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dimanche, 09 février 2020

Les Filles du Docteur March

   Le hasard de mes pérégrinations cinématographiques fait que je viens de m'enquiller trois œuvres "féministes", chacune dans un genre différent, puisque Birds of Prey décentre le film de super-héros, Une Belle Equipe revivifie la comédie sportive, alors que Les Filles du Docteur March est la réadaptation d'un succès littéraire.

   Tout tourne autour des quatre filles, chacune dotée d'un talent et d'un tempérament différents :

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   En partant de la gauche vers la droite (ci-dessus), on commence par rencontrer Meg (Emma Watson, à jamais mon Hermione adorée), la conformiste, pourtant douée pour le théâtre. A sa gauche se tient Jo (Saoirse Ronan, éblouissante), la garçonne, la rebelle, l'écrivaine. Juste à côté d'elle se trouve Amy (Florence Pugh, que l'on va bientôt revoir aux côtés de Scarlett Johansson...), la petite peste, assez douée pour la peinture. Enfin tout à droite est placée Beth la pianiste, la plus renfermée des sœurs, la plus pieuse aussi.

   Habilement, le film alterne les allers-retours entre deux époques (qui correspondent aux deux premiers tomes de la série de romans écrite par Louisa May Alcott). La partie "moderne" montre les jeunes femmes devenues adultes, moins attachées à la maison familiale, empêtrées dans leurs problèmes personnels. C'est filmé sous une lumière crue, limite frontale.

   Par contraste, le passé (celui de la fin de la Guerre de Sécession, en 1864-1865) apparaît sous des tons chauds, ocres. Un formidable travail a été fait au niveau de l'éclairage et des décors. Je pourrais aussi ajouter les costumes, mais je commence à en avoir un peu marre de ces films dont l'action est située dans le passé et où les personnages ne salissent pas leurs vêtements... Les retours en arrière ressuscitent un cocon, celui dans lequel baignait la cellule familiale, certes privée du père (parti à la guerre), mais où la solidarité entre filles faisait tout supporter. C'était aussi une époque où les adolescentes pouvaient croire en leurs rêves.

   Cela nous amène au propos du film (en écho au XXIe siècle) : la difficulté d'être femme, dans une société qui les empêche de vivre de manière indépendante. Le personnage de Jo se fait le porte-parole de la romancière... et de la cinéaste, dont elle est un alter-ego. Si les actrices sont convaincantes, on ne peut pas dire que les personnages masculins soient particulièrement réussis. J'ai lu l'un des romans il y a très très longtemps mais, je n'avais pas gardé en mémoire un tableau aussi fade de la gent masculine. Pour être clair, Timothée Chalamet fait ce qu'il peut pour rendre crédible son personnage de dilettante efféminé, tandis que Louis Garrel et James Norton (oui, l'ancien révérend de Grantchester !) peinent à sortir le manche à balai resté coincé aux tréfonds de leur anatomie. Seuls les trois "vieux" ont de la personnalité : le père des héroïnes (dévoué à leur épanouissement), le voisin grand-père (qui, depuis qu'il a perdu sa fille, regarde avec envie la maison animée par les petites March) et le directeur de publication d'une revue, le seul ouvertement misogyne. C'est d'ailleurs le principal problème de fond : on a du mal à comprendre comment pouvait s'exercer une telle domination patriarcale, presque tous les hommes visibles à l'écran finissant par céder aux héroïnes ! Ici, Greta Gerwig rate son coup, en particulier si elle vise les États-Unis d'aujourd'hui. Les exemples de misogynie y sont si nombreux (jusqu'au plus haut niveau) qu'on a du mal à comprendre comment elle a pu en tirer quelque chose d'aussi fade.

   Le film n'en demeure pas moins très regardable, en raison de son habillage visuel réussi et de la prestation d'une brochette d'actrices de talent.

Une Belle Equipe

   Quand bien même le titre évoque un vieux film de Julien Duvivier (sorti en 1936), c'est à un autre long-métrage qu'Une Belle Equipe fait penser : Comme des garçons, sorti il y a deux ans dans une relative confidentialité (malheureusement).

   C'est d'ailleurs ce qui m'a retenu d'aller voir ce film plus tôt. J'avais trop peur du déjà-vu. Mais, comme le bouche-à-oreille est bon et que, derrière la caméra, se trouve Mohamed Hamidi, auteur de La Vache, je me suis laissé tenter.

   La première partie est une pure comédie, qui a pour théâtre une petite ville des Hauts-de-France, terre de football, de sociabilité ouvrière... et d'intense consommation de bière. Le modeste club (masculin) de football bat de l'aile. Il risque même la disparition, à moins que son entraîneur (Kad Merad, fidèle à lui-même) ne trouve une solution. Celle-ci va lui être suggérée par sa fille : remplacer les joueurs suspendus par... des femmes !

   Les comportements masculins sont l'occasion d'enfiler les clichés (hélas pas toujours désuets). La plupart des compagnons/maris ne s'occupent guère des enfants ni des tâches ménagères. Ce sont très souvent des alcooliques (certains jouant au football plus par habitude que par souci d'exercer une activité physique), à l'esprit étroit. Sans surprise, le président du club est un notable du cru, assez antipathique.

   Je rassure mes lecteurs mâles : le scénario offre la possibilité à ces personnages caricaturaux d'évoluer... dans le mauvais sens comme dans le bon. La deuxième partie voit les mauvais penchants de certains d'entre eux l'emporter, dans une farandole de mesquineries qui plombe un peu l'ambiance.

   Face à cette masse de testostérone bedonnante, les apprenties joueuses déploient une belle énergie. Je dis "apprenties joueuses" parce qu'apparemment, la plupart des actrices n'avaient quasiment jamais touché un ballon de football auparavant. Quand on voit ce qu'elles finissent par réussir à faire à l'écran, on se dit que l'entraînement a dû être sacrément bon... ou bien que certaines d'entre elles avaient des prédispositions cachées. C'est d'ailleurs ce qui est suggéré à propos des principaux personnages féminins. Si l'on excepte les deux qui pratiquent déjà la ballopied, toutes les autres sont jeunes et s'entretiennent physiquement. Leur manquent juste la technique et la mise en pratique de schémas tactiques... et il leur faut apprendre vite : il leur reste trois matchs pour tenter de grappiller le point qui permettrait à l'équipe de rester dans la division.

   Toutes les actrices sont formidables. Je retiens particulièrement Laure Calamy en bourgeoise qui se lâche, Sabrina Ouazani rayonnante, Manika Auxire effrayante de vulgarité et Céline Sallette parfaite en mère-courage, la grande soeur dont le groupe a besoin... et l'adjointe sur les épaules de laquelle l'entraîneur pourrait se reposer d'une partie de sa charge.

   Le résultat est un feel good movie, durant lequel j'ai souvent ri (dans la première partie).  Comme on s'achemine vers une fin consensuelle, il faut bien que les hommes obtus se rachètent. Le scénario tombe alors dans la facilité (qu'il frôle souvent au cours du film) en reportant toute la culpabilité sur la Fédération de football, nouvelle incarnation d'un pouvoir parisien lointain et oppresseur des bons p'tits gars de la Province. Cette limite posée, l'ensemble forme vraiment un bon film.