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samedi, 25 février 2023

The Fabelmans

   Ce nom de famille fictif est un masque pour les Spielberg. Le fiston s'est donc enfin décidé à faire œuvre ouvertement autobiographique. Plus qu'une fresque familiale, il s'agit d'une enfilade de moments censés expliquer pourquoi Steven Spielberg est devenu ce qu'il est aujourd'hui : un réalisateur de grand talent, renommé, mais travaillé par des troubles profonds.

   Ces troubles remontent aux années 1950-1960, qu'on pourrait qualifier d'années collège-lycée. Sans avoir quasiment rien lu sur le film auparavant, je n'ai pas mis très longtemps à comprendre quel était le "secret" de la mère... mais il m'a fallu ensuite supporter pendant plus d'une heure l'incompréhension ostensible des autres membres de la famille, le héros Sam découvrant le pot au rose de manière cinématographique (j'y reviendrai).

   C'est pour moi l'un des points faibles du film : le (pesant) mélo construit autour d'un couple dysfonctionnel, quand bien même les comédiens jouent leur partie avec talent. (Mention spéciale plutôt à Paul Dano qu'à Michelle Williams, celle-ci en faisant un peu trop, tandis que celui-là confirme tout le bien que je pense de lui depuis -au moins- The Batman.) Au niveau du cercle familial, je trouve que les filles s'en sortent bien, même si le réalisateur ne leur laisse que la portion congrue de l'histoire. En revanche Seth Rogen, qui incarne le meilleur ami, en fait des caisses. (Mais c'est peut-être ainsi qu'il a été dirigé, Spielberg n'étant pas réputé pour sa grande finesse en terme d'analyse des sentiments.)

   La première partie comporte quand même de bons moments. J'ai bien aimé tout ce qui a trait aux débuts de l'apprenti-cinéaste, avec de petites caméras et les premières tables de montage. Cela nous mène à l'une des meilleures séquences du film, pendant laquelle la mère calme son mal de vivre au piano, sous les yeux de son père, tandis que, dans une autre pièce de la maison, le fils réalise le montage de la récente sortie pique-nique en forêt. Il y a mise en abîme : la séquence est construite sous forme d'un montage alterné, technique à laquelle le fils va recourir. C'est aussi le moment où il comprend ce que lui cache sa mère, d'une manière qui est un hommage au Blow-Up d'Antonioni.

   Un autre bon moment est l'intrusion d'un autre membre de la famille, le grand-oncle gouailleur. Celui-ci a les traits de Judd Hirsch, un vétéran de la télévision (et de la saga Independence Day) qui sait comme personne comment incarner un vieux tonton juif, dont l'anglais est mâtiné de termes yiddish.

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   Le problème est qu'entre ces moments très réussis, on sent bigrement le temps passer. Cela redevient intéressant quand Sam se retrouve au lycée, en Californie. Il va y subir des brimades antisémites, mais aussi y rencontrer son premier amour, en la personne de Monica, une chrétienne aussi ravissante que farfelue. (Chloe East, un nom à retenir.) Les interventions de ce personnage (dans la chambre à coucher -scène d'anthologie- comme dans la voiture) sont une bouffée d'air frais dans un ensemble qui sent un peu trop le renfermé.

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   Un autre grand moment est la projection du film de fin d'année, œuvre de Sam, qui y règle quelques comptes, mais y introduit aussi ses préoccupations cinématographiques. Il y a de la romance, de l'humour, de l'action. La "patte" du futur réalisateur multi-oscarisé commence à prendre forme. En revanche, l'une des scènes suivantes (avec le sportif beau gosse) est à mon avis ratée.

   Cela se termine sur une très bonne note : la rencontre d'une légende du cinéma. (Pour les spectateurs malcomprenants ou tout simplement incultes, on a mis dans la bouche de Sam une réplique qui nomme le réalisateur.) Après son bac, Sam décide de tenter sa chance à Hollywood. On apprend à cette occasion qu'il a failli travailler sur la série Stalag 13 (connue aussi sous le titre Papa Schultz). Mais, alors, il a fait une rencontre déterminante. Le personnage (incarné avec gourmandise par... David Lynch) lui donne un conseil judicieux quant à la manière de réaliser un plan... conseil que Spielberg met en pratique... juste après, à la toute fin de son film ! J'ai bien aimé cette conclusion en forme de clin d’œil. Elle rattrape un peu l'ensemble, un assez bon film certes, avec quelques très bons moments, mais trop long et mélo à mon goût.

21:02 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Commentaires

Sur la partie familiale je trouve le film assez subtil pour nous faire comprendre/imaginer que le père est au courant de ce qui se trame dans son dos mais qu'il aime trop sa Mitzie pour intervenir. Les enfants ne voient pas ces choses là.
Pour avoir revu le film je trouve que finalement les filles ont une place plus importante que ce que j'avais ressenti à la première vision.
Tu as reconnu la petite partenaire de Rick Fucking Dalton ?

Chloe East est une tornade hilarante. La scène de la chambre... j'ai pas de mots et lorsqu'elle sort sa bombe de laque dans la voiture, c'est vraiment très drôle.

Gabriel LaBelle est FORMIDABLE.

C'est pour moi un grand film qui justement n'active pas la larme facile et donc pas mélo (au sens pénible du terme).

La dernière scène devrait être culte.

La réalisation est magistrale.

As tu vu ceci, c'est émouvant
https://www.youtube.com/watch?v=pI3431fetiM

Écrit par : Pascale | dimanche, 26 février 2023

Merci pour le lien.

Eh, non, je n'avais pas reconnu Julia, même si son visage me disait quelque chose. Cela change trop vite, à cet âge-là !

Je ne compte pas m'infliger une deuxième séance de 2h30 pour vérifier certains détails. Il y a trop de films à voir en ce moment. A la rigueur, je me referais bien "Alibi.com 2" et "Babylon".

Écrit par : Henri G. | dimanche, 26 février 2023

Mouarf pour Alibi. J'ai pris ça pour du millième degré.

J'ai revu Babylon. J'ai savouré la musique.

Écrit par : Pascale | lundi, 27 février 2023

Bonjour,

Je pense comme Pascale que le père était au courant de l'adultère mais fermait les yeux de peur de perdre sa femme.

C'est drôle les réactions différentes que chacun peut avoir, parce que pour ma part, c'est la scène de confrontation au lycée avec le beau gosse sportif après la projection qui m'a le plus surpris, et donc le plus intéressé. C'est un moment à mi chemin de Zelig et Liberty Valance, comme je le dis dans mon texte, où Spielberg avoue que s'il filme en idéalisant, sublimant, la réalité, c'est pour se faire accepter, lui le petit juif malingre. Cette confession désarmante rejaillit sur tout le reste du film pour moi.

Écrit par : Strum | mardi, 07 mars 2023

J'ai aussi compris que le père savait ce qu'il en était entre son épouse et son "meilleur ami" (contrairement à Michelle Williams, Paul Dano la joue subtil)... mais cela arrive assez tardivement dans l'intrigue... et cela n'a guère d'incidence sur la suite. La relation entre les parents demeure pataude, comme filmée avec des moufles.

Concernant les rapports entre le jeune héros et le sportif bogosse, j'ai comme eu une impression bizarre, en regardant les images tournées durant la course. L'apprenti-réalisateur s'y révèle fasciné par les corps musclés. Plus que le cinéma de Spielberg adulte, cela m'a rappelé les œuvres d'une documentariste allemande qui fut choyée par un dictateur des années 1930...

Écrit par : Henri G. | mardi, 07 mars 2023

Oui, c'est une manière de le traiter d'antisémite. Cette scène est très intéressante.

Écrit par : Strum | dimanche, 26 mars 2023

Je n'irais certes pas jusque-là. Mais, comme cette scène jure avec le reste et qu'elle ne fait pas très Spielberg, on peut s'interroger sur ce que le réalisateur a voulu exprimer. Peut-être est-ce le moyen d'oser affirmer que lui, bien que juif, reconnaît en Leni Riefenstahl une réalisatrice de talent, en dépit de sa jeunesse très controversée ? Je surinterprète peut-être.

Écrit par : Henri G. | dimanche, 26 mars 2023

Les commentaires sont fermés.