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dimanche, 08 décembre 2013

La Marche

   Avant même d'avoir vu le moindre extrait du film, j'ai entendu les déclarations de certains de ses promoteurs... et cela ne m'a pas incité à me précipiter au cinéma. J'ai eu l'impression qu'on nous proposait un long prêchi-prêcha antiraciste, sans doute mal fagoté... eh bien j'avais (en partie) tort.

   C'est un vrai film, avec une histoire qui tient la route (si j'ose dire) et de bons acteurs. Deux personnages jouent un rôle moteur : le jeune Mohamed et le père Dubois. Le premier est incarné avec talent par Tewfik Jallab, qui redonne vie au pacifique et charismatique Toumi Djaidja :

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   Quant à Olivier Gourmet (le père Dubois), il confirme une fois de plus l'étendue de son talent, déjà perceptible dans des films comme Mesrine, Venus noire ou L'Exercice de l'Etat.

   C'est une comédie dramatique. Elle évoque un aspect sombre de l'histoire contemporaine française, les crimes racistes (certains étant des bavures policières). Cela commence fort, avec une poursuite nocturne, sur fond d'Hexagone de Renaud. Régulièrement dans le film, des extraits de journal télévisé et des listes de noms évoquent les victimes, quasi exclusivement de sexe masculin. Mais certains personnages féminins vont aussi subir des violences, au premier rang desquels la jeune Monia :

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   Incarnée par Hafsia Herzi (déjà vue par exemple dans Héritage), elle est la fille modèle d'immigrés, réussissant à l'école (elle va entrer en licence... rappelons que nous sommes dans les années 1980) et n'ayant pas jusque-là trop cherché à faire la bringue. Pour elle, cette marche est celle de l'émancipation de la tutelle familiale, de la découverte de l'amour (métissé) et de l'engagement politique. Les scénaristes ont été assez habiles pour ne pas en faire une sainte laïque : elle a ses préjugés, ce dont l'un des personnages va se rendre compte à la fin de l'histoire.

   Les relations homme-femme (et femme-femme...) sont souvent traitées sous l'angle de la comédie. Deux personnages masculins sont des usines à gags. Le premier d'entre eux est Farid, un gros lard complexé.

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   Au départ, on pense qu'il va être en quelque sorte le souffre-douleur du film. Il est velléitaire, n'a sans doute jamais eu de petite amie... et l'on va vite découvrir qu'il sent très fort des pieds ! Là aussi, le portrait se nuance. N'ayant pas le charisme des meneurs la marche, il va se mettre à coucher ses impressions sur le papier, au quotidien. Il va réussir à gagner le respect de son père (interprété par l'excellent Simon Abkarian - revoyez L'Armée du crime).

   Évidemment, dès qu'il est question d'humour et de banlieue, débarque l'inévitable Jamel Debbouze, qui de surcroît coproduit le film. Purée, il en fait des tonnes... Je reconnais que, parfois, ça marche mais, le plus souvent, il se complaît dans cette caricature de racaille (supposée) sympathique qui m'horripile.

   On a quand même d'agréables surprises du côté des personnages masculins. Je pense en particulier au conducteur du fourgon, papy René (Philippe Nahon, un habitué des seconds rôles tonitruants) et au jeune Sylvain (Vincent Rottiers, découvert dans L'Ennemi intime et vu récemment dans L'Hiver dernier), qui veut se barrer des Minguettes et, par la suite, fait les yeux doux à la ravissante Monia... Pour lui aussi, cette marche sera un apprentissage de la vie.

   En face, certains personnages féminins ont un caractère bien trempé. On pense bien sûr à Kheira, la tante de Monia. Elle est incarnée par Lubna Azabal (rappelez-vous, Incendies...). C'est sans doute la plus forte personnalité de l'histoire, femme indépendante, militante convaincue... mais diablement seule au fond. Elle est à la fois attachante, énervante... et contradictoire : comment peut-elle défendre le caractère laïc de la marche avec un turban sur la tête ?

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   Et l'histoire, dans tout ça ? Elle démarre quand Mohamed, de retour de l'hôpital, décide de lancer une action non violente pour dénoncer le racisme. Les neuf des Minguettes rejoignent Marseille, où ils découvrent des quartiers plus délabrés que le leur. De là part officiellement la marche, qui ne rencontre pratiquement aucun écho. Après bien des galères, l'arrivée à Lyon symbolise le début du succès, avant le triomphe parisien. Entre temps, la manifestation aura été étroitement surveillée (y compris de l'intérieur) par des policiers des Renseignements généraux, l'un d'entre eux sympathisant même avec le mouvement.

   Le film est plus dans le registre commémoratif que dans le questionnement politique. On l'a accusé d'être orienté. Il ne fait pas la propagande du PS, la marche se voulant apolitique, refusant toute pancarte partisane (celles du PS sont exclues de la manif). Mais l'on voit bien que plusieurs élus socialistes ont soutenu le mouvement (sur la fin). De plus, la présidence Mitterrand bénéficie d'une aura particulière.

   Plus intéressante est la scène qui voit les marcheurs se faire "descendre", en plein amphithéâtre, par des militants antiracistes "professionnels", issus des "minorités visibles". On reproche à Mohamed d'être le fils d'un harki, mais on sent que, dans la salle, certaines personnes sont surtout dépitées de voir une bande d'amateurs attirer les projecteurs. Cela annonce un peu la suite, puisque les marcheurs n'ont pas fait partie des fondateurs de SOS Racisme.

   Trente ans après, la situation a changé parce que c'est surtout le chômage et le sentiment d'exclusion qui frappent les enfants d'immigrés. La police de 2013 n'est plus celle de 1983. Dans les quartiers, les morts sont plutôt le fait des délinquants que la population côtoie au quotidien...

   P.S.

   Sur le site Allociné, les internautes peuvent noter les films qu'ils ont vus et ainsi inciter les autres à aller les voir ou à les éviter. Ceux qui lisent les appréciations depuis assez longtemps se sont rendus compte que bon nombre de notes ne sont pas révélatrices de la qualité d'un film.

   Certains comptes d'internautes ont été créés spécifiquement pour valoriser les produits diffusés par telle ou telle boîte... sans parler des acteurs, de leur famille et des copains qui tentent d'assurer par avance le succès du film dans lequel tourne un proche, en lui attribuant un maximum d'étoiles.

   L'effet inverse peut se produire... et je crois que c'est le cas pour La Marche. La plupart des commentaires négatifs sont le fait d'inscrits de fraîche date ou de personnes qui ne parlent de presque aucun film. D'ailleurs, à lire le contenu des critiques on s'aperçoit que la très grande majorité d'entre eux n'a sans doute même pas vu La Marche qui, sans être un chef-d’œuvre, est bien plus nuancé que ce que ses contempteurs affirment.

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