samedi, 02 avril 2022
Retour à Reims (fragments)
Ce documentaire militant s'inspire d'un essai de Didier Eribon (que je n'ai pas lu). A travers la redécouverte de l'histoire familiale (avec laquelle l'auteur / la narratrice dit avoir jadis coupé), le film dessine une histoire (subjective) de certaines catégories populaires (essentiellement le monde ouvrier), de l'Entre-deux-guerres (période des grands-parents) jusqu'aux années 1980-1990 (à l'âge adulte de l'auteur).
Le grand intérêt du film (et son originalité par rapport à la forme écrite) est le montage d'images anciennes qu'il propose, composé d'extraits de films de fiction et (surtout) de reportages d'époque. Hélas, ces images ne sont jamais contextualisées au moment où elles passent à l'écran. Il faut attendre le générique de fin pour découvrir de quand les extraits datent, en vrac. Du coup, parfois, j'ai eu l'impression que les périodes ne concordaient pas tout à fait. Ainsi, quand il est question des années 1950, il me semble que, parfois, ce sont des images de la fin des années 1960 qui nous sont projetées. Plus gênante encore est, pour illustrer la montée du vote FN chez les ouvriers dans les années 1980-1990, l'utilisation d'images d'archive présentant Jean-Marie Le Pen... dans les années 1970, à l'époque où son jeune mouvement ne rencontrait aucun succès.
Quoi qu'il en soit, le travail de documentation semble avoir été énorme et les extraits proposés sont intéressants. On en voit peu datant de la période des grands-parents. Le propos est centré sur la voix-off, qui lit des passages du livre. C'est la grand-mère maternelle qui est au centre de cette partie. C'était une femme libre, à qui le rôle de fidèle épouse au foyer ne convenait pas. Au début des années 1940, elle a même osé partir travailler volontairement en Allemagne... Notons que le livre, comme le documentaire ne jugent pas... enfin, pas ce genre de comportement.
La période d'après-guerre est plus fournie. Au niveau de la fiction, cela va de Jean-Luc Godard à Coline Serreau. Au niveau reportages et archives, c'est foisonnant, sur le travail des ouvriers, le rôle des femmes, la place des immigrés. L'accent est mis successivement sur ces trois aspects, l'un venant compléter l'autre. L'idée générale est que l'on trouve toujours plus opprimé que soi.
J'ai apprécié que le réalisateur ne contourne pas la difficulté du basculement d'une partie du vote ouvrier. Mais je trouve que l'état des lieux comme l'analyse des causes sont superficiels, voire biaisés.
Sur le plan historique, le film semble ne pas savoir que, depuis qu'elle a été identifiée en tant que telle, la "classe ouvrière" a toujours été profondément divisée. A la fin du XIXe comme au début du XXe siècle, une partie du monde ouvrier s'identifiait plutôt à la droite, voire à l'extrême-droite. De plus, le film occulte complètement l'influence démocrate-chrétienne dans le milieu, influence concurrente de celle des marxistes (ceci expliquant peut-être cela). Enfin, les nouveaux bataillons d'électeurs populaires de l'extrême-droite ne proviennent pas uniquement du PC ou du PS. Il s'agit parfois aussi d'anciens électeurs de la "droite sociale". Le réalisateur est sur une ligne néo-marxiste, qui attribue au supposé renoncement des gouvernements de gauche le basculement de l'électorat ouvrier. Il sous-estime considérablement les évolutions sociétales, à commencer par le (relatif) embourgeoisement d'une partie de la classe ouvrière. Eh, oui ! Le niveau de vie des Français (classe ouvrière comprise) s'est élevé entre les années 1950 et le début du XXIe siècle... mais de cela les spectateurs ne sont pas informés.
Je ne vais pas m'éterniser mais ce film est une petite déception. Si l'on aime les images d'archives (souvent pas vues depuis des années), il mérite le détour. Sinon, on peut se passer d'une œuvre qui se conclut sur les gilets jaunes et la "convergence des luttes".
Uncharted
"Non cartographié" est l'adaptation d'un jeu vidéo qui a mis un peu de temps à sortir en salle, en partie à cause de la pandémie, en partie à cause des tribulations de la distribution. L'intrigue s'inspire des aventures d'Indiana Jones, d'Allan Quatermain... et sans doute aussi d'ersatz comme À la poursuite du diamant vert. Les personnages, principaux comme secondaires, sont taillés à la hache. Commençons par le héros,
SIMPLET
Tom Holland (le dernier Spider-Man en date) est chargé d'incarner Nathan, un jeune Américain sympathique, bien qu'un peu stupide. Il mâche ostensiblement des chewing-gums, ne sait pas apprécier le bon vin, a tendance à parler avant de réfléchir, mais c'est un chic type : il est gentil et honnête, deux qualités qui permettent de le rendre supportable... surtout dans ses interactions avec :
TONTON
Interprété par Mark Wahlberg (qui a failli se retrouver à la place de Tom Holland), il cabotine à mort... mais je trouve que cela fonctionne. L'humour qui traverse cette histoire de chasse au trésor est le bienvenu et cela passe souvent par lui. Toute l'ambiguïté du personnage réside dans son rapport au héros. Celui-ci est orphelin et Sully pourrait constituer une figure paternelle de substitution... s'il n'était pas aussi sournois. Dans ce domaine, il est concurrencé par les deux principales figures féminines, notamment :
TATI (qui n'est pas l'épouse de "Tonton")
... alias Braddock, dans le film. Elle a les traits de Tati Gabrielle, qui incarne un personnage tellement venimeux qu'on serait tenté de l'appeler "Tatie Danielle". Elle est en concurrence avec une autre jolie jeune intrigante :
MILF
En dépit des conseils avisés de Sully, Nathan est très tenté par un rapprochement physique avec Chloe Frazer (qui, comme Braddock, a sans doute jadis couché avec "Tonton"). Belle, intelligente, sportive, elle a tout pour plaire... sauf, peut-être, sa malhonnêteté. Je suis quand même surpris que les scénaristes (une bande de mecs, soit dit en passant) n'aient pas pensé à introduire un personnage féminin un peu plus positif. Bon, ceci dit, globalement, l'histoire a tendance à présenter l'espèce humaine (tous sexes confondus) sous un jour assez sombre.
Ce quatuor (et d'autres encore) est lancé dans la quête du trésor de Magellan, au cours d'un jeu de pistes qui va mener les protagonistes des États-Unis aux Philippines, en passant par l'Europe. On a ainsi l'occasion de croiser Antonio Banderas, dans un énième rôle caricatural.
Le film, à mon avis, mérite le détour en partie grâce à ses scènes d'action (émaillées d'humour). On a un avant-goût de la première (une sortie d'avion quelque peu périlleuse) dès l'introduction. On revoit plus tard cette scène, sous un autre jour. Elle prend encore plus de saveur. Elle est mise en scène de manière percutante. (Signalons qu'aux manettes se trouve Ruben Fleischer, qui s'est déjà illustré avec Venom et Retour à Zombieland.)
L'autre séquence marquante est celle de la découverte puis de l'hélitreuillage de deux navires anciens, totalement irréaliste, mais bien filmée et bien montée.
Si les qualités du film sont indéniables, il faut quand même faire preuve d'indulgence avec le scénario et le jeu des acteurs. C'est une agréable détente, sans plus.
P.S. I
Le public français n'a peut-être pas compris le sous-texte d'une scène, un dialogue furtif entre le client d'un centre de vacances et le héros, sur une plage.
Ce client est interprété par Nolan North, très connu aux États-Unis pour ses doublages et sa participation à des séries télévisées... Surtout, il est la voix de Nathan Drake dans la version anglo-saxonne du jeu vidéo. (Cela confirme indirectement que les scénaristes ont fait le choix de rajeunir le personnage principal, sans doute pour attirer le public adolescent.)
P.S. II
En général, les spectateurs n'ont pas encore quitté la salle quand débarque la première scène post-générique. Elle est consacrée à un personnage de l'histoire appelé à réapparaître dans une suite...
P.S. III
... suite amorcée par la seconde scène post-générique (que je suis le seul spectateur de la séance à avoir vue), qui présente deux des protagonistes, dans une situation délicate, au cours d'une nouvelle chasse au trésor. Mais j'ai surtout adoré voir émerger une charmante boule de poils d'un petit sac à dos !
16:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films