanc que l'on voit les plus récentes (celles qui se déroulent dans les années 1950, en plein maccarthysme), alors que la couleur est réservée aux années 1930-1940... mais c'est la partie la plus vivante, le cœur de l'histoire, avec le plus de chair (et de neurones).
Les interprètes sont excellents. Cillian Murphy s'est parfaitement coulé dans le personnage, qu'il ne cherche pas à rendre plus sympathique qu'il n'était... et c'est tant mieux. Par moments (l'orientation sexuelle mise à part), j'ai pensé à Benedict Cumberbatch en Alan Turing, dans Imitation Game, film qui n'est pas sans rapport avec celui-ci. On pourrait aussi rapprocher Oppenheimer d'un autre héros américain, Neil Armstrong, tel qu'il est dépeint dans First Man : lui aussi a pu s'appuyer sur une épouse brillante, qui avait suivi des études universitaires et qui a sacrifié ses aspirations professionnelles pour soutenir la carrière de son mari.
Ici, c'est à Emily Blunt qu'échoit ce rôle ingrat, celui d'une intellectuelle libre dans sa jeunesse, qui finit par se cloîtrer à Los Alamos avec deux gosses dont elle a du mal à s'occuper. Dommage que le personnage ne soit pas plus creusé.
Les autres seconds rôles (le film étant tout à la gloire d'Oppenheimer) sont incarnés par une pléiade de talents, de Jason Clarke (excellent dans la peau d'une enflure) à Matt Damon (crédible en ours mal léché), en passant par Florence Pugh (la plus belle communiste que j'aie jamais vue...), Rami Malek (important sur la fin), Josh Hartnett (curieusement bon en scientifique conformiste) et Robert Downey Jr (qui ne pouvait qu'incarner un type un peu magouilleur sur les bords)...
La mise en scène s'est évertuée à représenter ce qui se passait (parfois) dans la tête du physicien... en liaison avec ce qui passe au niveau atomique, lors d'une réaction. Cela donne des plans très léchés, soutenus par une musique appropriée... mais je ne suis pas sûr que ce dispositif aura permis aux spectateurs lambdas de mieux comprendre le fonctionnement d'une bombe atomique.
Mis à part ces aspects scientifiques ardus, le film est relativement limpide. On a visiblement voulu éviter de tomber dans les excès de Tenet... mais, du coup, je suis un peu déçu. Nolan nous livre une brillante fresque historique, engagée (à gauche), mais il y perd un petit peu son art de nous transporter dans des univers inédits.
P.S.
Pour en savoir plus sur l'histoire de la bombe atomique, je recommande à nouveau la lecture du roman graphique La Bombe, que j'avais chroniqué en août 2020.
21:03 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Commentaires
C'est suffisamment compliqué pour moi. Et passionnant de bout en bout. Spectaculaire et vertigineux.
J'ai compris que le noir et blanc correspondait au point de vue de Lewis et la couleur celui d'Oppie.
Le casting est exceptionnel. Robert Downey Jr. devrait obtenir l'Oscar du meilleur second rôle. Je lui décerne.
Et l'Oscar à Cillian Murphy.
J'étais très surprise de trouver Josh Hartnett excellent. Je n'étais pas sûre de l'avoir reconnu. Il a acquis une belle présence avec la quarantaine.
Certains n'ont pas aimé les scènes avec la plus belle communiste du monde. Je les trouve très belles moi. Et pour une fois les scènes de sexe sont plaisantes à regarder. J'adore quand elle repousse sa main, ses fleurs et quand elle pose la tête sur son épaule en pleurant. Si elle avait été un peu moins intransigeante...
Emily Blunt est froide, mais quel soutien pour Oppie ! Une très belle et forte relation aussi.
Quant à la partie scientifique, même sans tout comprendre, quel cheminement, quel dilemme !
Un grand film.
Écrit par : Pascale | mercredi, 26 juillet 2023
Bonsoir Henri Golant, j'ai enfin vu ce film qui m'a vraiment plu. Je ne m'attendais pas à si bien. J'ai été surtout bluffée par le montage nerveux sans une image de trop. Un grand film. Bonne soirée.
Écrit par : dasola | lundi, 15 janvier 2024
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