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jeudi, 05 août 2021

Benedetta

   J'ai rechigné à aller voir ce film, tant le battage fait autour de certains aspects (supposés) provocateurs m'a paru artificiel. Et puis, récemment, j'ai profité d'un déplacement pour m'offrir la séance, dans un cinéma qui le programme depuis sa sortie à Cannes. À ma grande surprise, la salle fut aux trois quarts pleine, avec comme public un océan de tempes argentées (plutôt féminines), dans lequel s'étaient noyés un étudiant et quelques actifs en goguette.

   Commençons par l'aspect technique : c'est bien filmé, avec de bons décors. Le contexte de l'Italie du Nord du début du XVIIe siècle (à peine sortie du Moyen-Âge...) est assez bien planté, quoique de manière sommaire.

   Les scènes les plus intéressantes sont (pour moi) celles qui se déroulent à l'intérieur du couvent. Plus que le confinement, c'est la promiscuité qui a été mise en scène, avec ces pseudo-cellules monastiques qui ne sont séparées que par un rideau pas tout à fait opaque. Le mystère et le désir qui accompagnent cette fausse étanchéité sont quasiment palpables.

   À cela s'ajoute la prestation des acteurs. J'ai été davantage convaincu par les deux principales interprètes féminines (Virginie Éfira et Daphne Patakia) que par les deux "anciens" (Lambert Wilson, juste correct dans le rôle du nonce, Charlotte Rampling très à la peine). Heureusement, une pléiade de seconds rôles bien campés (notamment par Olivier Rabourdin et Louise Chevillotte) donne de la consistance à la distribution.

   Reste le propos global. Bien que Verhoeven s'en défende, il a construit une œuvre anticléricale, provocatrice (un peu tape-à-l'oeil) et dans l'air du temps pro-LGBT. Cela ne me dérange guère, à ceci près qu'il a déformé l'histoire (réelle) de cette religieuse homosexuelle (bisexuelle sans doute) pour la faire cadrer avec ses idées.

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   Contrairement à ce que j'ai parfois lu et entendu, le livre dont s'est inspiré Paul Verhoeven n'est pas un roman. C'est une étude universitaire rigoureuse, parue il y a plus de trente ans et que les éditions Gallimard ont fort opportunément décidé de republier (pas en collection de poche, toutefois... il n'y a pas de petit profit). De plus, le film n'est pas la simple adaptation du livre. Il y a eu réécriture de l'histoire, au profit d'un scénario en partie fictif... et ce n'est a priori pas forcément un mal.

   L'ouvrage de l'universitaire états-unienne mérite le détour pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il présente beaucoup mieux le contexte, évoquant notamment la place de la "déviance" sexuelle dans la société de l'époque... ainsi qu'au sein de l'Église. Le livre est beaucoup plus intéressant que le film par l'analyse détaillée qu'il fait des enquêtes ecclésiastiques. La hiérarchie toscane s'est demandée si Benedetta n'avait pas rêvé, puis si ses visions relevaient de l'extase ou du ravissement... et surtout si ce n'était pas Satan qui était derrière.

   À la lecture de l'étude, on comprend mieux quels étaient les enjeux de pouvoir, entre les autorités locales et régionales, entre les hommes et les femmes, entre les riches et les pauvres. Durant 90 % de l'ouvrage, l'historienne se garde de prendre position, se contentant de rendre compréhensibles par un public du XXe siècle (époque de la première publication) les mentalités de l'époque. Ce n'est qu'à la toute fin qu'elle semble trancher au niveau de la réalité des visions et de la relation nouée entre Benedetta et sa "protégée". Le livre n'est pas toujours facile à lire, mais il est passionnant. Il contient en outre de précieuses annexes traduites.

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