mardi, 21 juillet 2020
L'Etat sauvage
Ce western français, féministe et (légèrement) interracial, a été tourné au Canada, en français et en anglais... et pour cause : il raconte le périple d'une famille de riches émigrés hexagonaux aux États-Unis, durant la Guerre de Sécession.
On sent que le réalisateur David Perrault a vu la version longue d'Apocalypse now, contenant la séquence se déroulant dans la plantation tenue par des Français, en pleine Guerre du Vietnam. On sent aussi qu'il a vu La Dernière Piste, dont l'intrigue n'est pas sans ressembler à celle de son film. On comprend enfin qu'il connaît Les Proies, tant on se demande parfois qui, entre les cow-boys et les demoiselles qu'ils accompagnent, est l'objet du désir de l'autre... On pourrait continuer longtemps ce petit jeu des références, vu qu'il est évident que le metteur en scène a ingurgité du néo-western par hectolitres.
En tout cas, dès le début, il fait montre de son savoir-faire. La scène nocturne se déroulant dans ce qui doit être une chapelle en ruines est superbe sur le plan visuel et parfaitement maîtrisée en terme de dramaturgie. A plusieurs reprises, on reverra ce talent à l'oeuvre, par exemple dans la séquence du bal (perturbé par des soldats nordistes) ou lors de la scène du repas, dans une maison abandonnée. J'ajoute que les plans extérieurs ont été tournés dans des décors naturels... et, dans une grande salle, c'est d'une beauté à couper le souffle.
En dépit de toutes ces qualités (auxquelles il faut ajouter un bon jeu des acteurs), je suis sorti de là mitigé, en raison de plusieurs énormités. La grosse faute scénaristique est la séquence du chariot coincé sur une corniche. Alors que le bon sens dictait de faire passer les jeunes femmes entre la falaise et le véhicule, ou au-dessus (voire au-dessous), voilà-t-y pas que l'on décide de les faire marcher au bord du précipice, le dos collé au chariot !...
Une autre invraisemblance est la scène de forêt, censée se dérouler à moins d'une journée de marche du village où la famille s'est réfugiée. Alors que le village croule sous la neige et le brouillard, pas le moindre flocon n'est visible à 20-30 kilomètres de là...
Le sommet du ridicule est atteint dans une scène nocturne, lorsque la vilaine Bettie (une sorte de sous-Calamity Jane) se met à danser autour du feu, en compagnie des cinq lascars masqués de sa bande. C'est d'autant plus regrettable que, jusque-là, ce personnage avait été plutôt bien campé par Kate Moran. (Ensuite, ça part en sucette.)
Voilà. C'est un film plein de qualités (notamment visuelles), mais plombé par quelques séquences mal conçues.
22:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Commentaires
J'ai totalement oublié la beauté dont tu parles tant ce film est idiot.
Féministe ? Des jeunes filles qui transpirent dès qu'elles voient un mec et ne pensent qu'à se marier ? Et la Calamité qui se fait peloter sous la lune en entendant de se venger d'un ex amoureux ?
Faut arrêter de parler de feminisme dès quil y a plus de 2 femmes à l'écran.
C'est bien d'honneur d'évoquer les films dont tu parles.
La scène du bal : une horreur qui s'éternise. J'ai bien cru que les cré méchants allaient finir par dire : bouh on vous a fait peur hein !
La scène de la falaise : on touche le fond.
Et l'arrivée des vilains à la fin qui dure qui dure... Faut dire qu'ils marchent au ralenti.
La météo : ça ne me choque pas. Je suis à bien moins d'une journée de marche des Vosges qui peut crouler sous la neige sans qu'on voit l'ombre d'un flocon ici.
La seule réussite : la scène de l'église en ruines effectivement. Mais je me suis dit qu'elle avait dû être tournée par un stagiaire de la 2ème équipe qui s'ennuyait tellement elle est supérieure au reste.
Non mais c'est qui ce Perrault ?
Écrit par : Pascale | mercredi, 22 juillet 2020
Je qualifie le film de féministe en raison de la manière dont les héroïnes parviennent à sauver leur peau (de façon peu réaliste, on est d'accord). A la fin, ce ne sont plus de jolis objets à protéger, mais des personnes indépendantes, moins vulnérables qu'au début de l'histoire.
La plus jeune des filles a d'ailleurs perdu ses illusions sur son "prince charmant", ce qui permet à l'auteur d'éviter le "happy end" que beaucoup attendaient peut-être (les deux amoureux partant ensemble, à cheval, vivre une vie d'aventures).
Quant à la scène du bal, elle véhicule un point de vue sudiste sur la Guerre de Sécession. D'autre part, l'histoire de "l'ordre général 28" n'est pas une invention du scénariste (les craintes des femmes n'étaient pas infondées) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_g%C3%A9n%C3%A9ral_No._28
Concernant la bataille finale (et la conclusion de l'histoire), je dirais qu'elle s'éloigne volontairement du réalisme : les bandits sont abattus trop facilement par des tireuses inexpérimentées et le coup du vaudou est vraiment de trop. Mais je crois que, dans l'esprit du cinéaste, c'était volontaire.
Écrit par : Henri Golant | mercredi, 22 juillet 2020
Et bien tu le défends bien finalement.
Le bal : ce n'est pas le fond qui m'a gênée mais la forme. Ça s'éternise et la tension finit par faire pschit malgré le carnage. J'ai vraiment cru que ça tournerait à la rigolade. Et qu'est-ce que c'est mal joué.
La bataille est par contre franchement risible et ratée.
Le machin vaudou : je n'ai pas de mot.
Je me souviens que je n'avais pas trop aimé et sans doute rien compris à Nos héros sont morts ce soir.
Écrit par : Pascale | jeudi, 23 juillet 2020
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