Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 30 juin 2024

Kinds of kindness

   Même pas six mois après l'emballant Pauvres Créatures, revoilà une œuvre de Yorgos Lanthimos sur nos écrans. On y retrouve d'ailleurs Emma Stone, Willem Dafoe et Margaret Qualley, accompagnés de petits nouveaux (dans l'univers lanthimosien) : Jesse Plemons, Hong Chau, Mamoudou Athie et Hunter Schafer.

   Trois histoires en apparence indépendantes les unes des autres nous sont proposées... sauf que ce sont les mêmes acteurs que l'on voit dans chacune d'elles, dans des rôles différents. Le seul qui ne change pas vraiment est ce "RMF", dont le nom figure dans les trois titres d'historiettes : il y meurt, s'envoie en l'air (en tant que... pilote d'hélicoptère), puis mange un hamburger (une fois ressuscité !)... mais c'est un personnage secondaire, un figurant, autour duquel gravitent cependant les personnages principaux.

   C'est donc un film assez conceptuel... et un plaisir d'acteurs, qui jouent des rôles parfois très différents d'une histoire à l'autre (en particulier Jesse Plemons, dont le prix d'interprétation reçu à Cannes est amplement mérité).

   Dans la première, il est question d'un homme qui rémunère des personnes pour qu'elles agissent à sa guise. Dans la deuxième histoire, une femme disparue en mer réapparaît au domicile conjugal... mais son mari, policier, la trouve terriblement changée. Le triptyque se conclut sur la vision intérieure du fonctionnement d'une secte.

   Je pense que ce qui relie les trois est l'aliénation (voulue ou pas, subie ou désirée). Il est donc question de domination et de manipulation dans les trois histoires. Il me semble que leur assemblage suit une construction logique. Dans la première partie, le dominant a besoin de payer les dominés pour qu'ils exécutent ses volontés... sans pouvoir empêcher que, parfois, ils échappent à son contrôle. Dans la deuxième partie, Lanthimos met en scène une auto-aliénation, quasiment sans intervention extérieure. La troisième partie est une synthèse des deux. On y retrouve un mâle dominant, mais qui n'a plus besoin de payer pour se faire obéir, certains dominés reproduisant à leur tour, de leur propre chef, le schéma aliénant du maître.

   Outre le plaisir de voir des acteurs se plier à un exercice de style (un peu comme dans Le Deuxième Acte, de Dupieux), j'ai aimé me confronter à cette énigme scénaristique, sans scène d'exposition, le sens se déduisant des relations entre les personnages et de la manière dont ceux-ci sont filmés.

   On serait proche d'un grand film si j'avais pas quelques bémols à émettre. Le premier est l'aspect un peu artificiel de l'assemblage. En dépit de l'existence d'un projet de fond, le film ne transmet guère de message tranché. D'un côté, on peut penser qu'il dénonce la servilité aveugle, le complotisme, la masculinité toxique et le fanatisme sectaire. De l'autre, on pourrait l'estimer un peu complaisant avec ce qu'il dénonce, avec toujours chez Lanthimos, cette fascination ambiguë pour les corps nus de jeunes femmes très minces.

   C'est aussi un peu trop sérieux à mon goût. On n'en apprécie que davantage les rares moments d'humour, comme cette énorme surprise quand un mari dépressif demande à ses meilleurs amis de rester avec lui pour regarder une vidéo lui réchauffant le cœur... éclats de rire garantis ! Cocasse aussi est l'accoutrement des membres de la secte... et la posture langoureuse adoptée par le gourou incarné par Willem Dafoe, sur le lit où il attend l'arrivée de sa nouvelle proie consentante...

   L'histoire se conclut de manière ironique, les efforts d'une adepte étant bien mal récompensés !

   Je recommande globalement, parce que, pour moi, Lanthimos est l'un des grands cinéastes actuellement en exercice et que ce qu'il crée a vraiment du style.

23:29 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Commentaires

Le message est tranché certes mais quand on aime pas la viande et les bruits de bouche, on souffre.
Effectivement Yorgos aime déshabiller Emma et Margaret, je commence à en avoir ras le bol.
Le coup de la vidéo ne m'a pas provoqué de fourire. Pure provoc selon moi.
En tout cas, merci pour tes éclairages. Je n'ai pas trouvé toute cette profondeur à ce triptyque et je dois dire que le premier sketche me semble toujours abscons. J'ai dû m'assoupir.
Et qu'un homme viole sa femme inconsciente me semble limite.
Je pense que Yorgos a besoin de repos. Cette provoc facile commence à me déplaire alors que j'avais beaucoup aimé Pauvres créatures, excepté l'épisode prostitution.

Écrit par : Pascale | mardi, 02 juillet 2024

Répondre à ce commentaire

Le viol conjugal est d'autant plus nauséabond que le mari nous est présenté (du moins au début) comme un chic type, qui s'occupe de sa fille et semble vouloir détourner a compagne de son délire sectaire. La fin suggère que c'est peut-être sa vie de famille peu enthousiasmante qui a perturbé l'épouse. Mais c'est ambigu, comme beaucoup de choses dans ce triptyque.

Je pense que la première histoire n'est qu'une (longue) introduction. On peut percevoir la troisième comme une suite possible, ou un aboutissement conceptuel de la première.

Écrit par : Henri G. | mercredi, 03 juillet 2024

Écrire un commentaire