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dimanche, 22 octobre 2023

Promenade à Cracovie

   Ce documentaire polonais est le résultat d'un travail effectué entre 2016 et 2021 (de la recherche historique au montage, en passant par le tournage). Une fois que Roman Polanski (ici témoin, et non cinéaste) a donné son accord, il a fallu trouver une période au cours de laquelle lui et son ami le photographe Ryszard Horowitz soient disponibles pour retourner dans la ville de leur enfance, Cracovie.

   Cela débute avec les retrouvailles des deux octogénaires, dans une voiture où il prend l'envie à l'un des deux de couper les poils qui dépassent du nez de l'autre ! C'est un peu la marque de fabrique de ce film, qui évoque des moments souvent dramatiques, mais avec parfois un humour salutaire.

   Déambulant dans les rues de la Cracovie moderne (devenue une importante ville touristique, point de passage quasi obligé avant de se rendre à Auschwitz), les deux hommes retrouvent le vieux cinéma où, enfant, Polanski a connu ses premiers émois sur grand écran. Sa demi-sœur aînée l'y emmenait... mais pas forcément voir ce qui l'intéressait, lui.

   Ils pénètrent ensuite dans l'appartement où logeait la famille Liebling (qui n'a pris le nom de Polanski qu'après la guerre, au retour de la déportation). Il en est un autre dans lequel le cinéaste n'ose demander à pénétrer, de peur de voir de précieux souvenirs gâchés par les images du présent.

   L'un des moments forts du documentaire est la séquence au cimetière (biconfessionnel), où est enterrée une partie de la famille. La remémoration des obsèques du père est riche en anecdotes, certaines très drôles.

   La suite est plus triste, puisqu'il est question du "déménagement" dans le ghetto, créé après l'invasion allemande. Il ne reste quasiment plus aucune trace de celui-ci dans la Cracovie moderne... et pourtant, les souvenirs sont douloureux. Lors des déportations qui ont suivi, Polanski perd une partie de sa famille (notamment sa mère). Son père lui permet de s'échapper. De son côté, Horowitz, déporté à Auschwitz, a eu la chance de figurer sur la célèbre Liste de Schindler. Tous deux sont des exceptions : l'écrasante majorité des 70 000 juifs de Cracovie (sur une population avoisinant les 250 000 habitants  à la veille de la guerre) a été exterminée par les nazis.

   Parmi les rescapés, beaucoup ont fui la Pologne devenue communiste, où leur retour n'a pas toujours été bien accepté. Le film se voulant un pont entre les deux cultures du pays (la catholique et la juive), il se garde de rappeler qu'entre 1945 et 1970, il y eut plusieurs "piqûres de rappel" antisémites (par exemple en 1953 ou 1970). De leur côté, les familles Polanski et Horowitz (du moins, ce qu'il en restait) sont revenues en ville, le père se remariant très vite, au grand dam de son fils. Roman (surnommé Romek par son ami) a pris l'habitude de passer plus de temps chez les Horowitz, en particulier avec Ryszard, avec lequel il va ensuite développer son goût pour les arts et la culture.

   Un autre moment marquant est la rencontre entre Polanski et le petit-fils du couple de paysans polonais qui l'ont caché, au péril de leur vie, à la fin de la guerre. Cela débouche sur la cérémonie qui déclare les défunts "Justes parmi les Nations", à Yad Vashem.

   Si le documentaire est passionnant, sur le plan historique, je dois reconnaître qu'il est parfois difficile à suivre, ayant été tourné en polonais, sous-titré pour sa sortie en France. A la longue (1h15), c'est un peu usant, en dépit des moments humoristiques qui introduisent une salutaire légèreté.

   P.S.

   Mon billet aurait dû s'arrêter là... mais la séance a été suivie d'un mini-débat, au cours duquel l'un des intervenants a signalé que le film semblait avoir été victime d'une forme de boycott. Déjà, à sa sortie, l'été dernier, la distributrice s'était alarmée du petit nombre de salles ayant programmé le documentaire, certaines s'étant même rétractées.

   A Toulouse, aucun cinéma n'aurait accepté de diffuser le film. Les intervenants n'ont pas voulu insister là-dessus (ni nommer les cinémas). Rappelons simplement que, dans la "Ville rose", l'art et essai est très bien installé, avec l'ex-Utopia, renommé American Cosmograph (qui fut en travaux en juillet-août), l'Utopia Borderouge, l'ABC et Le Cratère (qui reprogramme des films déjà diffusés ailleurs). S'ajoutent deux mastodontes, le Pathé Wilson (ex-Gaumont) et l'UGC Montaudran (inauguré en 2021, deux ans après la fermeture de l'enseigne du centre-ville).

   Je n'aime pas cette sorte de néo-maccarthysme qui se développe dans notre  pays (très minoritairement, mais impliquant des gens influents). Des activistes peu soucieux de la vraie justice tentent d'imposer leur bien-pensance, au détriment de la présomption d'innocence... et de la liberté artistique.

Commentaires

J'aurais aimé le voir.

Écrit par : Pascale | lundi, 23 octobre 2023

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