samedi, 18 mars 2023
Scream VI
SÉANCE GARANTIE SANS COLLÉGIEN(NE) NI LYCÉEN(NE) MAL ÉLEVÉ(E)
Au vu de la composition de l'audience, je peux affirmer que ce dernier volet attire trois types de public différents. Une minorité est constituée de personnes qui, comme moi, sont assez vieilles pour avoir vu les premiers films (ceux de 1996-2000) en salle. La majorité (lors de ma séance) était composée d'adultes, plutôt jeunes, qui ont peut-être vu les précédents (ceux de 2011-2022) sur grand écran, mais à l'évidence pas les premiers. Enfin, complétaient le public quelques adolescents (sages ceux-là), qui ne connaissaient sans doute la franchise qu'à travers le petit écran (ayant vu à la rigueur le quasi-reboot de 2022 en salle obscure).
Tout ce joli monde a été cueilli par une première demi-heure de bonne facture, avec son lot de violence, de second degré et de surprises. De manière traditionnelle, la première séquence montre le triste sort que va subir une charmante jeune femme, qui porte une robe hyper-moulante (et guère opaque) ne laissant pas ignorer à quel point elle est bien gaulée. En plus, c'est une prof de fac. Tout le public sait qu'elle va se faire dézinguer... et ce personnage devrait aussi s'en douter, vu qu'elle est spécialiste des films d'horreur.
Il y a donc à la fois du clin d’œil, du schéma traditionnel... et une trouble ambiguïté quant au statut de ce qu'on voit sur l'écran. Au premier degré, il s'agit d'une femme blanche, cadre supérieure, indépendante, qui cherche une rencontre d'un soir et va se faire "punir" par un jeune mâle pas très évolué... et issu d'une minorité ethnique. Au second degré, on sait depuis des décennies que les tueurs masculins à l'arme blanche sont sexuellement perturbés (impuissants, éjaculateurs précoces ou homosexuels refoulés). Percer le ventre d'une femme à coups de couteau est un substitut à l'acte sexuel... Au troisième degré, je pense qu'il s'agit aussi (pour les auteurs) d'un moyen de contourner la censure, qui (heureusement) n'admet pas qu'on représente d'une manière qui puisse paraître jouissive l'abus du corps d'une femme. En revanche, la filmer en train de se faire dépecer, ça passe...
Le film est donc un peu putassier sur les bords. Je suis impressionné par le nombre de coups de couteaux et (de tentatives) d'égorgements qu'il contient, le tout souligné par la musique et mis en scène de manière à constituer un spectacle. (Ce n'est pas aux moins de douze, mais de quinze-seize ans qu'il aurait dû être interdit.) L'histoire n'est pas une condamnation de l'acte de tuer de manière cruelle... puisque la réponse à ces meurtres est elle même une série de meurtres (plus ou moins en légitime défense).
C'est aussi une suite qui vise la compatibilité avec l'esprit woke. Alors que les œuvres de Wes Craven étaient des "films de Blancs" (seuls quelques personnages secondaires étant noirs), ici l'intrigue prend place dans un monde majoritairement latino, celui d'un quartier de New York. La meilleure surprise de ce renouvellement de protagonistes (qui remonte à Scream V) est Melissa Barrera, une ravissante Mexicaine qui incarne une potentielle victime qui refuse de jouer les oies blanches. Elle se révèle aussi redoutable que les tueurs.
Il y a donc aussi un petit fond féministe dans ce slasher, un genre pourtant marqué pendant des années par une vision très caricaturale des femmes. Plusieurs personnages féminins jouent un rôle actif dans l'intrigue... à un point même qu'on ne découvre qu'à la toute fin. (Je rassure toutefois mes lecteurs marqués par la Tradition : la production n'a recruté que des jolies filles.)
Les relations garçons-filles sont au cœur de la séquence de la fiesta nocturne, la consommation d'alcool pouvant conduire des demoiselles imprudentes à finir la nuit en compagnie douteuse... Plusieurs scènes sont construites en intégrant le questionnement du consentement. Peut-on toucher ? Prendre la main ? Embrasser ?... Je trouve cela plutôt bien venu, surtout compte tenu public qui va voir ce film.
Pour le reste, cette resucée n'a pas grand chose d'emballant. La séquence d'agression dans l'appartement est du déjà-vu, paresseusement mis en scène. Idem pour celle du métro, où tout est prévisible. Le combat final, dans l'ancien cinéma, ne vaut guère mieux, si on laisse de côté les petits coups de théâtre. C'est terrible à dire, mais ce film d'horreur ne fait pas peur. Il fait rire (un peu), réfléchir (un peu plus)... et parfois pitié. C'est de surcroît beaucoup trop bavard, sans doute pour masquer certaines faiblesses scénaristiques et de mise en scène.
Cela m'amène tout naturellement à l'énigme du tueur. Depuis les précédents films, tout spectateur un tant soit peu conscient de ce qu'il va voir sait que, pour nous empêcher d'identifier trop vite Ghostface, au moins deux tueurs œuvrent en équipe... et pas forcément des garçons. J'ai identifié sans peine l'un d'entre eux, mais je dois dire qu'à la fin, mes soupçons se dispersaient encore trop... parce que (comme les autres spectateurs) j'ignorais ce qui lie certains personnages. Avec le recul, il me semble toutefois que cette association ne permet pas d'expliquer tous les meurtres auxquels nous avons assisté précédemment de manière crédible. Il y a quelques incohérences, mais dont, après tout, on se fiche un peu.
Je ne sais pas si Wes Craven aurait apprécié ce que ses successeurs ont fait de sa franchise.
14:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Commentaires
Tu sembles avoir une dent contre la jeunesse mal élevée.
La vieillesse tout permis ne vaut guère mieux. Souvent ces messieurs dames ont un peu tendance à se croire dans leur salon, papotent et commentent, arrivent en retard portable allumé en mode lampe torche pour se diriger, hésitent pour se placer et j'en passe... Sans compter que "ça" se lève dès le film terminé et ça met une plombe à enfiler sa manche sans se préoccuper de celle qui se contorsionne derrière pour voir le générique
Je ne vois sans doute pas assez de films de jeunes pour voir comment ils se comportent mais j'en vois quand même et franchement je trouve que les vieux sont bien plus ou peut-être tout aussi CHIANTS. La dernière fois très récente où j'ai dû dire à quelqu'un d'éteindre son écran bleu dans mon champ de vision, c'était une dame d'un âge très certain...
Quant au film, je n'ai vu que le 1er il y a une éternité et j'en suis restée là.
J'ai une ado de 14 ans dans mon entourage TRÈS proche et elle a (hélas) vu tous les épisodes. C'est tellement simple de nos jours.
Ce goût des ados pour ces films me surprend toujours.
Quand je constate quels films "pointus" je voyais à cet âge, je me dis que j'étais peut-être une ado moins ordinaire dans mes choix.
Ça ne fait pas un adulte plus réussi, c'est juste une constatation mais quand je demande à l'ado si elle va aller voir The Fabelmans par exemple, la réponse est : ouais, bof, peut-être.
Écrit par : Pascale | dimanche, 19 mars 2023
Fort heureusement, tous les collégiens et lycéens ne se comportent pas comme des malotrus dans les salles de cinéma. J'en côtoie régulièrement qui se tiennent très bien (et, effectivement, mieux que certains adultes qui se croient chez eux dans leur canapé...).
Cependant, la programmation de certains films (d'épouvante en particulier) semble fonctionner comme un aimant à connards et connasses (les deux sexes se partageant à peu près équitablement la palme de l'incivisme dans ce domaine).
La plupart des "vieux" cinéphiles que j'ai rencontrés au cours de ma vie ont petit à petit réduit leur fréquentation des salles obscures, au point, pour certains, d'y renoncer. Le comportement d'une minorité de spectateurs y est pour quelque chose, même s'il n'explique pas tout.
A Rodez, cela fait au moins deux fois que le directeur du cinéma est contraint d'arrêter (puis annuler) une séance, à cause du chahut. C'est arrivé à la dernière Toussaint et donc tout récemment, à une projection de "Scream VI". D'après ce qui m'a été dit, l'attitude de certains récalcitrants l'a même conduit à appeler la police.
Les cinémas font en sorte de ne pas ébruiter ce genre d'incidents. Ils pensent que c'est mauvais pour le commerce. Je les comprends, mais la mauvaise tenue d'une partie du public fonctionne aussi comme un repoussoir pour d'autres spectateurs. Je pense qu'il faudrait faire comme au football : interdire (plus ou moins longtemps) de salle les spectateurs perturbateurs. Je pense que, pour la majorité d'entre eux, cela servirait de leçon.
Écrit par : Henri G. | dimanche, 19 mars 2023
Houla... avec un service d'ordre pour filtrer à l'entrée?
Merci bien, on a déjà donné, avec ces f... pass sanitaires!
Pas besoin d'un "pass de civilité", merci.
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Écrit par : tadloiducine | lundi, 20 mars 2023
C'est une question de point de vue.
Le passe sanitaire m'a permis de reprendre une vie normale (resto, ciné, musée...), en toute quiétude.
Jamais testé positif au covid, j'ai reçu quatre injections, sans ressentir plus d'effet secondaire qu'après un rappel de DTPolio. Pas de troisième oeil sur le torse ni de petit bonhomme vert sortant de mon estomac ! ;)
Écrit par : Henri G. | lundi, 20 mars 2023
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