mercredi, 05 octobre 2022
Sans filtre
Cinq ans après le brillant et étonnant The Square, Ruben Östlund nous revient, à nouveau palmé, encore avec œuvre sociétale satirique, dans laquelle les scènes trash voisinent avec un certain raffinement.
La première partie nous plonge dans un monde de paillettes, celui de la mode, aussi bien masculine que féminine. On comprend bien vite que les apparences glamour masquent une réalité peu ragoûtante. Le couple de héros en est une sorte de mise en abyme (un procédé que semble affectionner le réalisateur). La relation entre l'influenceuse et l'apprenti-mannequin semble toute belle à première vue : ils sont jeunes, bien roulés, pleins d'espoirs et ils profitent de la life... à donf ! La séquence qui commence avec le dîner dans le restaurant chic et s'achève par une conservation intime dans une chambre d'hôtel est bigrement bien construite. Cela démarre comme sur du papier glacé, avant que ne s'installe un malaise... la résolution de la crise révélant, une fois n'est pas coutume, le fond de la pensée de l'une des protagonistes.
Toutefois, si l'on excepte ce moment-clé, je trouve que cela manque un peu de rythme. Cela devient beaucoup plus intéressant dans la deuxième partie, consacrée à la croisière pour super-riches et/ou célébrités. Le voisinage du personnel du paquebot et des prestigieux passagers est souvent cocasse... et met en scène une considérable différence de classes. Et voilà Karl Marx qui surgit au détour d'une beuverie, entre un capitaine dépressif (Woody Harrelson, pas très subtil) et un milliardaire russe adepte du néolibéralisme.
Mais c'est la séquence du repas qui est la plus réjouissante. Amateurs de flux corporels, soyez les bienvenus ! C'est franchement jouissif. On sent que le réalisateur s'en est donné à cœur joie... au point d'en faire peut-être un peu trop. Mais je pense que l'excès fait partie de la conception de la situation.
Quoi qu'il en soit, cette séquence constitue le point de bascule de l'histoire (et du film). Jusque-là, la forme était bien léchée et la domination des puissants solide (en apparence). La suite va nous montrer que tout est remis en question. Sur la forme, cela devient aussi plus cru... et c'est bien !
La troisième partie ne met en scène que quelques-uns des personnages vus auparavant, sur une île. Je laisse à chacun le plaisir de découvrir comment on en arrive là. Il convient juste de savoir que, dans ce lieu isolé, les rapports de classe et de genre s'inversent. C'est excellent, au niveau du principe de base comme de la manière dont c'est amené, avec une incontestable rouerie.
Je suis sorti de là d'autant plus satisfait que, contrairement à ce qu'il a fait dans The Square, Östlund n'a pas cherché à conclure de manière morale. Un petit coup de théâtre survient, bien dans le ton de l'intrigue. Même si chacun(e) est laissé(e) libre d'imaginer comment va se conclure le dernier plan, la fin ultime ne fait aucun doute...
15:56 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Commentaires
Oui c'est très réjouissant mais cette détestation de l'humain systématique est surprenante.
Le renversement de la domination sur l'île est un régal jusqu'à ce que ça devienne trop uniquement sexuel, c'est dommage. Même si le petit jeune sacrifié (acteur à suivre je trouve) joue parfaitement l'ambiguïté.
Il aurait dû conclure pour montrer jusqu'où va sa cruauté.
Tu as su que la jeune actrice est morte récemment à 32 ans ?
Écrit par : Pascale | samedi, 08 octobre 2022
Avant d'aller voir le film, j'avais entendu parler de la mort d'une jeune actrice, mais je n'avais pas fait le lien.
J'ai évité de trop en lire avant la séance, pour garder le plaisir de la découverte. Il me suffisait de savoir que c'était le nouveau film de l'auteur de "The Square"
Écrit par : Henri G. | samedi, 08 octobre 2022
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