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vendredi, 01 décembre 2023

Testament

   Quatre ans après avoir clôturé sa trilogie autobiographico-sociétale (avec La Chute de l'empire américain), le Québécois Denys Arcand revient avec une comédie sociétale acide, que la critique bien-pensante (notamment celle du Monde) a détesté. Essayons de comprendre pourquoi.

   L'histoire a pour cadre un EHPAD une maison de retraite des aînés, dont la cuisine propose quantité de menus adaptés à toutes les allergies, tous les (dé)goûts, toutes les fulgurances à la mode. C'est un établissement plutôt haut-de-gamme, dont les résidents vivent dans des appartements privés. Le narrateur Jean-Michel est l'un de ces résidents, documentaliste à la retraite, septuagénaire du genre anar, libertaire, qui pose un regard goguenard sur son époque. (C'est évidemment un double du réalisateur.)

   L'une des rares fois où on le suit hors de sa résidence, il assiste à une remise de prix littéraires, dont il est le seul lauréat masculin, les récompenses étant quasi monopolisées par des femmes. Celles-ci sont censées représenter toutes les "catégories" à valoriser, puisqu'on rencontre une lesbienne, une Afro-américaine, une obèse, une musulmane (intégriste)... Bref, on nage en plein politiquement correct, à la sauce multiculturelle. Ce n'est pas leur talent littéraire que l'on a primé, mais le fait que les auteures appartiennent à telle ou telle catégorie de "personnes opprimées". La satire n'est pas d'une grande finesse, mais elle est diablement efficace : dans la salle, le public (majoritairement féminin) riait de bon cœur.

   L'hospice (comme il est appelé à une reprise, par une personne qui ne manie pas la langue de bois) n'est pas sans mystères. Ainsi, on se demande ce que peut bien faire Jean-Michel chaque semaine, pendant  une heure, lorsqu'il reçoit une sculpturale beauté blonde. On se dit aussi que l'apparence rigide de la directrice doit cacher quelques lourds secrets... et l'on se demande bien pourquoi la fresque qui orne la salle de musique de l'établissement suscite une telle polémique.

   Elle devient l'objet de la colère d'un groupe de jeunes activistes, qui prétendent représenter les "nations premières" du pays... alors qu'aucun d'entre eux n'en fait partie. Leur langage comme leurs manifestations sont rodés. Ce sont des habitués de l'agitprop, des enfants de la classe moyenne, inscrits à l'université, mais qui passent plus de temps à manifester qu'à étudier. Le portrait qui en est brossé par Arcand pourrait sembler exagéré mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de croiser certains individus de cette espèce (en France), je n'ai pas eu l'impression qu'il grossissait le trait.

   Si le film se limitait à cette distrayante satire, il pourrait sembler anecdotique (bien que nécessaire, à une époque où de nouveaux curés de la pensée tentent d'imposer leurs interdits). Fort heureusement, Arcand y a aussi instillé de la tendresse, celle qui existe, de manière surprenante, entre le héros et sa "visiteuse", celle qui naît, de manière tout aussi étonnante, entre la directrice et le pensionnaire. Commence alors une autre histoire, celle d'une réconciliation familiale et du début d'une nouvelle vie, malgré l'âge avancé.

   Le cinéaste n'oublie cependant pas son projet initial. La troisième partie est le théâtre d'un délicieux retournement, au cours duquel on voit notamment une députée progressiste défendre avec la même conviction que dans la première partie une position presque antagoniste à la précédente... Bravo à la comédienne !

   Le film se conclut sur un triple clin d’œil. Le premier concerne le héros et sa nouvelle vie, qui a des conséquences sur ses opinions. Le second est une vision futuriste, qui ne manque pas de saveur. Le troisième est constitué par la chanson finale, qui renvoie de manière ironique à un dialogue du film.

   Je suis sorti de là d'excellente humeur !

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