Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 26 août 2016

La Couleur de la victoire

   Le titre d'origine, Race, est à double sens : il désigne à la fois la "race" et la "course". Pour la sortie en France, on a misé sur la mémoire des cinéphiles, qui sont censés penser au film de Spielberg (La Couleur pourpre) ou au plus récent La Couleur des sentiments.

   Ce n'est donc pas uniquement un biopic de Jesse Owens, mais aussi une oeuvre sur le racisme sous toutes ses formes et notamment sur la ségrégation qui sévissait aux Etats-Unis dans années 1930. On ne nous cache pas le comportement odieux de certains étudiants blancs de l'université de l'Ohio, tout comme les huées du public des championnats universitaires, huées qui vont se muer en acclamations, devant les performances du champion. Mais, même après ses exploits aux JO de Berlin, Owens, de retour aux Etats-Unis, est resté un "nègre" qui doit emprunter l'entrée de service du restaurant où est organisée une cérémonie qui lui rend hommage !

   La première moitié de l'histoire est consacrée aux débuts de ce sportif modeste, surdoué... et pas très fiable comme compagnon. On nous présente aussi assez bien les questionnements qui ont agité l'Amérique (noire comme blanche) lorsqu'il s'est agi de décider de la participation ou du boycott des jeux hitlériens. A ce sujet, je trouve qu'on a trop enjolivé le personnage d'Avery Brundage (incarné par Jeremy Irons), une enflure antisémite qui a profité des Jeux pour lancer sa carrière au CIO.

   L'intrigue est construite sur un schéma un peu réducteur : les Américains blancs, majoritairement, méprisent les Noirs et ne sont pas antisémites ; les Allemands détestent les juifs et, s'ils méprisent les Noirs, ils n'en laissent rien paraître.

   A l'écran, cela donne certaines des meilleures séquences du film, autour de l'arrivée des athlètes en Allemagne, une Allemagne un peu ripolinée, où l'on a (temporairement) masqué les signes les plus évidents de la politique totalitaire. Du coup, pour les Noirs américains, ces Jeux sont une immense et bonne surprise... du moins au départ. Au village olympique, dans les bus comme dans la cantine, il n'y a pas de ségrégation. Owens, déjà crédité de plusieurs records du monde, est considéré comme une vedette et signe des autographes :

cinéma,cinema,film,films,histoire

   Cette image n'est pas extraite du film (on y voit le véritable Jesse Owens), mais d'un bon documentaire récemment rediffusé sur Arte (et visible encore quelques jours). Notons que ni ce film ni La Couleur de la victoire n'insistent sur le fait que les jeux ont été gagnés par l'Allemagne. La gloire acquise par Jesse Owens ne suffit pas à masquer les succès allemands : le pays est arrivé en tête du bilan des médailles (au total général comme au nombre de médailles d'or) et les Jeux ont constitué une opération de propagande réussie.

   La fiction restitue bien le gigantisme de l'opération, en particulier à travers la construction du stade olympique. On suit aussi les efforts de la cinéaste Leni Riefenstahl pour faire de ces Jeux un événement quasi mythique, en accord avec les souhaits d'Hitler, pourtant assez réservé au départ.

   Notons que le film distingue les Allemands ordinaires, pris dans la nasse du régime, des militants nazis, dépeints de manière négative. C'est Joseph Goebbels qui occupe le plus de place à l'écran. Il est inquiétant à souhait, mais je trouve que l'acteur Barnaby Metschurat le rend un peu trop fascinant, alors que c'était une ordure de la pire espèce. A quelques (trop rares) instants, certains personnages ont l'occasion de réaliser que, derrière la propagande, se cache un régime extrêmement dangereux.

   L'histoire ménage aussi beaucoup de place à l'amitié, celle qui se développe entre l'entraîneur blanc (champion raté) et le jeune prodige, mais aussi celle plus surprenante (mais tout aussi authentique) qui naît entre l'Américain noir et l'Allemand blond (Lutz Long, le sauteur en longueur).

   Au niveau sportif, c'est correctement filmé, sans plus. Pour qui a vu ne serait-ce que des extraits d'Olympia, le (formidable) documentaire de Leni Riefenstahl, la platitude de la réalisation de cette fiction est apparente. Ce n'est pas mauvais, juste un peu scolaire. Cela donne une oeuvre plutôt plaisante, qui apprendra des choses à ceux qui ne connaissent pas cette histoire (notamment pourquoi Owens a participé au relais 4x100m, ce qui n'était pas prévu au départ). Mais cela manque un peu de souffle.

Les commentaires sont fermés.